Les vertiges de l'innocence, de Barbara Flamand... fiche de lecture
Les Vertiges de l'Innocence
de Barbara Flamand
par Irène Deneuville
Fiche de lecture parue dans "La pensée wallonne" et "La cigogne"
On ne peut résumer un recueil de nouvelles, surtout quand celles-ci sont très différentes les unes des autres, et par les thèmes abordés et par le langage adapté à chaque récit. L'auteur excelle dans des domaines divers : satiriques, érotiques, réalistes ou imaginaires, donne libre cours à son inspiration par le truchement de personnages singuliers, inattendus qui nous échappent parfois mais ne laissent pas indifférents. Barbara Flamand est douée d'une double faculté : celle de conjuguer avec un même bonheur la fiction (l'incroyable, le surréaliste) et la vérité toute nue (surprenante,cruelle). Elle dissèque toutes sortes d'univers, troubles, glauques, décapants. Sa plume acerbe, son style imagé et incisif, sont des scalpels impitoyables qui coupent dans les chairs et les âmes. Toutes censure ou mode sont bannies.
Le lecteur est amené à réfléchir sur la condition humaine, le social, le culturel. Ces deux derniers (les délaissés de notre société capitaliste) sont omniprésents dans chaque nouvelle. Barbara interroge, ironise, pointe le doigt sur quantités d'aspects qu'en général nous préférons reléguer dans les coins ombres pour ne pas avoir affaire à eux. Que ce soit derrière une "longue-vue", dans un lit conjugal atroce "L'Hymen enchanté" ou penché au-dessus d'un puits qui sera le tombeau de Léopold "Un Merle pour témoin", l'auteur s'autorise toutes les fantaisies mais n'oublie pas d'en souligner la symbolique.
Je relève des phrases comme : "Pourquoi le mensonge est-il toujours cru ? Pourquoi la vérité est-elle toujours incroyable ?" Voilà sans doute la couleur de ce livre si on devait lui en donner une. Avec beaucoup de talent, Barbara Flamand sonde les consciences, les pensées, arrache les masques, dénude les coeurs. Tout le recueil est truffé d'anecdotes et d'énigmes dont il faut découvrir les clés. Au lecteur, de déchiffrer, de décrypter, d'ouvrir les portes, de déverrouiller les grilles ! La première partie donne son titre à l'ensemble : "Les Vertiges de l'Innocence".
Dans la deuxième partie : "Les Métamorphoses insolites", j'accorde ma préférence à "L'Homme au canotier" dans lequel je lis : "Pourquoi en vieillissant, nous empressons-nous de négliger l'essentiel ?" (A chacun d'entre nous d'y apporter sa réponse !). Dans la troisième partie : "Le Génie et la peintre des labyrinthes", l'acte créatif est remis en question : à savourer sans modération ! Le recueil se ferme sur l'agent de police "P I 12" après lequel il n'y a effectivement plus rien à dire ! "Les Vertiges de l'Innocence" : un livre qui mérite plus que le détour : une relecture pour en cueillir tout le suc, l'acidité et la pertinence.