La fée et le loup, un conte de Philippe Wolfenberg... Au fait, quelle fin préférez-vous ?

Publié le par christine brunet /aloys

La fée et le loup, un conte de Philippe Wolfenberg... Au fait, quelle fin préférez-vous ?

La fée et le loup

C’était une forêt immense, plantée de mille et une essences et peuplée d’innombrables créatures mystérieuses. Elle et lui y vivaient depuis des âges immémoriaux mais leur première rencontre n’avait eu lieu que peu de mois auparavant. Etait-elle due au hasard ou avait-elle été écrite par quelque force divine en mal de divertissements ? Nul n’aurait pu le dire mais ses conséquences allaient dépasser les prévisions les plus inimaginables.

Sans le savoir, elle s’était aventurée sur des terres interdites : celles de « La Bête », comme on l’appelait là-bas. Perdue au milieu de l’Ardenne, cette forteresse végétale alternait les bouquets d’arbres au feuillage dense et les clairières, parsemées çà et là, où il aimait chasser les proies égarées ou assez téméraires pour affronter les dangers de son invisible présence.

Contre toute attente, l’entrevue se déroula dans une quasi indifférence. Elle se tint sur ses gardes – quoiqu’elle ne fût pas impressionnée – et il l’examina brièvement, à peine ému par sa beauté. Cette attitude réciproque dura quelques semaines car, étrangement, par une magie dont seule la nature connaît les secrets, elle était attirée par ces bois sombres et inhospitaliers et lui, pour quelques instants pendant lesquels le temps arrêtait sa course, enfouissait ses instincts carnassiers au plus profond de son âme animale.

Un jour, un peu plus distraite que d’habitude, elle se trouva prise au piège des branches d’un arbuste mort. Il s’approcha doucement et, avec d’infinies précautions, du bout du museau, il la libéra de sa prison. A cet instant, elle se promit d’amadouer ce loup qui venait de sauver la vie d’une fée.

Patiemment, y mettant toute la tendresse et toute la douceur dont elle était capable et malgré les morsures et les coups de griffes, elle devint l’amie de celui qui était craint par tous. Surpris par ces sentiments auxquels il n’avait jamais accordé le moindre intérêt, et qu’elle lui offrait avec candeur et sincérité, il décida d’être pour elle un ange gardien prêt à donner sa vie pour la protéger de tous les dangers tapis en ces lieux hostiles.

Mais, aussi fort et courageux qu’il fût, il avait oublié que, en renonçant à sa nature première, il allait endurer des tourments inconnus. La petite fée était bien jolie et le loup de plus en plus attiré par elle. D’autant plus que, à défaut d’avoir été voulu, cet amour était partagé. Hélas ! elle n’était pas libre et il en prit ombrage. Parfois, il souffrait au point de redevenir sauvage. Tant bien que mal, elle acceptait les grognements et la vision des babines retroussées sur les crocs menaçants. Quand elle lui en faisait le reproche ou quand elle lui parlait de son propre supplice et de sa peur de le perdre, après un temps de réflexion, il endossait de nouveau son rôle de protecteur et elle lui pardonnait.

(Fin heureuse)

Les années ont passé sans que personne ne sache vraiment ce que sont devenus les amants chimériques. Pourtant, des voyageurs, un moment perdus dans cette gigantesque cathédrale de verdure, prétendent avoir aperçu, à la lueur incertaine de la lune, un loup aux poils grisonnants qui courait entre les épicéas centenaires avec, accrochée à son échine, une fée dont le rire cristallin résonnait alentours. On raconte aussi que, parmi les hurlements du canis lupus, on pouvait deviner les serments des débuts que ni elle ni lui n’ont trahis…

(Fin malheureuse)

Mais, peu à peu, les dissensions entre l’être imaginaire et le féroce animal les séparèrent ; les instincts de possession exacerbés du second ayant fini par lasser la première. La fée s’en retourna vers ceux qu’elle n’aurait jamais dû quitter et le loup disparut à tout jamais des sous-bois enténébrés. Il se murmure que, de désespoir, du haut d’un rocher supportant les murs fatigués d’une ruine, il se serait jeté dans la rivière déroulant ses flots tumultueux quelques dizaines de mètres en contrebas... Cependant, à ce jour, la dépouille de celui qui ne fut apprivoisé qu’une fois dans sa vie n’a pas encore été retrouvée...

Publié dans Nouvelle

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M
Moi, j'aime les histoires à deux fins : qu'on les garde toutes les deux, va !
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D
La Belle et la Bête, le Loup et la Fée, ces contraires qui s'attirent et qui portés par l'amour peuvent se déchirer de longues années ... que leur souhaiter ? De continuer leur parcours ... J'opte pour la fin heureuse. Merci pour ce beau moment de lecture.
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E
You know, I like discussing such articles and I'd like you write more of them
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P
Pour moi, la fin heureuse !!!
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P
Mon côté fleur bleue préfère la fin heureuse. Il y a déjà tellement de malheurs dans le monde! Laissons donc vivre ces amitiés particulières.
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P
Merci pour vos appréciations...<br /> Quand la tristesse est présente, il faut néanmoins toujours laisser une porte entrouverte sur l'espoir... Même si ce n'est qu'illusion...
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D
Très beau conte, et original, que j'ai beaucoup aimé. Quant à la fin... La première contente le lecteur, la seconde est plus littéraire. S'il faut choisir ? La seconde...
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E
Eh bien je crois plus à la seconde fin... comme dit Christine rien ne dit d'ailleurs qu'il est mort, mais ils étaient faits pour s'aimer, oui, mais pas d'amour serein :)
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C
La seconde fin n'est pas si négative que ça puisque le loup n'est, peut-être, pas mort... Les deux, moi aussi !
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C
J'ai bien aimé ce conte. Un loup et une fée, une rencontre improbable. Ah et que dire des deux fins? Je ne saurais en choisir aucune des deux.
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