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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 7

Publié le par christine brunet /aloys

 

Ce jour-là, fuck les galettes de tante Jeanne !

 

   Les portes de la voiture ont claqué. Sur le gravier, les pneus ont crissé à mort, je vous dis pas. Les parents sont furax. Non, je n'irai pas chez tante Jeanne afin de lui souhaiter la bonne année. Je m'en fous de la bonne année et de tante Jeanne. De toute façon, ses galettes sont dégueu. J'ai dix ans, je veux vivre ma vie. Il est temps quand même. Tout au moins le dimanche après-midi. Na. Et d'ailleurs de délicieux projets frappent à la porte. J’entends leurs tambourinages. Impossible de résister.

     Pas le temps d'achever ma phrase qu'un tourbillon empaginé (oui vous lisez bien, empaginé) absorbe mon corps enrubanné dans un jean troué, mon esprit percé, tout quoi. Je ne me débats pas. Trop contente. Maman m'avait prévenue, Si tu plonges là-dedans, tu es foutue, ma chérie. Elle avait raison, comme toujours. Et en effet, ça n’a pas tardé. Tout de suite D’Artagnan m’a adoptée et je suis devenue pote avec Porthos, Aramis, et Athos. Des mecs extra qui n’ont peur de rien. Grâce à eux, la Botte de Nevers n’a plus aucun secret pour moi. Ensemble, nous en avons vécu des aventures, je vous dis pas. Des beuveries dans les auberges, des chevauchées dans les campagnes, et cette escapade londonienne afin de récupérer les ferrets de diamant de la reine. Mais oui, je vous assure ! De là, j’ai voltigé dans les pas d’Henry de Lagardère. Son histoire alambiquée à cause d’une vengeance n’en finissait pas et puis risquer ma vie avec un bossu pour qu’à la fin il tombe amoureux de la belle Aurore, ah non merci. C’est alors que j’ai rencontré un super beau mec tout droit débarqué de son Écosse natale, Quentin Durward. Là aussi, l’histoire a tourné en eau de boudin. Quentin (lui et moi étions intimes, quand même) est de suite devenu archer du roi et j’en ai eu ma claque de ces histoires de terres à conquérir entre Louis XI et Charles le Téméraire. Je vous dis pas les anachronismes labyrinthiques entre mes neurones. À en devenir zinzin.

   Et puis par un tour magique de passe-passe me voilà dans une grande salle du château de Thornfield. Sublime. Vous connaissez ? Là, Jane Eyre se torture l’esprit car elle est amoureuse de monsieur Rochester, son boss, un homme plus âgé qu’elle et plein de tunes. Soit. Mais entre eux, il y a cette très belle Miss Ingram et la première épouse de Rochester, une cinglée toujours en vie et cachée dans les combles du château. Ça fait pas mal d’embûches pour la pauvre Jane. Accroche-toi je lui ai dit et tout s’arrangera, tu verras. D’aventurière, mon statut passe illico à conseillère conjugale. D’où mon incursion immédiate dans la vie de Cécile. Les sorties à Saint-Tropez dans les boîtes à la mode, les flirts en veux-tu en voilà. Et puis branlebas de combat, le père de Cécile, le riche Raymond, s’emmêle les pinceaux entre ses deux maîtresses (je prends des raccourcis), et la pauvre Cécile se démoralise. Et c’est là, oui, là, en lisant Bonjour tristesse de Françoise Sagan (vous l’aviez deviné) que je me suis prise d’un amour incommensurable pour les mots. Comme si avant la lecture de ce livre, je n’avais jamais pris connaissance des mots, de leur vie, de leur impact, de leur influence des uns sur les autres. Avant Bonjour Tristesse, j’ignorais les mots, je vivotais dans l’histoire et ses effluves. À présent, je danse avec les adjectifs, les substantifs, les prépositions et tous les autres membres de la famille. Depuis que j’ai franchi la porte inter-dimensionnelle de la Littérature, je me vautre dans ce vortex sans fin et je me dis que jamais je ne voudrais en sortir. Et fuck tante Jeanne, le Nouvel An, et les galettes.

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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 6

Publié le par christine brunet /aloys

 

Comme les mariées de Kusturica

 

Comme ces mariées aériennes de Kusturica qui flottent au-dessus de la réalité qu’elles ne frôlent que d’une caresse du voile de dentelles et de quelques pétales diaphanes du bouquet, la lecture vous conduit là où vous voulez aller sous la protection d’une autre dimension inattaquable.

