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Carine-Laure Desguin nous propose en épisode sa nouvelle "Ceci n'est pas un meurtre (comme un autre)" qui figure dans le recueil (en PJ) CA SENT LE SAPIN.

Publié le par christine brunet /aloys

 

Tout en grimpant jusqu’au troisième étage, elle visionne les noms. Paul Delvaux, La Vénus endormie, La Femme à la Rose, La petite Marie. La petite Marie ? Oh mais oui, la princesse aux seins nus ! Et puis elle continue tout en montant les marches une à une. René Magritte, Les Amants, Le Masque vide, Le Blanc-Seing, le Double Secret, André Breton, Nadja, Clair de terre, Salvador Dali, Le Grand Masturbateur, Irène Hamoir, Christian Dotremont, Louis Scutenaire, etc. La petite Marie ! C’est elle la victime, je me souviens ! Elle scrute le flyer qui concerne le musée Delvaux et voilà, elle découvre cette œuvre, La petite Marie ! Une jeune fille aux longs cheveux blonds, aux yeux noirs, le torse nu … Soudain un inconnu l’interpelle :

 

— Bonjour chère demoiselle, je n’ai pas le déshonneur de vous connaître, lance le type en soulevant son chapeau melon.

— Kitch’Kasket, répond l’enquêtrice tout en s’interrogeant et en dévisageant ce garse qui ne lui est pas inconnu du tout et …

— Ah oui, vous êtes la sonnette sans nom !

— Je pars demain, rassurez-vous, monsieur …

— Je suis Magritte ! René Magritte ! C’est moi qui ai défenestrer cette nuit La petite Marie. Oui, c’est moi ! lâche-t-il en déposant son melon sur sa tête. Je m’en vais de ce pas réveiller Paul Delvaux, il faut qu’il sache qu’il est en deuil. La petite Marie, c’est son œuvre. Lui et ses œuvres n’ont rien à faire au « Museum ».

 

Kitch’Kasket a déjà entendu pas mal de conneries durant sa longue carrière. Jamais elle n’a connu une telle situation.

 

— Paul Delvaux mange les pissenlits par la racine depuis 1994, balbutie-t-elle.

— Allons donc, damoiselle ! Et moi je serais raide mort depuis 1967 sans doute ?

— Veuillez m’excuser, je rentre chez moi, je me sens défaillir, je ne comprends plus rien. Tout ce foutoir me pose des probloques insurmontables.

— Pour votre gouverne, sachez que nous fêtons cette année les cent ans du Surréalisme ! Et le Surréalisme, c’est moi, Magritte ! Et personne d’autre. Là, dans tous ces studios, ce ne sont pas des œuvres puisqu’elles ne sont pas signées Magritte ! Mais ce sont des êtres vivants, ça oui … Les Delvaux, les Dali, c’est du vent ! Et même les scribouilleurs surréalistes doivent clamser ! Au bac, Breton et tous ses suppôts ! Les uns après les autres, je les anéantirai ! le surréalisme, c’est moi, c’est René Magritte ! Qu’on se le dise !

 

  Kitch’Kasket laisse délirer René Magritte, rentre dans son studio et s’enferme à double tour. Elle s’affale sur son burlingue, le confondant avec son pieu. C’est à ce moment-là que vibre son bigaphone.

 

  — Allôôôô, Kitch’Kasket ?

  •  Oh my God, mon prince !
  •  Nee, ici Philippeke, koning van Belchique ! Alors Kitch’Kasket, cette enquête ?
  •  C’est affreux, affreux !
  •  Vous connaissez l’assassin ? Le nom de l’assassin ?
  •  Oui, c’est René Magritte ! Vous entendez bien, René Magritte !
  •  ….
  •  Allôôô, Philippeke ?
  •  C’est très ennuyeux, ça !
  •  René Magritte pète un câble, Philippeke ! Il tue tous les surréalistes et leurs œuvres. Il veut tuer Dali, Delvaux, et j’en passe !
  •  Il ne peut pas tuer André Delvaux, ça non ! Pour Dali, ma foi …
  •  Et pourquoi ça, Philippeke ? Ils sont déjà tous morts, vous le savez, ça ?
  •  André Delvaux est Belche et nous fêtons les cent ans du Surréalisme ici, en Belchique, au palais royal de Laeken, entre guirlandes et flonflons de décembre. Mais je suis soulagé, vous avez résolvé pardon résolu tout ce pataquès.
  •  Ouais, ouais. En attendant, je ne voudrais pas forcer sur la note poétique, Philippeke, mais ça pue gravos le sapin ici à Kisskerke dans la résidence « Museum ». Magritte veut tuer Delvaux, je vous le répète … Ah il est beau le surréalisme belche !
  •  Prenez tram train et tram, Kitch’kasket, fuyez tous ces fous ! Venez fêter Nowel au palais dans vos tissus patriotiques. Ma reine et moi, nous vous attendons au plus vite. Afin de terminer le discours royal de demain. Nous avons encore droit à neuf minutes de mots en pur Belche.

 

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

Publié dans Nouvelle

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Carine-Laure Desguin nous propose en épisode sa nouvelle "Ceci n'est pas un meurtre (comme un autre)" qui figure dans le recueil (en PJ) CA SENT LE SAPIN.

Publié le par christine brunet /aloys

 

