Christian Van Moer a lu "Nouvelles à travers les passions" de Micheline Boland
"Nouvelles à travers les passions", critique de Christian Van Moer
Après nous avoir fait traverser les saisons, voilà donc que Micheline nous invite à voyager à travers les passions.
Au gré de sa fantaisie, 24 textes plus ou moins courts nous mènent tant du Pays Noir à Vittel ou de la Vendée au Portugal, que de la Belle Époque au Moyen Age ou des années cinquante à nos jours. Et avec elle, on regarde des photos, on relit de vieilles lettres, de vieux documents, on écoute les cris et les chants, distraitement d'abord, avec émotion finalement.
Écolier à cette époque révolue où la moindre image nous faisait rêver, j'étais fasciné par certaines illustrations de mon manuel d'histoire ou de mon livre de lecture : la statue équestre d'Ambiorix, le portrait de Marco Polo, les Sauvages emplumés du Nouveau Monde entre autres, ou encore le siège d'un château fort, une exécution capitale, un autodafé... : avec nostalgie, j'ai eu l'impression de retrouver quelques-unes de ces images - qui en montraient à la fois beaucoup et pas assez - lorsque Micheline fait revivre Christophe Colomb, Henri le Navigateur ou Barbe-Bleue...
Micheline glane dans le champ des passions. Traversant les frontières et les époques, ses récits dévoilent les hommes en montrant la beauté et l'horreur, l'ambition et l'amer ressentiment, l'envie et l'amour, la Providence et la fatalité, le printemps et l'hiver de la vie, la démence et le salut... Mais chez Micheline, les passions les plus inavouables sont décrites avec retenue (trop, peut-être), avec une extrême pudeur : le sang n'éclabousse pas le lecteur, les personnages ne crachent pas leur bile. C'est un peu comme dans les Contes de Perrault, où la cruauté et les turpitudes de la vie demeurent évidentes malgré la sagesse et la beauté des mots.
Si certaines nouvelles surprennent parfois, c'est par le pouvoir insidieux de la fascination que leur brièveté recèle et libère au final, lorsque la fine ampoule contenant le poison ou le parfum se brise. Charmé, contrit ou simplement perplexe, on vacille alors un moment avant de passer au récit suivant.
L'écriture est irréprochable : le vocabulaire est riche sans être pédant, la phrase, courte sans être stéréotypée, la syntaxe et l'orthographe sont solides.
Un paragraphe : Quand je lève les yeux vers lui, sa belle chemise blanche en lin est éclaboussée d'encre. La perfection de l'encre m'apparaît non pas sur ce papier enduit au blanc d'œuf qu'il a fait passer de l'un à l'autre, pareil à un bijou précieux, mais sur le lin. C'est comme si la fibre livrait une dimension spirituelle. La force et le pouvoir de l'inattendu. La métamorphose de la maladresse. L'encre sève de vie. La tache rédemptrice aussi bien du péché de perfectionnisme que de celui d'orgueil. (Éclaboussures d'encre de Chine, p.148)
Personnellement, j'ai particulièrement apprécié "Une espèce de Mentor" et "Piqûre ou Grigri ?"
J'ai passé un bon moment de lecture...
Christian van Moer
christianvanmoer2.skynetblogs.be
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