Crimes, amours, guerres, jardins idylliques, animaux féroces ou ronronnant, armures, pagnes, peintures de guerre, décorations, boue de la bataille ou sable du voyage de noces, princes charmants ou tueurs en série, discours édifiants, fins heureuses ou chutes abyssales, marche nuptiale ou clac de la guillotine… vous êtes là, en larmes ou le cœur battant, à la main un poignard ou un diamant lançant des rais de lumière, derrière vous un dragon crachant flammes et étincelles ou un chien fidèle… On frissonne délicieusement, en toute sécurité.

Hors des pages de ce lieu magique le réel s’écrase contre les fenêtres : les guérisseurs fous armés de grigris ou vaccins douteux, les amoureux naïfs toujours pigeonnés, les manipulateurs naturels semant misère et humiliation, les filles de joie et celles de foi, les hommes de bien et ceux de rien, les guerres en cours, en discussion, en programmation, les paysages regorgeant de souvenirs devenus béton, banlieues et odeur d’urine, les ondes et vaguelettes si bleues dans les mémoires aujourd’hui recouvertes de préservatifs, filets à oranges et milliards de cadavres aquatiques… Les médias nous informent scrupuleusement, pour que nous n’en perdions rien sauf le sommeil. Pas plus mal puisque ça booste les ventes de somnifères. Le monde réel, mes chers frères et sœurs, est devenu plus effroyable que tout ce que Stephen King peut imaginer, aussi… pourquoi ne pas lire un de ses livres, au fond ?

Les écoutilles scellées, le message je n’y suis pour personne bien diffusé, d’une page à l’autre on s’aventure dans l’aventure, une aventure où quelle que soit la fin des héros et comparses, nous ne risquons que l’émotion de la lecture et de ses pointes de flèche : l’amour, la peur, la passion - amoureuse ou criminelle, on a de vastes chois ! – l’inconnu, le courage, l’ingéniosité, l’élan religieux, l’hypocrisie démesurée, la course à l’héritage, l’infidélité, la maladie…

Bénis les lecteurs, car ils ont un monde privé sans fin dont il suffit d’ouvrir la porte – et parfois bien la refermer. C’est la cure de jouvence et la remise en charge de notre respiration intérieure. C’est l’envol léger des mariées de Kusturica et la caresse du bas de leur robe de satin et dentelles…

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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 5

Publié le par christine brunet /aloys

FANTAISIE

 

Les premières fois, je me dis qu’il ne pouvait s’agir que de rêves… Quelle était cette voix ? D’abord étouffée, elle m’enveloppait comme un lit de plumes de mots indistincts, point menaçants. Je crus même entendre : « Viens ! »

Petit à petit, nuit après nuit, elle se fit cristalline. Ni féminine ni masculine. Une voix étrange. Plus précisément : un brassage de voix. Un son immémorial. Presque réconfortant. Oui, c’est ça, « réconfortant ».

À la veille de ma rentrée en classe de sixième, après un souper de plus dans la terreur de voir mon père exploser, tout casser ou nous mettre la main dessus, parce qu’il détestait sa vie de mécanicien, parce qu’il détestait tout – à part rabaisser les gens –, je m’assis sur la moquette défraîchie de ma chambre et priai le bon Dieu, la Vierge Marie et tous les anges pour qu’il disparaisse de nos vies. Ou pour être enlevée par de gentils extraterrestres. Pourquoi ma marâtre supportait-elle cela ? Grâce à ces cigarettes qui sentent très mauvais, peut-être… Pourquoi maman avait croisé la route d’un malade mental, un soir, il y a des années, ne revenant jamais près de moi ?

Je sursautai… Papa allait ouvrir la porte, fou de colère pour je ne sais quelle raison ! Mais non, ce n’était pas lui. La voix étrange venait de crier mon prénom : Marie. Je n’avais finalement pas rêvé. Elle s’élevait de quelque part dans ma chambre. Près des livres. D’abord, je paniquai, pensai être devenue folle, laissai passer quelques minutes. La voix insista. Je me levai et me dirigeai d’un pas lent vers la bibliothèque. Des dizaines d’ouvrages s’y serraient, bien rangés et par ordre alphabétique. L’un d’eux diffusait une lumière verte semi-transparente. C’était un beau livre à l’ancienne, avec une reliure en cuir ouvragée représentant un univers féérique. Je l’avais trouvé dans la rue, dans une boîte à livres, à proximité d’un restaurant indien. Comment avait-on pu abandonner pareille merveille dans la rue ? Quelle honte !