Eh bien, pour Kitch’Kasket qui commençait à se caner d’ennui dans un studio marin et s’imaginait seulâbre devant une dinde flamande le 24 décembre, c’est raté sec. Depuis l’appel désespéré de Philippeke de Belchique, sa théière ne cesse de bouillonner et les interrogations succèdent à d’autres interrogations. D’un pas hardi elle se dirige vers la digue et ça tombe bien, la digue de Kisskerke est longue de six ou sept kilomètres, y’a de quoi cogiter gravos. C’est souvent lors de ses balades que ses neurones se remettent en place et que ses idées empêchent son cerveau de prendre de la moisissure. Là, elle résume la situation. Une raide morte à la fois habillée et déshabillée, un demi-costume de princesse sur la peau. Une belle flaque d’hémoglobine qui ressemble à une peinture abstraite. D’autres femmes nues circulent dans l’immeuble dont les noms seraient étrangissimes. Et ça fait tilt sous la casquette de la détective ! Les sonnettes ! Elle aussi a entrevu des noms insolites au sein de l’immeuble « Museum ». Déjà ce nom pour un immeuble, « Museum » … Et puis, cette princesse à moitié nue, cette image ne lui est pas inconnue, ça lui rappelle quelqu’un, mais qui ? Pour Philippeke, c’est un assassinat et un king a toujours raison. Alors, il y a un assassin quelque part, natuurlijk ! Mais qui ? Un quidam de l’immeuble ? Du quartier ? Un zig ou une ziguette, pourquoi pas, ne jamais être sexiste dans ce cas ! Et surtout, pourquoi assassiner cette demi-princesse ? Sur la digue, Kitch’Kasket croise quelques sourires innocents, des touristes heureux d’être là, surtout des gens qui promènent leurs clebs dans des poussettes d’enfants, c’est très tendance ici à Kisskerke (À Kisskerke, tout le monde aime tout le monde et tout le monde embrasse tout le monde, c’est-à-dire vraiment n’importe qui). Les vitrines des magasins, des snacks et des restos sont enrubannées de lumières multicolores, de guirlandes de toutes sortes, et peinturlurées de dessins inanimés, des Bambis qui attendent leur chasseur, des Blanche-neige encerclées par des équipes de sept nains. C’est Nowel à plein tube, quoi.

 

  À hauteur du bistrot « Les kleine méduses bleues », le ciel s’assombrit, il commence à gronder et la pluie s’annonce. Kitch’Kasket s’engouffre dans ce zinc.

 

— Dag mevrouw !

— Dag meneer, een kopje koffie, alsjeblieft !

 

  Kitch’Kasket attrape quelques prospectus disposés sur une table tout à côté de la sienne, des publicités pour des sites à visiter, des entrées gratos pour le musée d’Ostende. Elle se doute que c’est foutu pour des balades en tram vers la ville d’Ensor ou encore vers La Panne. Elle glisse quand même les papelards dans son sac à dos, on sait jamais.

 

  Un quart de plombe plus tard, à quelques mètres de son immeuble, Kitch’Kasket sursaute, une intuition l’assaille. Illico elle se contorsionne et retire de son sac à dos un flyer, celui qui informe des activités et autres joyeusetés du musée André Delvaux à Saint-Idesbald. Sur le papelard, quelques œuvres de l’artiste. Et ? Des femmes nues à gogo ! À toute berzingue la détective privée du palais royal de Laeken veut rentrer dans la hall de la résidence  « Museum » afin de vérifier les noms des occupants qui figurent sur les sonnettes. Le sifflet du zig en uniforme ralentit son élan. Elle connaît la musique, elle présente sa carte d’identité sans rechigner.

— Alors des news ? s’enquit-elle auprès du gars, mine de rien.

— Pas d’autres salissures sur le trottoir depuis ce matin !

— C’est drôle hein ça !

— Tant mieux ! Demain c’est Nowel quand même !

— Ouais, ouais …

 

   À son aise, Kitch’Kasket clic clac clic clac photographie les noms inscrits sur les sonnettes.  Ses yeux s’exorbitent, elle peine à croire ce qu’elle voit. Est-ce possible ?

 

Me voici dans le drame jusqu’au trognon, on n’est pas sortis de l’auberge. Et demain, c’est Nowel !

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Carine-Laure Desguin nous propose en épisode sa nouvelle "Ceci n'est pas un meurtre (comme un autre)" qui figure dans le recueil (en PJ) CA SENT LE SAPIN.

Publié le par christine brunet /aloys

La détective strictement privée du palais royal de Laeken trifouille alors dans ses valoches et ressort son assortiment de loques noires jaunes et rouges. En vakantie Kitch’Kasket aime l'incognito, elle ne s'habille qu’en bleu, blanc et rouge. Mais là, vu les insistances royales de Philippeke de Belchique, elle ressort sa panoplie vestimentaire de royaliste cent pour cent convaincue belche et patriotique. 

 

  Décembre à la merde du nord, c'est vent et pluie. Le bikini sera relégué au profit d'un pull, d'une jupette, une paire de bas de laine etc et le tout, comme promis, croix de bois croix d’enfer, dans les couleurs strictement belches.  Kitch’Kasket remplit un sac à dos de tout son matos nécessaire avec conscience et professionnalisme, un crayon et un calepin. C'est pas parce qu'on bosse incognito en détective privée flexi-jobiste que l'on doit lésiner sur tour ça. Soudain elle entend du ramdadam qui vient de l'extérieur, des voix mâles gutturales et des voix criardes, femelles celles-là, des aboiements, des miaulements, et même des ricanements de mouettes, mais oui, les oiseaux ne sont pas dupes. Et soudain, des lumières bleuâtres de gyrophares se reflètent sur ses fenêtres, entre des fientes de mouettes et encore des fientes de mouettes, plus récentes celles-là.

 

Purée, moi qui attendais les guirlandes et les étincelles multicolores de Nowel, c'est pas tout à fait la même chose. J’arriiiive, j’arriiiiive.

 

  Kitch’Kasket descend les trois étages à pattes, autant explorer à fond ce qui peut encore l’être, avant l’intrusion des équipes scientifiques. Atterrie dans le hall d'entrée, elle zieute en oblique les noms inscrits sur les sonnettes et au moment où elle dégaine son calepin afin de noter certains noms qui l'interpellent, elle est aveuglée par les gyrophares qui s'animent à toute blinde de l'autre côté du chemin. Elle sort donc de l'immeuble haut de trois étages seulement et là un strident coup de sifflet l'arrête net dans ses mouvements. 

 

— Stoooop mevrouw! Carte d'identiteit! gueule un zig engoncé dans son uniforme de policier super-réglo.

— Ja, ja, pas de panique! Répond du tac au tac Kitch’Kasket et à ce moment précis notre enquêtrice recule de deux pas, effrayée. À sa gauche, une énorme flaque de sang pas encore tout à fait coagulé, du presque frais donc. Autour de l'hémoglobine, un dispositif policier : trois cônes orange fluorescents. D’un regard circulaire, elle constate que la petite rue est barrée et que le parc situé cinquante mètres plus bas est fermé. Les badauds s’agglutinent derrière las banderoles policières. Deux combis remplis de cerbères freinent de justesse devant l’hémoglobine.

