Jean-Michel Bernos a lu "Carnets de Jungle" de Pascal Floirac
J’ai lu Carnets de Jungle de Pascal Floirac
Joli carnet, 15x21 cm, seulement une centaine de pages, mais riches de découvertes et de voyages !
La couverture est déjà une œuvre d’art. C’est que le poète est aussi artiste et traine ses savates journellement dans l’univers du graphisme.
J’ai découvert Pascal il y a de nombreuses années sur les bancs d’un forum de poésie… qui a depuis rejoint les rangs d’un fatras d’écrits sans consistance. A l’époque, un peu comme des voyageurs, nous découvrions des terres à défricher et nous perdions dans des joutes poétiques pour le simple plaisir du partage et du jeu des mots. De cette aventure sont d’ailleurs sortis des auteurs de qualité qui ont publié de nombreux ouvrages.
Ce défrichement, nous le vivions dans une forme de rédaction proche de la poésie progressive. Les cerveaux en ébullition produisaient des textes qui ont depuis gagné de nombreux prix. Pascal Floirac était Raoul des Bois, un pseudo sympathique d’entrée, bucolique à souhait. Une bonne figure généreuse et candide ! J’aimais déjà ses vers et tentait sans autant de succès de lui emboîter le pas. Découvrant comme les plus prolifiques Chloé des Lys, il y commettait ce carnet sorti en 2010 et depuis peu référencé.
J’y retrouve ces personnages dans leurs voyages imaginaires et magnifiques qui nous entrainent dans les tréfonds de la jonglerie. Celle des mots, des situations, des défrichements de jungle !
Il s’interroge :
Allongé
Sous les chrysanthèmes
Je me demande
Si je suis vivant
…
Je me demande
Comment être vivant dignement
Mais il est, dans sa propre poche !
Je suis dans ma propre poche
Ce petit bout de papier
Noirci de quelques mots,
Ne servant à rien,
Qu’à ruminer ses rêves…
Il est… les mots !
Mais dans ce monde imaginaire et pourtant si réel, il se fait proprement peur !
Parfois je me fais peur…
Si par hasard j’ouvre mon frigo
Et que je m’y découvre tapi
Là…
Juste à côté du beurre
Vêtu d’une unique chaussette.
Je n’ai pas l’air triste, juste un peu effarouché.
Ce doit être ici que je m’endors,
A portée de main de la douzaine d’yeux
Et du mystérieux interrupteur qui gouverne la lumière.
Le fromage est mordu et le lit n’est pas défait.
Ou…
Quand je suis à mon bureau
Je n’ose pas ouvrir le tiroir
Où j’entrepose la laine nécessaire à la construction du nid.
J’ai peur de m’y découvrir tapi
A portée de main des feutres et des cutters.
Parfois je me fais peur,
Et je me sais si pleutre
Que je ne parviens pas à concevoir
Qu’il m’est possible de dormir en cet endroit si exigu
Et où l’air doit être si rare
Qu’aucun acarien n’y survécut.
Magie des mots, des situations si modernes, si communes finalement !
Qui n’a jamais dormi dans son frigo ?
Son univers magnifique nous entraîne à chaque texte vers ces mondes parallèles où vivent et se reproduisent les vers, puis grouillent et nous laissent sans voix.
Quelque part sous le bleu du ciel
Faire tourner le monde
Y poser le doigt.
Carnets de Jungle, Pascal Floirac, Éditions Chloé des Lys
Jean-Michel Bernos