L’ouvrage tomba au sol brusquement, me faisant sursauter derechef, et s’ouvrit comme par magie. Je m’accroupis, quelque peu inquiète, et observai les merveilleuses illustrations. Une réunion de personnages de Charles Perrault, de Joseph Pinchon, de Jean de Brunhoff, d’Hergé et de Marcel Marlier.

Je crus mourir quand je fus désintégrée puis aspirée par le livre, mais là, au milieu d’une forêt enchanteresse, m’accueillit une fée… Et quelle fée ! La fée marraine de Cendrillon ! Ainsi, je fus délivrée d’une vie de désenchantements et de maltraitance, et je devins l’amie du Chat botté, de Bécassine, de Babar, de Tintin ou encore Martine. Pour de nouvelles aventures enchantées…

Dernière chose ! Si jamais ce livre tombait entre vos mains, ne soyez pas étonnés… Car les histoires changent chaque fois. Au gré de notre fantaisie.

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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 4

Publié le par christine brunet /aloys

Avant d’arriver ici, je n’avais jamais tenu un livre en mains. J’exagère à peine. J’ai quand même fait des études - enfin, je rectifie, j’ai commencé des études - et l’école obligeait les élèves à lire certains vieux machins tout pourris comme des Zola ou Hugo ou encore des auteurs russes dont on n’avait rien à faire. Je me souviens d’un bouquin intitulé « Chiens perdus sans colliers » (j’ai oublié le nom de l’auteur, désolé) qui m’avait plus ou moins intéressé. Je crois bien que je l’ai lu jusqu’au bout, mais je ne me souviens absolument pas de l’histoire. La fameuse « Princesse de Clèves », « Nana » ou autres  « Pêcheurs d’hommes » m’ont laissé totalement indifférent et je me suis toujours arrangé par piquer de gré ou de force le résumé ou l’analyse du texte à un de mes camarades.

Ensuite, j’ai vécu une vie loin de la littérature ; j’ai quitté l’école très tôt et j’ai été ce qu’on peut appeler « un petit délinquant » avant de plonger dans la drogue, dans l’argent sale, de rencontrer de vrais caïds (à côté d’eux, je n’étais qu’un minus) et de me lancer dans la « grande délinquance ».

Je ne vais pas vous raconter ma vie : elle ne vous intéresserait pas. Mon enfance malheureuse, les coups que je recevais de mon père, l’alcoolisme de ma mère, le manque d’argent, la misère, qu’est-ce que vous en avez à faire ? Et évidemment, aucun livre à la maison !

De larcins en larcins, j’ai fini par me faire prendre, vous le pensez bien. Je purge actuellement une peine de prison de cinq ans. Cinq ans à m’ennuyer comme un rat mort, à recevoir des coups d’autres détenus, à courber la tête lorsqu’un maton m’insulte, mais ça non plus, ça ne vous intéresse pas. La misère des autres vous dérange plutôt, je le sais.

Finalement, j’ai trouvé une porte vers la liberté. Je vous explique :

On m’a mis dans une cellule avec un pygmée, un tout petit homme qui, en plus, est noir. On peut dire que la vie ne l’a pas gâté non plus.  
Au début, je me suis un peu foutu de sa poire, je l’ai un peu bousculé, oh, pas trop, allez, il fallait quand même que je lui montre qui était le chef ! Jamais il ne s’est rebiffé ! Il est toujours resté plongé dans ses livres sans presque m’adresser la parole et sans jamais se révolter contre mon attitude, je l’avoue, pas très sympathique.

Je ne comprenais pas ce qu’il pouvait trouver dans ces bouquins qu’il louait dans la bibliothèque de la prison. Il en lisait presque un par jour ! Je l’ai souvent charrié ; je lui ai parfois arraché le livre des mains, et puis, j’ai voulu savoir ce qui l’attirait tant dans ces histoires de personnes imaginaires.          
Et puis, je m’ennuyais ferme dans ma petite cellule alors, autant lire que ne rien faire, non ?