— Oh la la que s'est-il passé ici ? interroge Kitch’Kasket tout en présentant sa carte d’identité au zig de service. 

— Interdiction de dire ça, c'est trop grave beaucoup. 

— Vous ne me connaissez pas. Ik ben Kitch’Kasket, la détective privée très privée du koning Philippeke de Belchique. 

— Alors c'est autre chose ça.

— Il me semblait bien, mon p’tit gars.

— Interdiction de vous informer que cette nuit, plutôt sur le matin, une jeune dame s’est fracassée le nez et tout le corps sur ce trottoir. Cette fille-là était disloquée tout à fait. 

— Elle est raide morte et c'est un assassinat. Et pas un meurtre. 

— Wablieft? 

— Ne cherchez pas a comprendre. Je vous expliquerai. Tout en expliquant cela Kitch’Kasket photographie clic clac clic clac la flaque de sang, soulève sa casquette et se gratte le ciboulot. Au troisième étage, juste au-dessus de la flaque de sang, une fenêtre est restée ouverte. Serait-ce donc de la que la malheureuse … ? se demande-t-elle. Vous avez déjà interviewé les habitants de l’immeuble? 

— Wablieft ? La dame morte était habillée bizarre, très bizarre. Je ne peux te dire tout ça. Mais si toi es amie avec Philippeke de Belchique …

— Oh ja, très très amie, confirme-t-elle d’une clignette complice.

— Ah bon, il n’a pas l’air si coquin pourtant …

— Il n’a pas l’air non …  Alors, les loques de la frangine ?

— Bizarre tout ça, très bizarre.

— Mais encore ? Une robe rouge ? Une casquette orange ?

— Oh non … De longs cheveux blonds. De grands yeux noirs. Une robe noire, une robe de princesse mais le tissu était stoppé juste sous les seins.

— Sous les seins ? Alors les roberts étaient visibles ?

— Il n’y avait pas de Robert ici, répond le zig.

— Je veux dire, les seins étaient nus et visibles ?

— Oh oui, très très visibles, ah ah ah !

— Espèce de cochon !

— Wablift ?

— Non, rien, passe ton tour.

— Ah oui, une espèce de tissu blanc tout transparent était là comme un col et il retombait un peu de chaque côté des seins nus. Tout ça, je ne peux dire mais tu es amie avec Philippeke, alors je peux tout lâcher vers toi. Ah oui, on dit que dans cet immeuble, il y a quelques dames nues tout à fait ou presque et leurs noms sont pas comme les autres. Tu comprends moi ?

— Ça devient compliqué ton bazar. Dank u wel, mon brave !

 

(A suivre)

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Carine-Laure Desguin nous propose en épisode sa nouvelle "Ceci n'est pas un meurtre (comme un autre)" qui figure dans le recueil (en PJ) CA SENT LE SAPIN.

Publié le par christine brunet /aloys

Ceci n’est pas un meurtre (comme un autre) 

 

 

— Allôôô, Kitch’Kasket? 

— Oui ? Qui est à … ? Oh my God ! Philippeke de Belchique !

— Himself, Kitch’Kasket, himself! 

— Je suis en vakantie à la mer, la mer belche, Philippeke !

— Je sais tout ça, chère Kitch’Kasket, mon enquêtrice préférée, la number one !

— Vous connaissez tout au sujet de tout le monde, vous êtes vraiment the King des Kings !

— Natuurlijk! Et je vais encore une fois vous scotcher, Kitch’Kasket. Vous êtes à Kisskerke cette magnifique petite station balnéaire tellement belche car là, tout le monde aime tout le monde. N’est-ce pas ?

— Oui. C'est exact! Philippeke is vraiment the King. Alors là, je reste baba sans rhum !

— Voilà ma requête auprès de vous, Kitch’Kasket. Une nouvelle enquête commence pour vous …

— Ah mais ....

— Les vakantie ce sera pour après. Après la fin de cette enquête, vous comprenez ? 

— Et ? 

— Et donc, Kitch’Kasket, enfilez vos plus beaux tissus noirs jaunes rouges, jupe, kilt, bas de laine, casquettes, boucles d'oreilles, bottes, bottillons, tout ce que vous voulez. N'oubliez pas le bigaphone payé intégralement par le palais royal, y compris l’abonnement mensuel à durée illimitée. C’est l’appareil avec lequel je vous appelle en ce moment, chère enquêtrice. Vous vous souvenez de ça ?

— À vos ordres Philippeke de Belchique ! Vous m'envoyez les premiers éléments via ce bigaphone ?

— Nee.  

— Nee ?

— Vous logez au troisième étage de la résidence « Museum » au numéro bip bip de la koninginnelaan. Je m’exprime en bip bip car les espions n’ont pas leurs portugaises ensablées.

—  C'est bien ça, Philippeke.

— Un meurtre vient d'être commis dans votre immeuble, Kitch’Kasket !

— Un meurtre, votre majesté ?

— Oui, je répète, un meurtre. C’est même plus qu’un meurtre, c’est un assassinat ! Il n'y a que vous qui pouvez mener cette délicate enquête, Kitch’Kasket. Vous avez septante deux balais de sorcière, vous êtes une femme d'expérience et vous en connaissez un fameux morceau au sujet de l’art et de la culture, de Belchique et d’ailleurs. Et puis surtout surtout alors là c’est la cerise sur la casquette, vous passez inaperçue. 

— C'est bientôt Nowel, Philippeke, et malgré tout le respect et l’admiration sans borne que je vous porte, Nowel c’est Nowel et ...

— Pour moi itou, Kitch’Kasket, c'est bientôt Nowel et ma reine prépare en ce moment même où je dialogue avec vous les dix minutes d'antenne que l’état belche a la gentillesse de m’octroyer lors de chaque fête homologuée.

— Philippeke, quel rapport entre cet assassinat et le palais royal de Belchique? 

— Je vous mettrais bien sur une piste sans étoile, Kitch’Kasket, je crains de me fourvoyer, cela me paraît tellement … surréaliste ! À vous de découvrir le ou les assassins !

