Carine-Laure Desguin a lu le recueil de nouvelles d'Alain Magerotte "Bizarreries en stock"

Chers lecteurs,
Si vous apercevez ce livre dans les rayons d’une bibliothèque, méfiez-vous. J’ai emprunté Bizarreries en stock et n’arrive plus à m’en débarrasser. Je lâche ce livre et il me revient, comme un boomerang. Le graphique de la couverture, c’est celui de mon dernier électrocardiogramme. Et le prochain graphique sera le vôtre si et seulement si. Je vous écris donc d’un espace irréel mais qui …existe vraiment. Je vous explique les étapes vécues, elles sont dignes des douze travaux d’Hercule.
1) Les mémoires du diable
Page 19 : …Quand ma mission sera accomplie, ou digérée, le piège, en merveilleuse mécanique dotée d’une précision extrême, m’absorbera avant de se rouvrir pour s’offrir une autre victime…
Ecrivain ou écrivaillon qui vous sucez le pouce devant une page blanche, ne tombez pas dans le panneau. Méfiez-vous de qui et de quoi ? Les précautions à prendre sont à lire dans cette première nouvelle.
2) Le vieil homme et la pluie
Page 27 : …J’atteins l’entrée du village, toujours habité par cette complicité inexplicable, pour l’instant, me liant à l’averse…
Ce vieil homme ne sortait que lorsqu’il pleuvait. Vous trouvez ça normal, vous ? Ben moi non plus ! Quant à la tante Victorienne, je sais pas si elle a tout capté. À vous de voir.
3) Chronique d’une fin annoncée
Page 35 : …Un peu plus de la moitié est écrit, le reste comporte des pages vierges. Cependant, toutes sont numérotées et le mot finapparaît en lettres grasses sur la dernière …
Là, c’est le sommum, un livre qui se déplace, c’est déjà pas si banal mais alors là, un livre qui résiste aux flammes c’est carrément suspect, non ?
4) Un homme sans histoire
Page 55 :…Méticuleux à l’image d’un enquêteur, il classe les différents éléments dans son congélateur comme autant de pièces précieuses…
Achille Lépine, n’oubliez jamais ce nom. Un homme qui se dit ne pas vouloir d’histoire. Mensonge !
5) Le bureau au fond du couloir
Page 60 : …La présence de ce salaire reste, pour les deux femmes d’ouvrage, la seule manifestation de la présence du vieil homme…
Mystère dans le local 402. Il se passe de drôles de choses dans les bâtiments ministériels. Tout le monde ne dort pas dans ces ministères, faut pas croire.
6) Le collectionneur
Page 86 : …« Belle collection, n’est-ce pas ? »
Le professeur Dursidore, un drôle de type. Mais pointez-moi du doigt un seul type normal qui se baladerait dans ces bizarreries en stock. J’attends.
7) File d’attente :
Page 99 : …Peut-être est-ce dû au fait que nous partageons un identique et étrange destin…
Une file d’attente qui permet aux existants le droit de revendiquer le fait d’être existants. Vous me suivez ? Non ? Suivez alors la file et revenez m’expliquer tout ça, ça vous passera le temps.
8) Un pied dans la tombe
Page 116 : …Sans demander son reste, il quitte le cimetière à cloche-pied, ne se rendant même pas compte que le membre supplicié ne porte aucune trace de la torture infligée…
Là, le suspense est à son paroxysme. Lecteur, prenez du recul, l’heure est grave.
9) L’odeur
Page 119 :…Mais cette puanteur revêt un caractère particulier …une senteur de putréfaction en plus, si je pousse un peu l’analyse…
Vous me direz, après une histoire de cimetière, une histoire d’odeur et de putréfaction, c’est bien normal. Eh bien non, ce n’est pas normal du tout. Là, je me suis sentie (si j’ose dire) comme aspirée dans une spirale de textes infernaux.
10) Je suis mort le …
Page 144 : …Les mots assassins ont pollué l’eau bleue et refoulé sur ma plage des centaines de poissons morts, transformant mon éden en un vaste mouroir…
Il a tout vu et tout entendu ! Pauvre homme !
11) Heures de pointe
Page 153 : …Il la tient son idée qui devrait faire de lui l’animateur le plus suivi et le mieux payé de la profession…
Ce texte écrit en 2004 est aujourd’hui une réalité. Vous ne me croyez pas ? Eh bien tant pis pour vous.
12) Adelin Leroi a disparu
Page 166 : …Tapi dans la pénombre, le visage glacial, l’œil mauvais, méprisant, un affreux rictus tordant sa bouche…les signes avant-coureurs d’une nouvelle attaque se dessinent…
Ah il a disparu ce Leroi. Bien fait pour lui, saloperie de politicard. Je crois que c’est cette phrase qui m’a valu le coup de pied final qui m’envoya en plein milieu de ces bizarreries. On ne se moque pas impunément de la mort d’un ministre. Mais ce n’était pas une mort banale. Et si cette mort n’en était pas une, si c’était le recommencement de quelque chose ? Parce que ces éclaboussures, franchement …
Si quelqu’un a la solution pour me faire revenir du côté des vivants, merci d’avance. Ces nouvelles m’accablent encore et mes neurones sont toujours en surchauffe. Ce Magerotte est criminel, on ne prend pas le lecteur en otage de cette façon. Je pourrais dire que ce recueil nourri de textes fantastiques (mais pas trop, juste ce qu’il faut pour vous hérisser les poils de l’échine) captive le lecteur parce que les personnages sont ceci ou cela et patati et patata. Mais en voyant le graphique de mon électro, vous ne me croiriez pas. Je ne suis plus là. Mais là. Je veux dire ici.
Bien cordialement,
Feu Carine-Laure Desguin
Collaboratrice du Salon du Livre de Charleroi, membre de l’ADAN, de l’Areaw, de l’AEB, de Clair de Luth, des Artistes de Thudinie, chroniqueuse pour www.actu-tv.net, etc.