Le premier roman que j’ai lu en prison, je l’ai arraché des mains de mon pygmée. Je me suis assis le plus confortablement possible et j’ai commencé la lecture. C’est la première fois que le petit homme s’est un peu révolté : « Tu pourrais attendre que j’aie fini pour le lire, non ? » m’a dit-il dit timidement.      
Je ne lui ai pas répondu et je me suis lancé dans « Nous rêvions juste de liberté » de Henri Loevenbruck. Ce fut le coup de massue ! Cette extraordinaire histoire d’amitié entre 4 voyous qui rêvaient de liberté m’a complètement retourné l’esprit. Incroyable ! C’était donc ça lire ! C’était oublier le lieu, le temps, la misère, la honte, l’ennui pour vivre la vie des autres ! Je n’en revenais pas !         
Plus jamais je n’ai refermé la porte : celle qui est ouverte sur un monde enchanté…

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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 3

Publié le par christine brunet /aloys

 

La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté ? Je n’ai jamais eu la main verte et pourtant j’ai cultivé bon nombre de fruits dans cet extraordinaire jardin de papier.  La plupart avaient un goût d’aventure, mais je n’ai jamais rechigné devant une nouvelle saveur, ni une forme originale et je n’ai, en tout cas, jamais dû me forcer pour les cueillir.  Si certains avaient un goût douteux, voire pas de goût du tout ‒ bref, m’ont un peu désenchantée (ouf ! je l’ai placée) ‒ j’ai continué à pousser la porte de ce verger créatif. 

 

  Mais cette question me turlupinant, je me suis demandé ce qu’en pensaient les autres et, alors que je farfouillais sur mon moteur de recherche préféré, j’ai découvert une petite vidéo promotionnelle sur la lecture et ses bienfaits pour notre développement intellectuel et émotionnel.

  On y apprenait, dans des termes simples, le fonctionnement de notre cerveau face à ce déferlement d’informations qu’est l’absorption d’un texte.

  Bien sûr, je savais que la lecture est un acquis, que dans ce beau cortex qui est le nôtre une région vierge, comme une délicate page de garde, attendait simplement que s’ouvre la porte du monde enchanté de l’abécédaire pour s’illuminer.

  Ce que je savais moins, c’est que sa pratique est l’une des meilleurs qui soit pour la santé de cet organe aussi mou qu’important qu’est notre cerveau, car ses adeptes seraient moins susceptibles de voir s’installer cette horrible maladie qui assèche votre mémoire jusqu’à en faire un terrain vague !

  Excusez-moi, je retourne un instant à mes lectures…

 

  Si, finalement, l’idée générale ne m’a pas surprise, j’ai été ébaubie en entendant le jeune homme, qui souriait sur mon écran, expliquer comment stimuler son envie de lire…  Stimuler son envie de lire !? Bizarre.

Oui, j’ai dit bizarre.  D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours pratiqué la lecture assez intensément, passant du petit canard au gros lapin, de l’aventure au drame, du drame à la comédie, du classique au moins classique, du magique au prosaïque et tout cela sans crainte de faire des nœuds dans mes neurones.  Il est vrai que cette manie m’a pris alors qu’il n’y avait encore pour tout écran, que la télévision et cette image, pas toujours très nette, tout en ombre et lumière…  Bon ! Je remonte loin, là ! Mais si j’ai pu passer du temps devant un carré de cinquante sur cinquante ‒ voire moins ‒ qui diffusait des images en noir et blanc, il n’y a rien d’étonnant à ce que, quoi qu’on en pense, nos chères têtes blondes passent autant de temps sur leurs smartmachins dont l’image est quand même bien meilleure… un peu trop peut-être, d’où le besoin d’une motivation pour ouvrir un livre qui, en général, n’est tapissé que de texte.

  La motivation ! Il semblerait, en effet, que la lecture soit un sport comme un autre et qu’il existerait des trucs ‒ plus efficaces que les bonnes résolutions de nouvel an ‒ pour s’encourager à franchir le pas.  Je ne sais pas ce qui m’a le plus étonnée, la découverte de ces trucs ou le fait que je pratique un sport sans le savoir ! Notez quand même que les conseils de mon guide semblaient frappés au coin du bon sens et je ne serais pas étonnée qu’ils fonctionnent.

 

  Alors, la lecture est-elle une porte ouverte sur un monde enchanté ? Moi j’en suis convaincue, un monde aride, plat et sans saveur n’illuminerait pas autant nos neurones, ne nourrirait pas notre imagination, ni nos émotions, ne serait pas aussi bénéfique pour notre santé mentale.