— Mais ... 

— Bon travail Kitch’Kasket, je vous recontacte avant Nowel ! Demain donc ! Ou peut-être déjà ce soir, vous êtes une proactive !

 

  Kitch’Kasket raccroche. Elle est déconfite. Elle avait prévu une longue balade sur la plage et un bonjour à Willie l’otarie.  Un pique-nique dans les dunes. Et sur une terrasse (chauffée), une gaufre, une bière, une glace, une bière, et puis une gaufre. Tout cela tombe à l'eau de mer. Mais pour l’amour de la royale couronne, que ne ferait-elle pas ?

(A suivre)

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Carine-Laure Desguin nous propose son texte qui figure dans AURA 123 dont le thème était COULEURS.

Publié le par christine brunet /aloys

Un revers pour l’inspecteur Sidonin ?

 

— Madame Belle, c’est bien ça ? Clara Belle si je me souviens.

— Vous avez une excellente mémoire, inspecteur Sidonin, cela me rassure.

— Vous avez besoin d’être rassurée donc, madame Belle. Votre mari est toujours psychiatre ?

— Eh oui, et il s’appelle toujours Sigmund Woody. Notre fille, c’est Pocahontas. Mais cette fois, inspecteur Sidonin, il s’agit de moi et de moi seule.

— Que vous arrive-t-il cette fois, madame Belle ?

— Inspecteur, vous ne me croirez pas. J’ai peur, très peur.

— J’imagine, oui, vous pâlissez.

— Et je tremble aussi, inspecteur. Ce que j’ai vécu, je n’ose même pas le dire à mon mari.

— Et pourtant le docteur Sigmund Woody est habitué à entendre de …

— De belles conneries, oui, je sais tout ça, inspecteur. Ce que j’ai à vous dire est pire que tout. Parfois, je m’éveille en pleine nuit, mes cauchemars sont effrayants depuis tout ça …

— Tout ça ?

— Oui, depuis l’évènement, inspecteur.

— L’évènement ? Racontez-moi alors. Une tasse de café, madame Belle ?

— Volontiers, sans lait et sans sucre, merci inspecteur.

— Voilà. Cela vous remettra de vos émotions passées.

— Je ne crois pas, la situation est trop grave.

— Je vous écoute.

— Voici trois mois, je suis venue chez vous. Je n’avais pas de preuve. Vous ne pouviez donc pas agir …

— Oui, madame Belle, en effet. Vous êtes ici pour cette histoire de concert qui rend les gens amnésiques ?

— Oh non, c’est bien plus grave !

— Je vous écoute. Mais que faites-vous, madame Belle ? N’enlevez pas votre chemisier devant moi !

— Ne vous effrayez pas, je relève simplement la manche droite. Car cette fois, je commence directement par la preuve, inspecteur Sidonin. Voyez, là, juste sur le dessus de mon bras droit, voyez cette grosseur de forme carrée. Palpez, inspecteur, palpez. Exactement deux centimètres de côtés, j’ai mesuré. Palpez, je vous en prie, palpez.

— Que dit votre mari ? Car ce kyste relève d’un diagnostic médical …

— Je n’ai pas prononcé le mot kyste. Pour moi c’est une grosseur très suspecte. La première fois que je me suis aperçue de cette grosseur symétrique sous-cutanée, c’est juste après l’évènement.

— Je vous écoute …

— Je n’oserais pas vous le dire. J’ai peur, très peur, inspecteur.

— Détendez-vous, ici vous ne risquez rien madame Belle et …

— Oh ça c'est vous qui le dites, ils sont partout, partout. Vous ne les voyez pas, ils peuvent, s’ils le désirent, se rendre invisibles.

— Décolorés ?

— Ne vous moquez pas, inspecteur. Non, ils ne sont pas décolorés, ce ne sont pas des personnages de dessins animés. Ils sont invisibles, parfois.

— Et eux, ces invisibles décolorés, qui sont-ils, madame Belle, qui sont-ils ?

— En deux mots, inspecteur Sidonin, en deux mots. J’étais seule dans ma voiture, je revenais d’un concert. Oui, encore une histoire de concert, je devine vos pensées, inspecteur. Tout à coup, le moteur cesse de fonctionner. Une lumière d’une intensité incroyable m’éblouit. Je n’entends plus rien, la radio s’arrête. Je sens une force extraordinaire m’extraire de mon véhicule, tout mon corps traverse la tôle. Je m’évanouis. Lorsque je m’éveille, je suis dans une salle d’opération flottante, je vois mon auto à quelques mètres sous mon corps nu. Non inspecteur, je n’ai bu aucune boisson alcoolisée, croyez-moi. Un être difforme chipote au niveau de mon bras droit. Et d’autres êtres du même acabit que celui-là zieutent chacun de ses gestes chirurgicaux. C’étaient des extra-terrestres, inspecteur, j’en suis certaine.

— Madame Belle, des extra-terrestres ? Et de quelle couleur étaient-ils, ces extra-terrestres, madame Belle ?

— Ah, merci inspecteur, vous prenez mon cas au sérieux. Je vous remercie. Vous allez les rechercher n’est-ce pas ? Parce que cette espèce de puce dans mon bras droit, ça m’inquiète beaucoup.

— Madame Belle, de quelle couleur étaient-ils ces extra-terrestres ?

— Ils étaient verts, inspecteur Sidonin, c’étaient des petits hommes verts.

— Quel genre de vert, madame Belle ? Vert clair ? Vert foncé ? Vert bouteille ? Vert menthe ? Vert olive ? quel vert exactement, madame Belle ? Vert émeraude ?

— Vert quetzal, inspecteur, c’est un vert très tendance dans les dernières collections, ce vert a un succès fou. Inspecteur ? Inspecteur ? Vous m’écoutez ? 

 

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com

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Rayan Zowski nous propose une nouvelle : Iceboy

Publié le par christine brunet /aloys

 

Iceboy

 

J'étais assis sur un banc face à l'Escaut. C'était l'hiver. Enfin, théoriquement, c'était encore l'automne. Mais comme il faisait froid...

J'entendis des pas à ma droite, je tournai la tête, c'était Célina.

