Jean-François Foulon a lu " Ailleurs est un pays aux rivières lentes" de Joël Godard
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Je termine à l’instant le petit recueil de poèmes de Joël Godart et je veux mettre par écrit mes impressions tant que je suis sous le charme. On sait comment cela va : si on attend trop longtemps, on intellectualise, on raisonne, on fait de beaux développements savants, qui sont sans doute fort pertinents, mais on n’a pas rendu l’âme des poèmes, autrement dit ce qui nous a fait vibrer en tant que lecteur. Or justement ceux-ci m’ont parlé et pas un peu. Il s’agit de poèmes courts, qui développent en quelques vers libres les thèmes de l’amour, du temps qui fuit, de la mort, mais surtout du rêve. On sent que pour l’auteur écrire est une manière d’atteindre une sorte d’éternité, celle d’un monde onirique bien meilleur que celui dans lequel il nous faut vivre :
Par mes songes je suis ailleurs.
Ce qui ne veut pas dire que notre poète soit triste. Non, du tout, mais il cherche dans cet « ailleurs » un équilibre intérieur. La femme tient évidemment une place de choix dans cette poésie et l’amour que le poète éprouve pour elle est précisément une manière d’atteindre ce monde magique et transcendant :
Femme aux doigts légers ta parole enflamme le monde
La femme est en elle-même tout un univers qui fait rêver et qu’il s’agit d’explorer pour donner un sens à sa vie :
Mes mains sur ton corps avancent en arabesque
Sur ton flanc aux pentes douces mes mains sont en voyage
La femme est donc bien une terre inconnue que l’on découvre avec émerveillement. Sa douceur seule semble nous apaiser de nos angoisses et nous ouvrir les portes de la beauté du monde.
Outre les nuages qui eux aussi font rêver, la mer est un autre thème récurrent, avec des images parfois étonnantes et très belles :
Le matin nous trouvait allongés sur la plage
La mer couchée à nos pieds
Entre la mer et les nuages, il y a les oiseaux, qui dominent le ciel et qui semblent les seuls à être capables de planer et de découvrir le pays des rêves. Le poète se transforme d’ailleurs parfois lui-même en oiseau, pour mieux entrer dans ce monde onirique, monde qui renvoie à l’Eden et au paradis perdu. Car ce sont ces sphères éthérées que cherche le poète, même s’il s’interroge lui-même sur sa démarche :
Que cherches-tu, qui soit si difficile à trouver ?
Ce paradis, pourtant, n’est pas toujours imaginaire. Non, il semble parfois se trouver derrière nous, dans ce que l’on a vécu autrefois (l’enfance ?) et c’est par la mémoire qu’on tentera alors de le saisir :
Aller dans les souvenirs
Le filet des rêves à bout de bras
Comme un nageur à contre-courant
Pourtant l’auteur sait que devant lui, au bout du temps, se dresse la mort. Et c’est elle, sans doute, qu’il tente de fuir avec ses mots, pour dire ce qui fut ou ce qui aurait pu être.
Dans les poèmes de Joël Godard, il y a la nuit, mais aussi des aubes aux reflets bleus, qui viennent nous consoler.
Il y a de l’humour aussi, mais un humour qui renvoie au thème de l’écriture, comme ici :
Le petit homme a grimpé
Sur le rebord de l’encrier
Il m’a tiré sa révérence
Puis a tourné le dos et a plongé
Deux gerbes bleues ont salué son départ
Bref, quand on voit tous les thèmes abordés, on se dit que ce petit recueil, en quelques pages, a fait le tour de tout ce qui était essentiel. Il faut le lire, absolument et découvrir cet « ailleurs » qui était déjà annoncé dans le titre du recueil.
Jean-François Foulon