Alain Magerotte a lu "Entre chien et loup" de Micheline Boland
Boland, mal an, Micheline sort son recueil de nouvelles.
Waow, une ancienne psy, me dis-je, et dire que je n'ai pas du tout lu Freud ! Comment vais-je m'en sortir ? Je m'imaginais déjà me farcir des phrases du style (même si ce n'est pas vraiment un langage de psy, mais vous allez comprendre pourquoi j'ai choisi ce texte…) : "La réintroduction contradictoire d'une discontinuité non-historique prospective affirme la libération du magma de la procréation dans l'illumination parfaite de la béatitude cosmique exaltée…"
Si d'aventure quelqu'un ou quelqu'une tente de me faire parvenir un soupçon d'explication à ce galimatias, il me copiera cent fois : "Je dois cesser de faire le malin devant mes petits camarades." Cette phrase, en effet, ne veut strictement rien dire ! C'est juste le fruit d'un esprit surchauffé, le mien en l'occurrence.
Pub ! (Hé !... Y a pas de mal à se faire du bien, d'autant que sur L'ACTU, elle est gratos, merci Bobichounet…) Cette phrase, je l'ai placée dans une des nouvelles que l'on retrouvera dans mon prochain recueil, LA PART D'OMBRE, qui doit sortir à la fin de cette année 2010. Heureusement, le reste n'est pas à l'avenant et coule de source telle l'eau claire… Tout le monde s'en f… ? O.K., mais je préférais le signaler… au cas où cela intéresserait malgré tout l'une ou l'un. Fin de la Pub.
NOUVELLES ENTRE CHIEN ET LOUP comporte 19 nouvelles pour le prix de 20,70 €. 1,089 € la nouvelle, c'est donné. Voilà en tout cas un beau cadeau à faire car ce recueil est passionnant de bout en bout. Je ne vous ferai pas languir davantage, passons dès lors en revue ces 19 récits.
Une mouche : originale et intéressante complicité entre une femme et une mouche. Rien à voir avec Madame Mouche à beurre (Butterfly, pour les anglophiles). En fait, c'est une veuve éplorée qui trouve du réconfort grâce à la présence d'une mouche. Des liens se tissent (heureusement pour la bêbête que ce n'est pas une toile, sinon…) et la Dame lui donne même un nom : Miche… à la mémoire de son mari qui s'appelait Michel.
Et tant pis pour les enculeurs de mouche qui trouveront sûrement à redire quant à la durée (trop longue) de la vie de la mouche Miche. On s'en balance, le but est atteint, et c'est l'essentiel, car, dès le départ, on est à la fois accro et intrigué par cette singulière connivence.
Voyage… : Micheline nous décrit avec une précision diabolique (Normal quand on vit avec Devil(le) !… Lucifer, sors de ce corps !) les sentiments par lesquels passe un type qui n'a pas le courage de dire à sa maîtresse, beaucoup plus jeune, que c'est fini entre eux.
Les laides : Certains disent, et vont même jusqu'à le chanter, que l'amour ça rend beaux les laids… et bien, noss Micheline nous dresse le portrait d'une laide qui reste laide malgré l'amour qu'elle porte à un homme… marié ! Pire (comme disait Luc…), cet amour ne la rend pas plus belle "à l'intérieur"… car cette laide, telle l'araignée tissant sa toile, tente, petit à petit, de mettre le grappin sur Gaetano (nom du bonhomme)…
Mais, pourquoi LES laides ?… Caramba, y en aurait-il donc plus d'une dans ce récit ?... Affirmatif, la mère de Gaetano n'a pas un physique facile ("plus correct"… on en reparlera…), elle non plus. Il semblerait, heureusement pour lui, qu'elle n'a pas trop déteint sur son "gamin"…
Rendez-vous : Un quiproquo… Une arrivée tardive… et tout cela dans un parc, cadre champêtre s'il en est… une balle perdue… qui nous rappelle, malgré les arbres et les petits oiseaux, qu'on vit dans un monde de brutes…
Un peu de printemps en hiver… : Une belle histoire d'amour entre des personnes du 3ème âge… touchante l'attitude de ce Gino… vraiment, c'est le genre de type qu'on aimerait avoir comme copain quand on est… célibataire… car il plaît, le bougre ! Il n'y peut rien, c'est comme ça… pauvre petite victime, va !... Un poco Gigi l'Amoroso, no ?...
Folie: Bizarre cette Paulette… la sens pas très bien, c'te femme-là… l'aurait dû s'appeler Pas nette…
Consultons la carte, voulez-vous ? Au menu : la vengeance; à déguster tantôt comme un plat qui se mange froid sur un lit d'hôpital (Une vengeance), tantôt comme un plat qui se mange chaud dans un resto (Pour l'amour de Boubou).
Alarme ou pas ? : Monique et Arnaud… Harold et Maud à la sauce hennuyère ? ...