- Tu es bien matinale.

- C'est l'hôpital qui se fiche de la charité, dit-elle en souriant.

Je souris également.

- Je peux m'asseoir à côté de toi ?

- Bien sûr, les bancs ont été inventés pour que les gens puissent se rapprocher.

Célina me répondit par un nouveau sourire.

Elle s'assit.

- Comme il fait froid...

- J'ai entendu dire qu'il allait neiger.

- Ce serait génial, j'adore la neige.

- Moi pas trop, j'ai horreur de tout ce qui touche au froid.

Célina me regarda. Elle déposa ensuite ses yeux sur mes mains.

- Je peux te poser une question indiscrète ?

- Je t'en prie.

- Tu portes toujours des gants, même en été. Rassure-moi, tu ne te fais pas du mal.

- Non, je t'assure. C'est juste que... j'ai toujours froid...

Célina me regardait...

- Bjorn... Tu es vraiment quelqu'un d'exceptionnel.

Je souris.

- Ce prénom est un hommage à un grand champion de tennis suédois. Papy l'adorait. Mais ce grand champion a stoppé sa carrière à seulement 26 ans. J'ai entendu dire qu'il en avait plus qu'assez...

Célina me regardait toujours...

Elle approcha délicatement ses mains des miennes. Elle retira ensuite mes gants avec la plus grande des douceurs. Elle les vit, mes mains toutes mauves.

Elle referma ses doigts sur les miens. Je sentis alors une douce chaleur m'envahir, mes mains commençaient à devenir orange, et ce malgré le froid.

Je regardais Célina à mon tour, mes yeux dans les siens.

- T'es vraiment extra...

On s'approcha l'un de l'autre...

La neige tomba.

 

Rayan Zowski

 

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Carine-Laure Desguin nous propose un texte paru dans AURA 122 dont le thème était MUSIQUE, Début d'enquête pour l'inspecteur Sidonin?

Publié le par christine brunet /aloys

                              

 

Début d’enquête pour l’inspecteur Sidonin ?

 

 

  •  Voilà, je vous écoute, répétez-moi tout ça, madame ... madame comment déjà ? 
  •  Madame Belle. Clara Belle, inspecteur Sidonin.                                 
  •  Merci. Et donc vous me dites que votre mari comploterait un attentat contre cette star internationale, Mickey Donaldson? 
  •  Oui !
  •  Votre mari détesterait les chansons de Mickey ? Excusez mon humour  mais votre témoignage est assez … exceptionnel.
  •  Je comprends.  J’ai beaucoup réfléchi avant de vous contacter.
  •  Votre mari a un casier judiciaire ? Et quels seraient ses motifs ? On ne s’attaque pas comme ça à une star telle que ce Mickey Donaldson. Avant  d’intervenir j’ai besoin de pas mal d’infos.
  •  Mon mari est blanc comme neige, inspecteur Sidonin, je vous assure. Il se fait que l’an dernier, Donaldson était en concert dans ce lieu mythique de la capitale, le stade Walt Disney. Dix mille personnes l’ont écouté toute la soirée. Un succès incroyable comme à chacune de ses prestations ou exhibitions, c’est selon. Des lumières, du sensationnel, des fans qui se jettent dans les airs, et j’en passe. Notre fille de dix-neuf ans, Pocahontas, a assisté à ce concert, elle est dinguo de ce Mickey. Et la semaine suivante, elle était amnésique. Elle avait oublié des pans entiers du spectacle. Pocahontas n’est pas la seule à être frappée d’amnésie, je vous assure.
  •  Et quel rapport, madame Belle avec la musique de Donaldson ? Le gars est une vedette internationale depuis plus de vingt ans, jamais entendu parler de ce phénomène. Je ne dis pas que vous rêvez mais permettez-moi de douter. Bref. Votre mari aurait-il des antécédents psychiatriques ? Quelque chose de particulier ? Violence ?
  •  Mon mari, Sigmund Woody est psychiatre … 
  •  Oh !
  •  D’après Sigmund, et j’ai vérifié tout cela, des dizaines de personnes qui ont assisté à ces concerts sont devenues elles aussi amnésiques. Pocahontas est en deuxième année de médecine, une élève brillante. Mais depuis ce concert et donc cette amnésie, c’est échec sur échec. Et, vous ne me l’avez pas encore demandé, Pocahontas ne se drogue pas ! Sigmund ne supporte plus de voir sa fille anéantie car bien sûr le moral de la petite … enfin, c’est une triste situation. Et Sigmund fomente un attentat contre Donaldson, j’en suis certaine, inspecteur, certaine !
  •  Vous avez des preuves ? Il a des contacts avec des malfrats ? Vous avez intercepté du courrier ? Des appels téléphoniques ? Vous me racontez des bobards pour emmerder votre mari ? Il vous bat ? Il vous drogue ?
  •  Rien de tout cela. Mon mari prépare un crime. S’il passe à l’acte, il sera emprisonné, la maison hypothéquée, la villa de Saint-Tropez vendue, et j’en passe.
  •  Ah oui, vu comme cela …  Vous me disiez que ce phénomène d’amnésie lors des concerts de Donaldson était connu ? Que savez-vous à ce sujet car je suis certain que vous avez …   
  •  Creusé, oh que oui ! On parle de tout cela dans la presse mainstream donc c’est pas du pipeau. Dans les médias alternatifs, là, on se régale.
  •  Ah ?
  •  Comme depuis toujours, monsieur l’inspecteur Sidonin, le bien contre le mal, la toute vieille histoire. Savez-vous que nous vivrions dans une simulation ?
  •  Vous me l’apprenez …
  •  Oui, une simulation. Une simulation instaurée par les forces du mal. Celles-ci se nourrissent de nous, humains, et surtout de nos émotions négatives. Ce qui explique que nous vivons dans un perpétuel chaos, chaos provoqué par ces forces maléfiques.
  •  Alors pour le moment, ces forces du mal ont une indigestion, la planète tourne à l’envers !
  •  Ce n’est pas drôle, inspecteur Sidonin …
  •  Excusez-moi madame Belle, continuez, je vous écoute.
  • Toutes les victimes disent la même chose, elles ont oublié une partie du concert. Et cela s’explique !
  •  Continuez …
  •  Les concerts ont lieu dans d’immenses stades construits selon une certaine onde de forme et ce avec la complicité des architectes dirigés par une hiérarchie en contact direct avec les forces du mal !
  •  Voyez-vous ça … Et ?
  •  Cette onde de forme agit sur notre subconscient qui sera dès lors, suivant un schéma voulu, reprogrammé par ces saloperies de démons et une nouvelle réalité verra le jour. Nos émotions négatives seront captées par ces ondes de forme. La reprogrammation du subconscient provoquerait un reset et cela expliquerait l’amnésie. Tous les concerts ont une symbolique déterminée, on parle de numérologie, de symboles, de mots spécifiques dans les chansons et …
  •  C’est puissant tout cela … Et que faites-vous comme métier, madame Belle ?
  •  Secrétaire médicale employée par mon mari.
  •  Je comprends mieux … Et pour en revenir à l’essentiel, avez-vous des preuves ? Car je veux bien intervenir mais sans preuve d’un futur attentat, c’est très compliqué. Je n’aurai aucun accord de mon supérieur.
  •  Alors je renonce.
  •  Ah et pourquoi ça ?  Vous êtes la secrétaire de votre mari, vous avez accès à tous ses dossiers, ses appels téléphoniques, son ordinateur …
  •  Je ne sais pas, je ne sais plus. Et puis, qu’est-ce que je fais ici ?
  •  Madame Belle, vous avez assisté à un concert de Mickey Donaldson ?
  • Oui, bien sûr. Ma fille Pocahontas et moi ne raterions ça pour rien au monde. Pourquoi ça ? Pourquoi cette question, monsieur, monsieur … comment déjà ? 

