Gauthier Hiernaux nous présente son nouveau roman "Journal d'un cachalot"

Publié le par christine brunet /aloys

    

  1. Extrait

 

Comme tout le monde, on lui avait donné un nom et un prénom, pourtant, depuis bien des années, on ne le surnommait plus que « le cachalot ».

Il y avait plusieurs raisons à cela, mais de manière générale, on ne retenait que la première, la plus évidente en somme. 

Des lèvres qui couraient loin sur ses joues en une grimace de tristesse qui ne s’effaçait jamais, un ventre si proéminent qu’il lui ouvrait, sans effort, un passage dans la foule la plus dense et sa taille très respectable – un presque double-mètre – avaient fortement contribué à ce surnom peu flatteur. Il le gardait depuis l’enfance, quand il avait commencé à prendre de l’embonpoint et aujourd’hui que sa balance accusait un peu plus de cent soixante kilogrammes, le sobriquet ne semblait pas sur le point de disparaître.

Son père était énorme, sa mère ne l’était pas moins. S’il avait eu un frère ou une sœur, ils auraient été cétacés itou. Sans doute échaudés sans doute par les efforts qu’ils avaient dû déployer à l’accouplement, ses géniteurs en étaient restés là. Ils étaient morts depuis bien longtemps et « le cachalot » nageait seul parmi les requins.

Pour l’heure, ses larges pieds posés sur le trottoir, il contemplait une affiche qui ravivait sa fierté.

Et pour cause : sur toute sa surface s’étalait son nom en lettres capitales :

 

Hans-Erik Brenaerdt

expose ses œuvres

 

C’était sa toute première exposition, son heure de gloire. Pour l’instant cependant, il jouissait d’un tout autre spectacle. Il patientait, tapi dans l’ombre sous une pluie battante, sans la protection d’un parapluie. Cela ne le gênait guère, après tout, l’eau n’incommodait pas les animaux sous-marins. Son plaisir était de les voir arriver un par un, ces hommes qui l’avaient raillé pendant des années, plus curieux qu’intéressés par ce qu’ils allaient découvrir. Il en aurait mis sa nageoire à couper. Sans doute espéraient-ils rire de lui encore une fois. Il leur promettait une belle surprise. 

 

  1. Bio

 

Auteur de nombreux romans et recueils de nouvelles parus chez différents éditeurs, Gauthier Hiernaux est un auteur belge francophone né à Mons en 1975 et résident à Bruxelles depuis les années 2000.
Il est licencié en Langues et Littératures romanes de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) et possède une agrégation de l’enseignement supérieur.
Il est formateur en informatique depuis vingt-cinq ans et partage sa vie entre sa famille, son travail et ses activités littéraires.

 

  1. Résumé

 

« Journal d’un Cachalot » est un recueil de douze nouvelles noires écrites entre 2010 et 2015.
Il s’agit majoritairement d’histoires très ancrées dans le réel mettant en scène des anti-héros tels que Hans-Erik Brenaerdt « le cachalot », Willie « Toolbox » Schuster ou encore le mauvre John-John Sizeman.

L’auteur semble prendre un malin plaisir à torturer ses personnages en les plaçant dans des situations inextricables (Le mauvais gars, Toolbox), absurdes (Journal d’un Cachalot, La Dernière tentation d’Arnie Miller), malsaines (Vilaine, mais docile) ou franchement cruelles (Douche froide, Les Peaux-rouges).

Notons également deux nouvelles « hommage », à Camus d’abord (Les toutes dernières minutes) puis aux victimes des attentats de Charlie-Hebdo (Aujourd’hui, je ne suis pas mort).

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C
Des nouvelles noires, cela devrait me plaire. Et tout en écrivant mon commentaire j'essaie de me souvenir du livre lu voici quelques années par cet auteur.
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G
N'est-ce pas "Tribu silencieuse" ?
P
Des nouvelles noires, c'est pour moi, ça ! Et Edmée donne envie de le lire...
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G
Avec plaisir :-)
E
Je suis en train de le lire, je pense que c'est le troisième que je lis de Gauthier, donc mon plaisir était "gagné d'avance" mais c'est un vrai plaisir. Je ne sais pas pourquoi (je ne vais pas me psychanalyser, hein...) mais il y a comme une aura de Jean Ray, sans le côté surnaturel de Jean Ray. L'ambiance, les personnages... Quoi qu'il en soit, je reste conquise !
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