Pascale Gillet-B a lu "La rivière des filles et des mères"
La rivière, … le terme torrent serait plus à l’image de cette remontée tumultueuse dans le temps, à travers les yeux de cinq femmes à la personnalité éblouissante.
Zoya, la vie-même, nous guide par fragments inachevés dans le dédale de l’arbre généalogique de sa famille. Elle nous livre une série de noms les enveloppant dans quelques anecdotes de vie. Il y a en premier lieu Belette, l’épouse indienne qui vivait la solitude de sa cabane comme un bien précieux, ensuite la Métisse Enimie Goguet capable d’abattre un fauve d’un seul coup de fusil sans peur ni hésitation. Après, arrive McLeary, surnommée Mackie , la princesse, une beauté brute qui épousera un « Grizzly », suivie par Mariette, avare de douceurs et de mots mais fidèle à ceux qu’elle a aimés. Enfin, Louisiane, traumatisée par le suicide de son père qu’elle a vécu comme un abandon.
L’histoire racontée dans ce livre est celle de ces femmes, d’abord évoquées à travers les trop brèves interventions de Zoya.
Après, Edmée a choisi de permuter les points de vue. Ainsi, au fil de notre lecture, chacune de ces femmes devient narratrice et prend la parole pour présenter sa propre vie avec maints détails passionnants, sans intermédiaire.
En réalité, Belette se nommait Aputikâ et était amoureuse de son Normand de mari. Elle pouvait le comprendre en l’écoutant respirer et pouvait lire dans ses pensées. Elle chérissait sa liberté, la terre, les saisons qui se succèdent. Elle fut enterrée aux côtés d’Aubert, son fils, par Enimie, sa fille « métisse à l’aspect de Normande pur-sang »
Enimie avait épousé son meilleur ami Calum, homosexuel, pour le sauver de la honte sociale de l’être. Plus tard, Enimie avait attrapé le désir d’un homme, un hétéro, comme on attrape un rhume, un réel coup de tonnerre dans sa vie, dans leur vie.
Mackie avait choisi de suivre son homme, et sa louve, Cheéte. Après une longue attente, elle avait mis au monde des jumeaux qui avaient rempli sa vie. Puis un jour, un jour qui changea tout, elle avait perdu son œil, lors d’une attaque de bandits et portait depuis lors des bandeaux de pirates colorés. Mariette, elle, avait épousé sans amour André car elle avait décidé de vivre sans prendre le risque d’aimer pour ne pas souffrir. Mais elle s’était trompée.
Louise-Anne avait appris la couture pour être indépendante et elle y réussit. Elle aura élevé seule, Zoya, l’enfant qu’elle avait conçue avec un artiste égoïste, Dracula.
On rencontre autour de ces femmes une foule de personnages secondaires tels Jules=Nicolas, Ariane, Tante Chantal, Evguèny, Thérèse, tante Malina qui ajoutent du piquant à cette saga. On découvre aussi dans ce livre une variété de paysages, des voyages d’un continent à l’autre, des réflexions profondes sur la vie, sur l’amour, des habitudes culturelles parfois étonnantes.
Il y a enfin « un orignal sculpté dans ce qui semblait être du noyer… »
Merci, Edmée, pour cette richesse de création et d’inventivité !
Pascale Gillet-B