 

Carine-Laure Desguin

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Carine-Laure Desguin nous propose une nouvelle en épisodes : Deux jours pour l’éternité - 5

Publié le par christine brunet /aloys

 

Le lendemain matin, Franck se lève très tôt. Sur toutes les chaînes de télé, ce ne sont que des communiqués spéciaux toutes les heures. Aucune créature ne sort pour le moment des engins extraterrestres. Des militaires encerclent chaque vaisseau. On en compte actuellement une vingtaine, dispersés sur chacun des cinq continents. Aucun engin repéré à proximité des océans.

   Franck Nussdorfer reste perplexe, son cas serait-il isolé ? Il a voulu contacter Oliver Lewis son ex-collègue. En vain, le numéro n’est plus attribué … Il prépare alors le petit-déjeuner. Gillian dort encore. Ni l’un ni l’autre n’a fermé l’œil durant la nuit. Ils ont discuté, cherché des réponses à une kyrielle de questions. Franck refusera l’hospitalisation proposée par les flics, pas question de subir des examens médicaux, de consulter un psy ou autre gus spécialiste du cerveau. Il se sent très bien. Il n’est pas fou.

   L’ex-scientifique appuie sur le bouton on de la machine à café. Il n’y parvient pas. Rien ne se déclenche. Il essaie encore. Le bouton on semble avoir perdu de sa densité. Franck passe les mains sur l’entièreté de la machine. Toute la machine a perdu sa rigidité. Franck ressent alors au niveau de son thorax d’intenses vibrations. La veille, il avait éprouvé les mêmes sensations, mais plus modérées celles-là. Franck veut ouvrir une fenêtre, il se sent oppressé. La poignée de la fenêtre est elle aussi dans le même état de mollesse que la machine à café. Les vibrations de plus en plus soutenues impressionnent Franck Nussdorfer. Il porte à présent les deux mains sur son thorax qui lui  aussi a perdu de sa densité. À proximité de son cœur, en zone sous-cutanée, il tâte une partie plus compacte de plus ou moins deux centimètres carrés. Une puce, pense-t-il, ils ont osé m’introduire une puce dans le corps.

   Franck Nussdorfer découvre avec stupeur juste à côté de la machine à café un cercle parfait constitué de bulots. Leur coquille est entière, aucun éclat apparent. Les bulots commencent à vibrer. Franck n’en croit pas ses yeux. Ses idées s’éclaircissent. La peur à présent fait place à une immense sérénité. L’ex-scientifique commence à comprendre. Le souvenir des deux jours passés hors du temps terrestre lui revient en mémoire. Il entrevoit tout : l’intérieur immense d’un vaisseau multi-équipé, son corps anesthésié étendu sur une table chirurgicale et autour de la table, sept géants engoncés dans des combinaisons lumineuses d’un gris métallique. Ces êtres venus sans aucun doute d’un lointain ailleurs sont penchés sur lui et, de leur unique œil planté au milieu de leur visage émacié, ils examinent chaque membre du corps de Franck Nussdorfer. Leurs deux mains, prolongées par trois longs doigts seulement, pénètrent son épiderme et triturent ses organes.

   Soudain le Terrien entend l’une de ces créatures briser le silence et murmurer, « Celui-ci est le premier, ce sera notre prototype. Il s’appellera Adam.»

FIN

Carine-Laure Desguin

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Carine-Laure Desguin nous propose une nouvelle en épisodes : Deux jours pour l’éternité - 4

Publié le par christine brunet /aloys

 

Une fois les deux flics partis, Franck et Gillian restent seuls. Franck pousse un soupir et prend Gillian dans ses bras. Il la serre très fort contre lui.

  • Que me caches-tu, Franck ? s’inquiète Gillian.
  • Mais rien du tout ma chérie, rien du tout. Il fallait encore bien que ce flic à la con pose une telle question, quel barré celui-là !
  • Franck, deux jours, tu te rends compte, deux jours ! Et tu reviens dans un tel état… Ta transpiration me donne des hauts le cœur et tu parais n’être plus rasé depuis huit jours. J’écarte l’option de la petite amie, affirme-t-elle confiante, presque souriante. Viens, asseyons-nous sur le divan, nous devons parler toi et moi.

 

   Franck Nussdorfer ressent une intense fatigue. Il étend les jambes et penche la tête vers l’arrière tout en fixant le plafond. Gillian se lève, revient quelques instants plus tard et dépose deux tasses de café sur une des tables gigogne. Franck éteint la télé qu’il avait allumée machinalement, depuis toujours il est très addict aux écrans.