 Lire, c’est toujours une promesse de voyage, qu’il soit trépidant ou paisible, quel que soit le lieu ou l’époque, quel que soit le genre.  Aussi, ne cessons pas d’être enchantés !

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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 2

Publié le par christine brunet /aloys

Ma jeunesse ne fut qu’aventureux voyages… *

 

Les livres ont enchanté mon enfance. Et je pense même qu’au fond, au fond du fond du fond, je suis toujours l’enfant de ces livres…

On a mis très tôt sous mes yeux émerveillés, en fait bien avant que je n’apprenne à lire, des ouvrages magnifiquement illustrés. Des albums aux pages richement colorées survitaminant mon imagination avec d’étranges pirates à la jambe de bois, bandeau sur l’œil, sabre en main et perroquet  sur l’épaule, posant fièrement sur le pont d’un vieux navire cinglant toutes voiles dehors vers le grand large. Ou aussi avec de monstrueux animaux, tous plus effrayants les uns que les autres, traversant, la gueule menaçante, d’étranges paysages ou, ailes membraneuses déployées,  s’élançant puissamment dans le ciel d’un monde depuis longtemps disparu.  

Mais surtout, surtout, ces images de hardis chasseurs à moitié nus, aux longs cheveux noirs coiffés de plumes bigarrées, galopant furieusement tout en décochant des volées de flèches sur des troupeaux de bisons affolés. Et que dire de ces étranges « coureurs des bois », vêtus d’une veste en peau de daim et coiffés d’un bonnet en fourrure de raton laveur, parcourant des contrées inexplorées, le fusil à silex en main et la poire à poudre à la ceinture, ou descendant à grands coups de pagaie, à bord de leur long canoë, des rivières tumultueuses ? 

Car sans avoir fait de moi un  « fou d’Amérique », ces magnifiques représentations et, plus tard, ces captivants récits, ont imprégné mon cerveau tout neuf d’un univers que je n’aurais jamais pu soupçonner : les grandes plaines de cet immense pays, ses somptueuses montagnes Rocheuses, la richesse de sa faune sauvage et ses extraordinaires peuples autochtones qui continuent de m’interpeller en sourdine.

Très tôt, ces illustrations suscitèrent une telle curiosité que je fatiguais mon entourage par mes incessantes questions. Il fallait absolument que j’en sache davantage, que je finisse par comprendre les explications que, me disait-on, les pages imprimées du livre m’apporteraient lorsque je saurais lire.   

Lire ? Bien sûr que j’aurais voulu savoir lire ! Il me devenait en fait insupportable de devoir toujours compter sur mon adorable arrière grand-mère pour me délecter de ces fabuleuses histoires ! C’est donc elle qui m’offrit avec joie mon premier abécédaire. Et là aussi, avec des tas d’intrigantes images : toutes sortes d’animaux, de personnages, et… oui, oui, une très belle en particulier, avec un « I » comme Indien !  Et tenez, là, une autre encore, avec un « C » comme Cow-boy !

Puis je grandis, renforçai mon aptitude à la lecture, étoffant mon vocabulaire et ne parlant plus que de braves guerriers, de papooses, de squaws, de tepees, de tomawaks,…  tout en empilant sur mes étagères les ouvrages classiques de la « Bibliothèque Verte ».  Jules Verne, Alexandre Dumas, Jack London… Pas mal ! Mais lorsque ma mère m’offrit Le Dernier des Mohican,  je sus avec certitude qu’il me faudrait un jour me rendre sur les lieux mêmes où s’était déroulé cet incroyable  conflit entre l’armée anglaise et les troupes du général Montcalm et ses alliés iroquois !  

Et le temps passa. Il passe toujours, refoulant l’innocence de l’enfant derrière les prosaïques préoccupations de  l’adulte. Et comme si cela avait été planifié de toute éternité, le jour arriva où mes activités professionnelles me permirent enfin de visiter à loisir cette Amérique depuis longtemps fantasmée.

Dire que je fus déçu serait aller un peu loin, ne m’attendant pas à retrouver le Tennessee de Davy Crockett ou le Mississippi de Mark Twain ! J’appréciais toujours autant la variété des paysages chaque fois que j’avais l’occasion de passer avec mon épouse une ou deux semaines de congé sur place, me demandant toutefois souvent, confortablement installé au volant de ma voiture climatisée, ce qu’avait été la dure réalité de ces pionniers traversant le pays dans des chariots bâchés !

