Bob Boutique a lu "Nid de vipères" de Christine Brunet
Normalement, quand on arrive au bout d’un bouquin de 485 pages, on doit pousser un petit ouf d’étonnement ou d’admiration… mais sûrement pas de soulagement. Sinon on l’aurait abandonné en cours de route.
J’ai déposé le livre sur la table et souri. Car j’étais sûr que la petite Christine nous réserverait une chute de derrière les fagots. Puis j’ai fait un peu d’introspection, comme lorsqu’on sort du bruit et de la fureur d’une salle de cinéma, les yeux encore remplis d’images virevoltantes. Quelle gonzesse que cette Aloys Seigner, commissaire principal de la police judiciaire et héritière d’une des plus grosses fortunes du monde. Une sorte de Largo Winch au féminin.
Puis j’ai râlé un peu sur mes amis Gauthier Hiernaux et Nadine Groenecke qui m’avaient brûlé la politesse en publiant leurs commentaires avant moi ( je pensais avoir reçu le roman avant tout le monde ) et en plus, avec les mots que je m’apprêtais à écrire : une histoire menée tambour battant, à deux cents à l’heure etc… etc…
Vrai. Tout est vrai. Si vous entrez dans ce ‘nid de vipères’, vous ne pourrez pas en ressortir avant la dernière page. Ou alors, c’est que vous n’aimez pas les thrillers à l’américaine, avec des super héros qui se baladent à travers la planète comme vous passez de la cuisine au salon et n’ont jamais le moindre problème pour trouver un hôtel ou acheter un billet d’avion.
Elle me fait penser quelque part aux romans de Jean Vigne. En différent évidemment.
Je ne vous raconterai pas l’histoire. D’abord pour ne pas vous gâcher le plaisir de la lecture, car ça rebondit à chaque chapitre et rebat les cartes toutes les cinquante pages, au moment ou vous croyez avoir pigé. Ensuite, parce qu’il suffit de se laisser emporter, comme un surfeur sur un spot, style ‘mission impossible’ ou mieux ‘Tomb raider’, car là aussi il y a un gars musclé à la peau couleur de miel pour épauler ou… enfoncer Angelina Jolie.
Mais attention, avec une différence essentielle. L’héroïne de Christine Brunet est beaucoup plus qu’une figurine de cinéma, qui garde un maquillage impeccable et une allure de gazelle même après un combat de kung-fu ou une semaine de jungle birmane sans boire ni manger. Aloys Seigner est un vrai personnage, torturé, malade, à bout de souffle… une femme qui souffre, qui vomit et aime quelqu’un dont jusqu’ à la fin du livre on a constamment envie de casser la gueule !
Ce quelqu’un, s’appelle Nils Sheridan est irlandais, beau comme peut l’ être un grand rouquin aux yeux azur et ( mais là on n’est pas très sûr non plus , p’têt que c’est vrai, p’têt pas ) fourbe et lâche comme une vipère. Un jour de son coté, un autre dans le clan des mauvais !
Même ceux-là ne sont pas certains. Car rien n’est plus faux qu’un agent double ou triple qui essaie d’infiltrer des consortiums obscurs dans lesquels on retrouve des entreprises mondiales dévoyées, des savants psychopathes , les triades de Hong-Kong et j’en oublie au passage.
Bref, vous n’avez pas intérêt à sauter des pages, ni à laisser passer quelques jours dans votre lecture, si vous voulez rester dans le coup. Je vous conseille même de noter quelque part (moi je griffonne carrément sur les pages blanches du bouquin ) les noms des protagonistes au risque de ne plus très bien comprendre qui fait quoi. Surtout lorsqu’on parle de la famille Seigner où ( je peux vous l’apprendre, sans dévoiler le récit ) on trouve quelques belles ordures et un fameux sac de mensonges bien enchevêtrés.
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Bon reprenons le bouquin en mains. La couverture est superbe, c’est un bel objet bien imprimé (je l’ai tourné et retourné dans tous les sens pendant une semaine et il n’a pas bougé) avec un marque-page adapté qui rappelle au passage que Christine a publié un autre roman chez un autre éditeur. 10 sur 10 pour le marketing.
Le style est vif, direct, à l’américaine et ne s’encombre pas de littérature pompeuse. Avec des dialogues qui sonnent juste et des paragraphes courts et bien découpés. Comme un scénario de film. On court à l’essentiel. Pendant cinq cent pages ? Oui , pendant cinq cent pages. C’est dire s’il s’en passe des choses !
Avec toutefois quelques lignes par ci par là pour nous rappeler qu’elle est une écrivaine et sait aussi nous forger de jolies phrases : « … elle parvint au bord d’un étang à la surface étincelante sous les reflets de la lune. Elle s’assit au pied d’un grand chêne, entre deux grosses racines et respira à plein poumons les senteurs nocturnes. L’endroit était particulièrement bruyant, rempli des chants des grillons, des coassements des grenouilles et des crapauds, de légers clapotis, du bruissement des feuilles sous le léger souffle de la brise, de l’appel des hiboux, des glissements des petits rongeurs sous le feuillage sec. »
Elle a tout d’un grande, mais faut suivre… car ce livre est plein de détours, de circonvolutions et même parfois de zigzags. Pour mieux nous leurrer ? Sans doute. Mais je la soupçonne aussi de se complaire dans l’univers qu’elle a inventé. Elle aime ses personnages, elle en est dingue, surtout de son Aloys que je l’imagine mal abandonner après un seul roman. Même si…
Une chose est certaine. Je commande déjà le prochain livre de Christine Brunet. Même s’il n’est pas encore commencé.
Bob Boutique
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