  • Gillian, je n’ai écouté que deux minutes les actus. C’est quoi cette histoire de vaisseaux extraterrestres ? Une blague ? Dans les mainstream en plus, c’est dingue ça ! Je rêve ?
  • Oh Franck, parlons de toi ou ne parlons pas si tu préfères. Restons là, comme ça. Tu es là à mes côtés, c’est la chose la plus importante en ce moment.
  • Toi, une passionnée d’OVNIS et de petits hommes verts, tu me dis ça, tu ne cesseras jamais de m’étonner, Gillian.
  • En deux mots alors. Des vaisseaux d’origine inconnue atterrissent aux quatre coins de la planète, Franck. Aucune créature n’en sort jusqu’à présent. Les dirigeants de tous les pays appellent au calme … Ils maîtriseraient la situation … J’utilise le conditionnel, bien sûr … Voilà …
  • Aux quatre coins de la planète ?
  • Oui, d’après les infos … On cite l’Égypte, à quelques mètres du Sphinx, tout près des montagnes Bucegi en Roumanie, au Pérou à deux pas du mont Machu Picchu, et j’en passe. C’est la panique partout sur la planète, des milliers de suicides, des meurtres à n’en plus finir.
  • Et ici en Belgique, rien du tout ?
  • Pour le moment, rien du tout en effet. Il se dit que toutes les régions côtières seraient épargnées et ce jusqu’à plus de cent kilomètres à l’intérieur des terres. Et notre minuscule royaume ne fait que deux cent kilomètres d’ouest en est …
  • Les régions côtières seraient épargnées, tiens donc.
  • Oui, ne me demande pas pourquoi. Tiens, voilà ta tasse de café, Franck.
  • Merci, Gillian. Il m’en faudrait bien dix pour avoir le courage de te raconter ce que je viens de vivre. Mais à côté des actualités, mon aventure, c’est pas grand-chose, lâche-t-il, songeur.

 

   Franck raconte alors ce qu’il a vécu, et tout ce qu’il a vu, ou cru voir. Le silence, le va-et-vient du disque dans la mer et ce sans aucun splash, l’étrange matière organique des coquillages et puis ce gigantesque crop circle formé par toutes ces coquilles vides. Gillian n’en croit pas ses oreilles, elle est consternée. Cependant pas un seul instant elle ne met en doute le récit de Franck. « Ces engins n’atterrissent pas au niveau des zones côtières, la belle affaire, pense-t-elle, ils vont et viennent dans les océans ! » Gillian s’attendait à tout mais « ça », jamais elle n’y aurait songé. Un moment, vu les connaissances scientifiques de Franck, elle avait imaginé un kidnapping. Les autorités, face à l’urgence de la situation concernant l’atterrissement de ces engins extraterrestres ou plus exactement d’origine inconnue, devraient rassembler le plus vite possible tous les «cerveaux » des continents. Gillian a toujours su que Franck lui dissimulait les résultats de ses expériences et que personne après la mise à la pension de celui-ci n’avait continué ses recherches.

  • Franck, personne ne t’a contacté ? Du labo je veux dire ?
  • Oh, mon GSM est HS. Mais dans cette situation, nous verrions trois ou quatre sbires sortir d’une grosse bagnole et ils ne me demanderaient pas mon avis, je serais embarqué illico presto et déposé là où tu sais. Mais cela n’arrivera pas.
  • Ah bon ? Tu en es certain ? Tu n’étais pas un chercheur assez important ? dit-elle sur un ton ironique tout en faisant un clin d’œil à son mari.
  • Dans l’équipe, il y avait un jeune gars très prometteur. Un vrai cerveau celui-là. Je me demande encore où il allait chercher tout ce qu’il nous pondait. On l’avait surnommé « Le nouveau Tesla », c’est dire.
  • Tu ne m’en as jamais parlé. Ah oui, toujours ce secret professionnel. Tu as bien fait. Autant de rien savoir de tout ça.
  • Tu as bien changé, Gillian ! Toi qui dévorais les livres de SF, non ?
  • Oui mais c’était avant ta disparition ! Et surtout de ce débarquement d’engins bizarres. Doit-on croire les infos mainstream ? Ou c’est du pipeau encore une fois ? À quoi penses-tu, Franck ? Dis-moi …
  • Je pense à ce jeune Oliver Lewis, notre « nouveau Testa ». Pauvre gars, ses neurones doivent carburer. Le ministère le harcèle certainement. Lui et quelques autres ... Tu sais, nous avions même des contacts avec le Pentagone.
  • J’ignorais ça ! Ah oui, le secret professionnel …
  • Je jugeais inutile de te gaver avec ces expériences. Tu aurais pu t’inquiéter, Gillian. Et puis, je te sentais tellement excitée lorsqu’on abordait le sujet des extraterrestres …
  • … que tu as décidé de me cacher tout ce que tu savais…
  • Tu comprends tout, ma belle.
  • Je te sens si cool par rapport à tout ça. Ton comportement me déconcerte. Tu as quand même disparu pendant deux jours, Franck, deux jours !
  • Oh, Gillian, qu’est-ce donc deux jours par rapport à toute l’histoire de l’humanité ?
  • Mais Franck, il s’agit de toi ! Et de moi … Ou alors …. Que connais-tu donc que le commun des mortels ne s’imagine même pas ? Ou je me trompe ?
  • Tu as raison, ma belle. Ah les femmes sont si finaudes !
  • Dis-moi. Ma main à couper que tu songes aux découvertes de ce « nouveau Tesla » ?
  • Oui, il a finalisé mes travaux … Ces engins viendraient du futur. Ils maîtrisent les espace-temps et la densité de la matière. Ils sont connus des autorités depuis des dizaines d’années. Ils défient tout, le temps, l’espace, la matière, tout. Leur vitesse est inimaginable, ils font des virages à angles droits. Ils se rendent invisibles. Il y a des milliers de témoignages. Ils prendraient même des formes incroyables, se transformant eux-mêmes en vaisseaux spatiaux. Oui Gillian, ils deviennent leur propre vaisseau !
  • C’est impensable ça ! Et s’ils peuvent se rendre invisibles, pourquoi veulent –ils être vus aujourd’hui ?
  • Pour que nous sachions que nous sommes surveillés.
  • Dans quel but ?
  • Pour nous empêcher de commettre des conneries, faire exploser la planète par exemple …
  • Tout cela nous éloigne de ta disparition. Deux jours, Franck, deux jours … Tu n’as donc aucun souvenir de toutes ces heures perdues ?
  • Aucun souvenir, aucun, Gillian. Aux infos, personne n’a relaté un cas semblable au mien ?
  • Je n’ai pensé qu’à toi, Franck. J’ai écouté les journaux de loin, de si loin …