Mais bon, foin de tout ça, mes souvenirs d’enfant étaient loin derrière, assez loin même, j’avais depuis longtemps beaucoup d’autres lectures et centres d’intérêt… Et ce fut dans une librairie où je me rendais pour acheter quelques ouvrages techniques  introuvables en France que… pan ! Le coup en traître, celui auquel on ne s’attend pas ! Sous mes yeux à nouveau éblouis, la couverture enjôleuse de  Lewis and Clark : The Journey West… Vous réalisez bien ? La première expédition terrestre à traverser le futur territoire des États-Unis, de la côte est jusqu’à la côte pacifique… Rien de moins !

Je dévorai le bouquin en quelques soirées dans ma chambre d’hôtel… Grandiose ! Imaginez-vous les dangers et difficultés d’un tel voyage : les rapides du Missouri, la faim, le froid, les attaques d’ours, ces terribles grizzlis dont on découvrait la puissance et la férocité, l’hostilité des indigènes… Et la jeune et belle Sacagawea, la guide et interprète sioux, future épouse de Toussaint Charbonneau, trappeur canadien-français, qui permirent à eux deux le succès de l’expédition.

Je venais bel et bien d’être rattrapé par mes rêves de gosse !

 

*  Pastiche d’un célèbre vers de Baudelaire…

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Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 1

Publié le par christine brunet /aloys

 

MANON ET MAXENCE

 

Un livre, c'est un vent de fraîcheur qui souffle sur la vie de Manon, c'est l'opportunité de voir s'éloigner les problèmes, d'ignorer les disputes assez fréquentes entre ses parents. Les seuls objets qu'elle ait volés ce sont des livres abandonnés sur un banc, sur un muret, sur un siège, dans un bus ou dans un parc. Les seuls objets qui la poussent à se rendre dans un magasin de seconde main ce sont les livres, car elle espère y dénicher des ouvrages anciens et des recueils de poèmes peu connus. Les livres ce sont les moyens d'évasion qu'elle utilise le plus volontiers. Quand sa mère l'appelle pour effectuer une corvée, il lui arrive de s'enfermer quelques minutes dans les toilettes avec un opuscule de poésie comme le faisait son grand-père avec le journal. Elle se nourrit ainsi de belles phrases et d'inattendues métaphores qu'elle laisse infuser en elle avant d'affronter le travail. Apprendre et mémoriser, se laisser émouvoir et demeurer émue un bon bout de temps, picorer ici et là des pensées et des formules audacieuses, vivre davantage grâce aux livres. Voilà la principale manière dont est pimentée l'existence de Manon, adolescente de seize ans. Elle se laisse séduire par des quatrièmes de couverture aguicheuses qui lui promettent par exemple de voyager dans des contrées reculées et fabuleuses en compagnie de héros parfois malchanceux, parfois audacieux, parfois fantastiques, parfois encore matérialistes. Il peut y être aussi bien question de galaxies fort lointaines, de vaisseaux spatiaux que de chercheurs de trésors ayant traversé des siècles passés, de princesses, de voleurs, de tueurs en série, de saints. Pour en savoir plus, il lui faut évidemment feuilleter, avant de lire et de découvrir petit à petit, avec la gourmandise d'un gourmet face à des plats préparés par de grands chefs.  Manon préfère la fiction et les livres d'histoire, elle ne consulte le plus souvent des ouvrages de science et de philosophie qu'en cas de nécessité.  

Depuis quelque temps, Manon fréquente souvent la bibliothèque communale. C'est là qu'elle a fait la connaissance de Maxence, un nouvel employé. Maxence écoute les usagers, les conseille, les aiguille. Pour Manon, il transforme quelquefois un coin calme de la bibliothèque situé à deux pas de la réserve en une scène de théâtre. Il se fait aguicheur, accrocheur, persuasif. Quand il en a l'occasion, il lit là certains passages assez obscurs d'ouvrages ignorés du grand public. Il entraîne Manon sur des territoires inconnus, il la conduit à la rencontre de nouveaux auteurs, il la guide même dans l'écriture du journal intime qu'elle commence à tenir. Maxence n'est pas avare de conseils quand elle lui en demande. Le temps file agréablement en sa compagnie. C'est du temps gagné parce que Maxence ouvre des portes, celles du surnaturel et de l'étrange aussi bien que celles des avancées scientifiques.

