Philippe Desterbecq a lu "Escales en absurdie" de Laurence Amaury
Laurence Amaury est de ma région; je me devais de lire son recueil de nouvelles. C'est chose faite.
L'absurdie selon le dictionnaire est le royaume de l'absurde. Où Laurence emmène-t-elle donc ses lecteurs?
Si je n'ai pas trouvé bizarres les contes bizarres de Bob Boutique, je n'ai rien trouvé d'absurde dans les nouvelles de Laurence Amaury. Bon, je vous l'accorde, une escale en enfer n'a rien de courant mais c'est le sujet de la première nouvelle. Ensuite, nous voguons dans le monde tout ce qu'il y a d'ordinaire des bibliothécaires et des policiers qui sont les héros de plus de la moitié des histoires de ce recueil qui en compte 15.
Chauffage en panne, infiltrations d'eau (dans une bibliothèque, c'est grave), commodités ou téléphone à se partager entre bibliothécaires et flics, voilà les thèmes des premières nouvelles. Nous assistons ensuite à un débat entre défenseurs d'animaux et zoophobes et nous faisons un petit tour dans un supermarché où les caissières étalent leurs états d'âme. Nous rencontrons également un sommelier poète qui fait chanter les grands vins.
Laurence nous propose également trois intermèdes pour faire escales, sans doute, entre les différents voyages entrepris.
Ce qui frappe dans l'écriture de l'auteure, c'est la syntaxe parfaite et le vocabulaire recherché. Laurence Amaury écrit très bien, c'est le moins qu'on puisse dire. Elle fait également référence à de nombreux auteurs, ce qui prouve ses connaissances littéraires.
Un extrait qui m'a plu tout particulièrement. Laurence nous donne, par l'intermédiaire du sommelier, une définition du poète ou de la poésie.
La poésie ne se définit pas, pas plus qu'elle ne se laisse enfermer dans de savantes règles de versification. .. Elle a horreur des dictionnaires de rimes! Elle ne se laisse pas approcher de trop près : tout au plus peut-on l'entrevoir, par éclairs intuitifs, la ressentir soudain au plus profond de soi, avoir le privilège de la vivre un fugitif instant. Elle naît d'images imprévues qui se faufilent à travers le charme des sonorités et des associations de sons irrationnelles. Irrationnelles quant à la logique et aux conventions, bien entendu, mais qui font vibrer l'oreille, le cœur et l'imagination.
La poésie est liberté pure, elle se love dans les rêves de nuit et de jour, elle descend du subconscient délivré. Elle est voix venue d'ailleurs, c'est-à-dire du caché, du plus secret de nous-même, du vrai moi qui ne livre jamais, de l'au-delà de soi! Elle est voix impérieuse, voire tyrannique, à laquelle la main se doit d'obéir, qu'elle comprenne ou non! Elle éclate malgré soi, aux moments les plus inopportuns et il s'agit de la fondre en mots sur-le-champ ou elle s'échappe et se volatilise, perdue à jamais! Par contre, il ne sert à rien de la traquer.
Philippe Desterbecq
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