 

A suivre

Carine-Laure Desguin

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Carine-Laure Desguin nous propose une nouvelle en épisodes : Deux jours pour l’éternité - 2

Publié le par christine brunet /aloys

  

 

Franck marche d’un bon pas, il ne court jamais. Brad lui a déconseillé la course qui provoquerait trop de chocs au niveau des lombaires. De toute façon Franck n’a jamais été un sportif accompli et cette marche tonique et cadencée sur la plage déserte lui convient très bien. À cette heure matinale et surtout sous cette grisaille hivernale qui perdure, Franck ne croise personne. Lorsqu’il jette un regard circulaire vers la digue il ne repère que quelques badauds qui baladent leur clébard.

   Franck en mettrait sa main au feu, en frôlant de ses pieds les premiers grains de sable quelques instants auparavant, la mer aux couleurs bleu-vert était houleuse, les vagues se chevauchaient, s’entrechoquaient dans un boucan d’enfer. Et là, à ce moment précis, ce profond et long silence interpelle Franck. Les vagues se montrent violentes et agressives mais n’émettent aucun son, pas même le son d’un modeste clapotis. Franck secoue la tête et tapote sur ses tympans à l’aide de ses index. Un moment, il craint pour sa santé, n’est-il pas en train de se payer à nouveau un accident vasculaire ? Sa vue s’était brouillée lors de sa première atteinte et là justement, sa vue et son ouïe disjonctent, à coup sûr. Il n’en croit pas ses yeux. À une distance qu’il a difficile d’évaluer sans commettre d’erreur, il discerne un immense disque plat de couleur argentée, vierge sur ses parois de tout symbole ou écriture, s’introduire par une subtile glissade dans la mer, et puis en ressortir à une vitesse fulminante. Et ce sans même provoquer un seul « splash ». L’étrange engin métallique répète ce surprenant mouvement de va-et-vient une dizaine de fois, comme s’il prenait un élan pour une autre destination ou encore comme s’il avait l’intention qu’un ou l’autre promeneur le remarque. Franck Nussdorfer, cet ex-scientifique, note que les bancs de mouettes s’éloignent illico de cette zone improbable. Et toujours ce silence, lourd et intense, ce silence inquiétant.

   Tout à coup, l’incroyable instant suspendu se rompt. Un avion de la compagnie Lufthansa fend le ciel en direction de l’aéroport d’Ostende. La vie et ses bruits reprennent leur cours habituel.

   Franck Nussdorfer se dit qu’il a sans doute rêver, que tout cela n’est que le fruit de son imagination, peut-être même que son premier accident cérébral a court-circuité des neurones, ce qui ne serait pas un cas isolé. Il ne poursuit pas sa marche en direction d’Ostende, il fait demi-tour. Sa montre affiche 11:20.

Fichtre, déjà 11:20 ! Cette montre déconne ! Décidément, tout fout l’camp aujourd’hui !

   Il constate également que pendant tout ce temps il a effectué une distance très courte bien qu’ayant marché pendant un peu plus d’une heure. Cela l’intrigue. À son insu, les battements de son cœur s’accélèrent, toujours le stress de vivre un second accident cérébral. Par humour il éjecte d’office le mot deuxième, ce qui impliquerait l’annonce d’un troisième accident.

   La vue d’une multitude de coquillages éparpillés autour de lui sur le sable mouillé captive son attention. Il ne se souvient pas, quelques minutes auparavant, les avoir vu dispersés de cette façon entre toutes les méduses. Et la marée est toujours basse, la marée haute n’est pas pour tout de suite.  Enfant, il aimait ramasser ces coquillages rejetés par la mer, les compter un par un et puis les offrir à Méryl, sa petite sœur. Avec ses copines, Méryl commerçaient d’allure, dix coquillages contre une fleur en papier. Ces coquillages-ci sont tous entiers, bien plus grands que ceux de son enfance. Franck se penche et ramasse un bulot d’allure parfaite. Sa surface ne présente aucun éclat. Il reste très surpris lorsqu’il touche le coquillage. La coquille est lisse alors que les nervures sont visibles et la matière calcareuse devrait produire un aspect plus solide, moins souple. Or, ce bulot ne présente aucune rigidité. De sa vie Franck n’a tenu entre ses doigts un pareil coquillage. Malgré qu’il soit vidé de son mollusque, la coquille semble vivante. Oui, vivante. Sans hésiter, Franck en ramasse un autre, puis un troisième, et puis encore un autre. Tous révèlent une espèce de souplesse, comme s’ils étaient amputés d’une partie de leur calcaire ou autre matière. Et tous, oui, tous paraissent vivants et même semble avoir la volonté de communiquer. L’ex-scientifique ressent des vibrations au niveau de son thorax à chaque fois qu’il touche un de ces coquillages. Tout cela l’interpelle, il reste perplexe.

   Il n’y a eu aucune tempête, c’est vraiment étrange autant de coquillages en ce laps de temps. Des lavagnons, des couteaux, et tous ces bulots intacts, des plombes que je n’en avais vu d’aussi beaux, et intacts de surcroît. Mais ces coquilles sont d’une souplesse, jamais vu ça. Et il ne leur manque que la parole. Ces vibrations ressenties lorsque je touche cette matière organique, ces vibrations pénètrent mon esprit et me soufflent quelque chose comme « Nous débarquons mon pote, nous débarquons. » Je rêve ou quoi ? Franck, te casse pas la tête, laisse-toi vivre, enfin. Et rentre illico auprès de Gillian, le pilier de ton existence depuis, depuis ….. tellement d’années !

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