Une amie véritable : Paraît que l'amitié a un prix… il est assez élevé si l'on se réfère à ce récit. Le coût du risque en plus et vous obtenez une somme exorbitante…
Dernier devoir : Françoise est atteinte d'un cancer. Dès qu'elle a entendu la sentence, elle a su qu'elle allait abréger sa vie, avant que la maladie y mette un terme. Cependant, avant de disparaître, elle échafaude un plan diabolique contre son ex, je ne vous raconte pas l'horreur… non, je ne vous la raconte pas !
Il capriccio della fontana : Isabelle vient d'avoir 40 ans. C'est l'année de son divorce et de la perte de son emploi de secrétaire. Mais, c'est aussi l'année d'un héritage suite au décès de son parrain.
Isabelle fréquente assidûment un petit resto italien "Il capriccio di Paolo" et là, elle se laisse aller à rêver d'Italie, de Rome (Ben oui, elle ne va tout de même pas rêver de Francfort et de saucisses…), jusqu'au jour où elle entre en contact avec un homme assis à la table d'à côté. Est-il réel ?... Sort-il de… ? Ici, on touche au fantastique…
Rencontre romaine : Rome sous la pluie, Rome sous le soleil. Le charme d'une ville, le charme de ses habitants, plus sympas que fous ! Si cela vous botte, allez-y faire un tour, sinon, tant pis, tenez-vous en à vos gauloiseries…
Bienheureux les cœurs purs : Rien ne va plus entre Juliette et Bernard qui n'a rien d'un Roméo. Pas Capulet mais Crapuleux, il assène à une cadence régulière des reproches et des insultes à l'adresse de sa compagne. Le ton monte, aigu, et ce n'est certes pas par la magie d'un voyage en montgolfière (à ne pas confondre avec une personne à défi spécifique hautaine, patience on y vient…) que leur amour reprendra de la hauteur. Bien au contraire, malgré les apparences, ça vole bas… On y arrive enfin… Dans ce récit, on apprend que Juliette a trouvé un emploi de technicienne de surface. Ce politiquement correct m'amuse toujours. Je pense sincèrement qu'il n'y aucun déshonneur à exercer le métier (ingrat) d'ouvrière d'entretien ou de femme de ménage. Perso, je trouve la dénomination "technicienne de surface" assez cynique. En effet, le mot "technicien" suggère une spécialisation, un diplôme… que ne requiert pas l'occupation de femme d'ouvrage. C'est un mal pour un mieux.
D'autres expressions dans le genre foutage de gueule (heu, pardon, dans le genre politiquement correct) ne sont pas piquées des vers non plus :
Un échec : succès différé, Un facteur : préposé aux communications, Un coupe-gorge : quartier sensible, Être expulsé : faire l'objet d'une mesure d'éloignement, Une déportation : transfert de population, Une caissière : hôtesse de caisse, Un terroriste : activiste, Un balayeur de rue : Agent d'entretien, Un handicapé mental : personne à défi spécifique… Et moi, je me demande qui est cette bouche d'évacuation pour aliments digérés (trou de balle) qui nous prend pour des personnes en quête de neurones (cons) ?
Attendre : Une rencontre sur Internet, un rendez-vous et puis, l'attente… souvent le meilleur moment… parfois le pire quand l'autre a du retard, beaucoup de retard… tout en finesse, tout en douceur… magnifiquement décrit !…
Curieux homme : Toujours vert, le pépère, non ?… Et sûrement pas parce qu'il est écolo… voyez ce que je veux dire… Un homme presque parfait : Virginie tombe amoureuse de Claude, sacristain intérimaire dans la Paroisse. Un sacré sacristain qui a tout pour plaire, tant physiquement que moralement… mais comme rien n'est parfait en ce bas monde, il y a un hic pour Virginie… son minou !... Hé, ho, c'est le nom du chat (un rouquin) de Claude ! Faut savoir que Virginie a la phobie des chats…
Un environnement plus sain : Bien que n'ayant point subi de traumatismes durant ma jeunesse… je ne supporte pas le bruit ! Surtout les engins pétaradants ! Cependant jamais au grand jamais (même si l'envie me prenait), je ne lancerais mes deux fifilles, Sally et Betty, à l'assaut de tels olibrius… je ne voudrais pas qu'elles subissent le sort de Marquis et de Jerk !... Brrrr !...
Un entêtement comme un autre : Claudine Moureau s'obstine à trouver un lien de parenté entre Antoine Brunchemain et le frère de son époux qui est décédé. Dans le genre tenace, c'est une épée la Claudine…
Les personnages de Micheline Boland sont des gens simples, comme vous et moi. Leur vie n'est pas extraordinaire dans le sens premier du terme (qui sort de l'ordinaire). Et pourtant, par la magie de son écriture, Micheline Boland réussit à donner de belles couleurs à ces vies confrontées à des situations courantes.
Mme Boland est une des locomotives des Éditions CdL, pas parce qu'elle se prénomme Micheline, mais parce qu'elle possède un incontestable talent de conteuse…
Alain MAGEROTTE