Concours "La fureur le lire, la fureur d'écrire" ACTE 4 : texte 1
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Dis, m’man,
C’est pas pour râler, tu te rends compte dans quel bourbier tu me fous parfois ? Et parfois, ça signifie trèèès souvent. Cette enquête, la dernière que tu as osé publier, quel imbroglio à la con ! Oui, la dernière, ne me regarde pas comme ça (je vois ton air innocent se pointer). Faut être à la masse pour pondre un tel truc ! Tu te shootes ou quoi ? Tu snifes ? Tu la coupes avec de la merde ramassée dans un bistrot de la gare (de Charlewè) ? Un meurtre dans un immeuble à la côte belge ! La côte belge, déjà ça ! J’ai claqué des billes hein moi ! Si encore tu m'envoyais à la Costa Brava, à Ténériffe, à Majorque ou à Bahia, sous le soleil quoi. Mais non ! À la merde du Nord. En plein vent. Sous la pluie. Comme par hasard je crèche dans un immeuble loufdingue, une espèce d’asile peuplé d’artistes demeurés et snobinards. Et une écervelée se défenestre. Rien que ça, oui m’dame. Écervelée, c’est le mot. Sa cervelle gélatineuse s'éparpille sur le trottoir entre les éclaboussures d’hémoglobine et de la bave gluante, un chat n’y retrouverait pas ses jeunes tellement c’est dégueu. Bon appétit hein ! Dis m’man, pour changer, tu pourrais pas m'envoyer enquêter chez des financiers, des ministres par exemple, qui auraient détourné une paire de milliards ou caché des lingots d'or dans les caves de leur castel ? Hein ? Juste pour constater le degré de mon flair dans pareilles circonstances. Alors je continue sur ma lancée … Tu m'affubles d'un costard à la six-quatre-deux. Non mais ! Une jupette cramoisie et débile à carreaux noirs jaunes et rouges ! Ah oui, ça c'est du belge authentique hein ! Et pas contente de toi, une casquette à la con et tout le toin toin, des accessoires aux couleurs nationales ! Quel patriotisme ! Cerise sur le gâteau, je suis l'enquêtrice privée de chez privée de Philippeke de Belchique. Tu rigoles ou quoi ? Obligée de me coltiner ce royal manneke au début et à la fin de l'enquête. Et dans l’entre-deux idem. Ah ben oui tu penses, j'ai refusé sa médaille, il est tellement gauche qu'il m'aurait décroché un nichon ! Ben si ! Et en s'excusant il m'aurait transpercé le deuxième nichon. Plutôt le second car de troisième il n’y en a pas, même dans tes histoires à la décape. Mais on sait jamais. Quand tu t’aventures dans tes transes science-fictionnelles avec des démons bicéphales à mille-pattes alors pourquoi pas leur planter trois mamelles, hein ? Non, je ne suis pas cynique. Je continue. Je disais donc que tu m’attifes de loques tricolores et venons-en au surnom. Kitch’kasket ! Kitch’kasket ! Mais de quelle fosse à purin t’a remonté ce truc-là ? Ton éditeur devrait t’enfermer dans sa cave et te lancer une cacahuète de temps en temps. Kitch’Kasket ! Je me présente chez un suspect et je lance ça, Bonjour, kitch’kasket, envoyée spéciale du Palais Royal, enquêtrice privée de Philippeke de Belchique. Ah, ça en jette, ça oui. Sauf que le mec en face de ma tronche il se plie en deux, il pense à une blague, même s’il a deux cadavres découpés en lamelles cylindriques dans son congel ! Là, dans Ceci n’est pas un meurtre (comme un autre), tu creuses encore ! Tu ressuscites Magritte ! Ressusciter Magritte ! Mais comment veux-tu ressusciter un type qui n’est pas encore mort ? C’est un surréaliste, mais quand même !
Alors, je te le dis en face, je n’en peux plus de tes magouilles, de tes fringues patriotiques et j’en passe. J’exige des couleurs banales, du bleu, du blanc et du rouge par exemple. Et inutile de me coltiner une enquête à l’Élysée. Envoie-moi plutôt au zoo d’Antwerpen ou dans une caravane, chez Bouglione. Tiens oui, chez Bouglione.
Sans rancune et bises,
X (je tiens à mon anonymat)
PS : Au cas où, suis pas une fille hein m’man, suis un mec, enfile-moi un vrai costard.