Il gagne la confiance de Manon et au fil des semaines naît entre eux une sorte d'amitié. Un jour, il l'invite à prendre un café dans un établissement du quartier et lui confie qu'elle ressemble très fort à sa petite sœur décédée dans un accident de la route. Elle comprend que c'est ainsi qu'il se plaît à prendre soin d'elle. Maxence semble aussi avoir perçu quelque chose de ses fragilités liées à l'ambiance familiale qui se dessine avec des hauts et des bas, même s'il fait preuve de beaucoup de tact lorsqu'elle évoque le sujet.

Dernièrement, Maxence a révélé à Manon qu'il s'était lancé dans l'écriture d'un roman historique et qu'il avait lui aussi tenu durant son enfance et son adolescence un journal intime ce qui l'avait aidé à affiner son style. Manon est curieuse de lire la quatrième de couverture du roman de Maxence… Plus tard, se dit-elle, comme lui elle s'engagera peut-être dans l'écriture d'un récit et connaîtra les dessous de la narration.  

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Laurent Dumortier nous propose un extrait de son recueil "H" : A

Publié le par christine brunet /aloys

 

A

 

Je rêve d'espace

De lieux interdits

D'arpenter le désert

D'ouvrir une parenthèse

 

C'était moi

Dans ton rêve

Je te vois

De ma tour de verre

 

Lumières diffuses

Tourbillons de poussière

Ton absence m'infuse

Un goût doux-amer

 

C'était toi

Dans mon rêve

Et je vois

L'aube qui se lève

 

Laurent Dumortier

Publié dans extraits

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Céléna Flore et son ouvrage "Le poids des larmes" : une interview entre l'héroïne et sa créatrice

Publié le par christine brunet /aloys

 

Esther versus Céléna

Des pas résonnent. Esther entre en scène avec entrain. Céléna est assise sur un canapé en velours, un foulard sur les épaules. La lumière est douce.

 Esther : Bon, Céléna, on va inverser les rôles. Cette fois, c’est moi qui pose les questions. Tu pensais vraiment que je resterais sagement enfermée dans ton roman ?

Céléna Flore : Je m’y attendais un peu, c’est le jeu. Ecrire c’est risquer d’être poursuivie par ses personnages.

Esther : D’accord, mais pourquoi m’avoir choisie pour porter cette histoire ?

 Céléna Flore : Tu ne portes rien. Tu es comme moi, une funambule sur un fil. C’est ta mère qui porte. N’inversons pas les rôles.

Esther : Difficile d’exister à ses côtés, Virginia prend toute la place.

Céléna Flore : Je te l’accorde. Je vous ai plongées dans une relation mère-fille, tendue par l’ambivalence, entre dépendance affective et violence. Et à ton corps défendant, je t’ai contrainte à passer du temps avec ton père. Tu as de bonnes raisons de m’en vouloir.

 Esther : Parlons de lui. Pierre. Trop lointain, trop absent. Pourquoi m’obliger à le confronter ?

 Céléna Flore : Parce qu’il fallait que tu saches si l’absence pouvait encore faire du bruit. Certaines réponses ne viennent que dans le face-à-face.

 Esther : Tu aurais pu me laisser tranquille. Je vivais très bien avec mes contradictions et mes fuites en avant. Pourquoi des voix off et pourquoi m’imposer de dire « tu » ?

 Céléna Flore : Tu avais besoin d’un nouveau souffle. Le théâtre a des ressources que le roman ignore. Je ne te cache pas que je me suis follement amusée à lui voler des Chœurs. Quant au tutoiement, c’était une évidence, et ce jusqu’aux dernières pages : tu devais avancer à la seconde personne jusqu’à ce que tu comprennes ton histoire.

Esther : Ils parlaient trop ces Chœurs. Je préfère le silence.

Céléna Flore : Moi aussi.

Esther s’assoit à côté de Céléna.

Esther : À propos de toi, justement… Que reste-t-il de de la romancière en moi ?

 Céléna Flore : Peut-être ton regard sur le monde, cette façon de capter l’instant et de le questionner sans relâche. Ce besoin de chercher la lumière, même dans l’ombre.

