Jean-François Foulon a lu "Impala" de Marie-Thérèse Carlier

Publié le par christine brunet /aloys

Jean-François Foulon a lu "Impala" de Marie-Thérèse Carlier

Difficile, de parler de poèmes, même si j’en ai écrit moi-même. Difficile d’en dire la spécificité intrinsèque, car chaque texte, finalement, a son âme propre. Néanmoins, quelques thèmes traversent ce recueil, en lui donnant une unité certaine. Le ton est généralement assez sombre. Point de nature généreuse ici, de vertes prairies ou de splendides forêts où chantent les oiseaux. Non, on est plutôt dans le tragique de la vie. On parle de la souffrance (physique et morale), de la maladie, de la solitude et de la mort. On parle des êtres faibles, des petits, des enfants morts en bas âge. On parle de la difficulté de l’individu à vivre dans ce monde d’injustice et de douleur. On parle du temps, qui nous emporte inexorablement vers la mort :

Mon présent est réduit, si indéfini,

Mais je sais qu’il est déjà anéanti

Tout n’est pas sombre, pourtant, il y a eu de bons moments, mais tout cela était finalement éphémère :

Oui, j’ai connu une vie pleine de surprises,

Mais elle va m’être prise.

Parfois, la poétesse se révolte contre l’inéluctable et elle clame son besoin de bonheur :

Je veux vivre en liesse

Je veux vivre sans détresse

Je veux vivre en harmonie

Avec ce don d’en Haut, ma vie.

Elle espère, même, en une vie future, après la mort, ultime espoir. En attendant, elle rêve et construit dans sa tête un autre monde, meilleur que celui dans lequel elle vit :

Je vois les rivages les plus fabuleux

Les mers les plus généreuses

Il y aurait donc un « ailleurs » où tout serait différent et auquel elle aspire. Comme le lecteur la comprend ! Cet « ailleurs », c’est dans l’écriture que Marie-Thérèse Carlier va le chercher. Mais l’inspiration n’est pas toujours au rendez-vous et cette écriture, elle aussi, peut la trahir. Que lui reste-t-il, alors, ces jours où la page reste désespérément blanche ? Elle peut contempler les nuages et leurs formes féériques ou admirer une rose. Mais la forme des nuages change et la rose n’est pas éternelle. L’histoire des hommes, quant à elle, n’est qu’un champ de batailles et n’offre que du sang. La seule solution semble être finalement une sorte de don de soi afin d’apporter un peu de réconfort aux frères humains qui nous entourent. Il faudrait tourner le dos au côté sombre de la vie et n’en conserver que le meilleur.

Voilà pour le fond, qui je dois dire me plait bien. Pour la forme, si j’osais une critique (il faut être honnête toujours et dire ce que l’on pense), je dirais que le recueil aurait gagné à être en vers libres. Certes, les rimes apportent une musicalité certaine (cependant il faudrait alors, pour chaque vers, respecter le nombre des pieds), mais souvent elles obligent l’auteur à choisir un mot non pour son sens mais précisément pour sa rime. Il s’ensuit un exercice parfois un peu forcé. Il me semble que les thèmes ici abordés étaient suffisamment forts pour être traduits en une prose poétique ou en vers libres. Certains me diront au contraire qu’un poème ne vaut que par sa forme, son style, et pas par son contenu. C’est l’éternel débat qui avait amené Roland Barthes à dire qu’un texte n’était littéraire que parce que son auteur en avait ainsi décidé (et son contenu n’avait finalement aucune importance). C’est aller trop loin, à mon avis. En tout cas, quand on referme le volume « Impala », on n’oublie pas les thèmes abordés, qui nous concernent tous. N’est-ce pas là, déjà, une grande réussite ?

Jean-François Foulon a lu "Impala" de Marie-Thérèse Carlier

Jean-François FOULON

Publié dans Fiche de lecture

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J
La poésie n'est pas forcément triste, Edmée, mais elle peut être un moyen de dépasser une certaine tristesse existentielle en mettant des mots dessus. Ecrire, ce n'est pas alors se complaire dans la nostalgie ou la douleur, mais l'exprimer une fois pour toutes, la dépasser en quelque sorte en la sublimant dans l'art. Je crois que c'est dans ce sens qu'il faut lire le recueil de Marie-Thérèse.
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E
C'est bien commenté et "expliqué", ce qui plaît et ce qui déconcerte. Moi je lis la poésie au compte-goutte, et en plus je comprends mal la tristesse si elle n'est pas une simple passagère cruelle et criarde mais ... qui passe. J'aurais du mal avec l'idée d'une chape de tristesse je pense (ne la comprenant pas...) Mais quelle belle écriture, pour les bribes que Jean-François nous en livre... L'impala si fragile, si gracieux... que ses bonds légers ne sauvent pas toujours du lion...
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