Désolée de te décevoir, mais je suis un peu dans chacun de mes personnages, c’est peut-être ma façon de n’être nulle part. A partir de là, je peux me concentrer sur ce qui me terrorise en en faisant le tour. C’est un moyen comme un autre de juguler mes peurs.

Ce qui m’importe, c’est de laisser de l’espace au lecteur : à lui de tisser ses propres liens, à lui de se laisser toucher ou non.

Tu t’appelles Esther, le prénom que j’aurais porté si mes parents s’étaient entendus.

 Esther : Dernière question. Si je devais te quitter et m’échapper de tes pages, où voudrais-tu que j’aille ?

 Céléna Flore : Où tu veux, du moment que tu continues à saisir la lumière. Peut-être dans un autre livre, peut-être dans la mémoire de quelqu’un qui te lira et te gardera vivante.

 Esther :  Marché conclu.

Esther pose sa main sur celle de Céléna, celle qui caresse, celle qui écrit.

Publié dans interview

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Yvan Tourist nous présente son roman "Divergence max"

Publié le par christine brunet /aloys

Résumé

Fin juillet 2020, un phénomène naturel inexplicable projette Max, modeste citoyen français en villégiature à Berchtesgaden, 80 ans plus tôt au cœur de l’Allemagne nazie.

Recueilli, groggy et mal en point, au Berghof, il réalise très vite que sa vie tient à peu de chose.

Lors d’un tête-à-tête surréaliste, Max brosse sans fards au maître du Reich le sombre destin qui l’attend.

Pour sauver sa peau, il se propose de rectifier les choses.

Contre toutes attentes, un courant de sympathie s’établit entre les deux hommes. Sympathie qui, peu à peu, se mue en franche amitié.

Néanmoins, l’idéologie nazie et son cortège d’horreurs et de stupidités… Max n’adhère pas.

A l’issue d’une éclatante victoire qui modifie à jamais le cours de l’histoire, Max mystifie le chef d’état et le persuade de changer sa politique.

Mais nombreux sont les écueils.

A coup de meurtres, mensonges et manipulations, Max trace la route d’un nouvel avenir.

 

Biographie

Yvan Tourist voit le jour à Tournai, en Belgique, durant l’été 1967. Amateur d’histoire et de science-fiction, il développe une passion pour la lecture grâce à des auteurs comme Jules Vernes, Herman Melville où Ray Bradbury. Diplômé en mécanique, cadre au sein d’une administration fédérale, ancien coureur motocycliste amateur et féru de cinéma fantastique, l’imaginaire de l’auteur entremêle Histoire, action et science-fiction.

 

Extrait du livre

…Emerveillé par la beauté des cieux, sans toutefois ralentir son allure, Max y jetait de fréquents coups d’œil et, alors qu’une fois encore, il levait le nez, un trait de feu déchira le ciel.

Tout d’abord, il crut assister à la chute d’une banale étoile filante, mais le phénomène se prolongeait. Plus insolite, sa trajectoire s’infléchissait en une gracieuse parabole et changeait de direction.

Perplexe, Max se figea.

Effet d’optique ou réalité?... Le bolide céleste semblait à présent foncer droit vers lui. Immobile, il ne savait quelle conduite adopter lorsque, tout à coup, l’étrange météore éclata, sans produire un son, inondant le ciel d’une vive mais brève lumière d’un mauve écœurant. Une pluie de particules pourpres, étincelantes, tombait des cieux tandis qu’une forte odeur d’ozone saturait l’air.

Fasciné, Max constatait que, plutôt que choir au sol, les grains de lumière pourpre se condensaient en tourbillonnant autour de lui, de plus en plus vite, jusqu’à former une sorte de maelstrom pourpre, dense et aveuglant au centre duquel il se tenait.

Il ferma les yeux, mais, malgré ses paupières closes, l’intense lueur lui brûlait les globes oculaires et il dut se plaquer un bras sur le visage pour s’en protéger. Une onde sonore, puissante, suraiguë montait crescendo, mettant ses tympans au supplice.

Max se sentait comme vidé de toute énergie. Son corps lui donnait la désagréable impression de perdre sa consistance tout en voulant s’étirer en tous sens.

Soudain, dans un formidable claquement identique à celui que produirait un monstrueux fouet, l’univers tout entier parut basculer autour d’un axe invisible et une force prodigieuse éjecta Max hors du maelstrom.

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