Carine-Laure Desguin nous propose en épisode sa nouvelle "Ceci n'est pas un meurtre (comme un autre)" qui figure dans le recueil (en PJ) CA SENT LE SAPIN.

Publié le par christine brunet /aloys

 

Eh bien, pour Kitch’Kasket qui commençait à se caner d’ennui dans un studio marin et s’imaginait seulâbre devant une dinde flamande le 24 décembre, c’est raté sec. Depuis l’appel désespéré de Philippeke de Belchique, sa théière ne cesse de bouillonner et les interrogations succèdent à d’autres interrogations. D’un pas hardi elle se dirige vers la digue et ça tombe bien, la digue de Kisskerke est longue de six ou sept kilomètres, y’a de quoi cogiter gravos. C’est souvent lors de ses balades que ses neurones se remettent en place et que ses idées empêchent son cerveau de prendre de la moisissure. Là, elle résume la situation. Une raide morte à la fois habillée et déshabillée, un demi-costume de princesse sur la peau. Une belle flaque d’hémoglobine qui ressemble à une peinture abstraite. D’autres femmes nues circulent dans l’immeuble dont les noms seraient étrangissimes. Et ça fait tilt sous la casquette de la détective ! Les sonnettes ! Elle aussi a entrevu des noms insolites au sein de l’immeuble « Museum ». Déjà ce nom pour un immeuble, « Museum » … Et puis, cette princesse à moitié nue, cette image ne lui est pas inconnue, ça lui rappelle quelqu’un, mais qui ? Pour Philippeke, c’est un assassinat et un king a toujours raison. Alors, il y a un assassin quelque part, natuurlijk ! Mais qui ? Un quidam de l’immeuble ? Du quartier ? Un zig ou une ziguette, pourquoi pas, ne jamais être sexiste dans ce cas ! Et surtout, pourquoi assassiner cette demi-princesse ? Sur la digue, Kitch’Kasket croise quelques sourires innocents, des touristes heureux d’être là, surtout des gens qui promènent leurs clebs dans des poussettes d’enfants, c’est très tendance ici à Kisskerke (À Kisskerke, tout le monde aime tout le monde et tout le monde embrasse tout le monde, c’est-à-dire vraiment n’importe qui). Les vitrines des magasins, des snacks et des restos sont enrubannées de lumières multicolores, de guirlandes de toutes sortes, et peinturlurées de dessins inanimés, des Bambis qui attendent leur chasseur, des Blanche-neige encerclées par des équipes de sept nains. C’est Nowel à plein tube, quoi.

 

  À hauteur du bistrot « Les kleine méduses bleues », le ciel s’assombrit, il commence à gronder et la pluie s’annonce. Kitch’Kasket s’engouffre dans ce zinc.

 

— Dag mevrouw !

— Dag meneer, een kopje koffie, alsjeblieft !

 

  Kitch’Kasket attrape quelques prospectus disposés sur une table tout à côté de la sienne, des publicités pour des sites à visiter, des entrées gratos pour le musée d’Ostende. Elle se doute que c’est foutu pour des balades en tram vers la ville d’Ensor ou encore vers La Panne. Elle glisse quand même les papelards dans son sac à dos, on sait jamais.

 

  Un quart de plombe plus tard, à quelques mètres de son immeuble, Kitch’Kasket sursaute, une intuition l’assaille. Illico elle se contorsionne et retire de son sac à dos un flyer, celui qui informe des activités et autres joyeusetés du musée André Delvaux à Saint-Idesbald. Sur le papelard, quelques œuvres de l’artiste. Et ? Des femmes nues à gogo ! À toute berzingue la détective privée du palais royal de Laeken veut rentrer dans la hall de la résidence  « Museum » afin de vérifier les noms des occupants qui figurent sur les sonnettes. Le sifflet du zig en uniforme ralentit son élan. Elle connaît la musique, elle présente sa carte d’identité sans rechigner.

— Alors des news ? s’enquit-elle auprès du gars, mine de rien.

— Pas d’autres salissures sur le trottoir depuis ce matin !

— C’est drôle hein ça !

— Tant mieux ! Demain c’est Nowel quand même !

— Ouais, ouais …

 

   À son aise, Kitch’Kasket clic clac clic clac photographie les noms inscrits sur les sonnettes.  Ses yeux s’exorbitent, elle peine à croire ce qu’elle voit. Est-ce possible ?

 

Me voici dans le drame jusqu’au trognon, on n’est pas sortis de l’auberge. Et demain, c’est Nowel !

Publié dans Nouvelle

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A
J'ai un peu de mal avec le flamand, mais j'apprécie beaucoup ce début d'histoire. Bises
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P
Chaque texte que tu écris nous envoie sur un autre chemin. Ton imagination n'a pas de fin...<br /> Merci de nous faire sourire...
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C
De l'originalité, du mordant, de l'humour, du bien belche ! Et à cette Kitch Kasquette, qui doit se tordre le ciboulot juste avant Nowel ! Amusant tout ça !
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C
J'aime faire rire, je devrais me lancer comme sketcheuse.
P
Si en plus, c'est Nowel !!! 😃<br /> "On n'est nin co fou" ( en wallon, mais je l'écris comme je le prononce 😃)
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C
Oui, bientôt Nowel, c'est fou comme le temps passe vite.
E
Moi qui ne suis pas fan des "feuilletons" uniquement parce que je n'aime pas m'engager (ha ha ha), me voici fiancée :D
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C
BAh, les extraits sont courts et on attend la suite. Moi aussi, je n'ai aucun souvenir de la fin de cette histoire.
M
Une nouvelle bien belge ! J'aime beaucoup les dialogues.
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C
Merci Micheline. Pas évident d'écrire les dialogues; chaque fois se mettre ds la peau du personnage.
A
J'aime beaucoup cette histoire, elle me donne envie de manger une grosse gauf' de Brusseleir avec une belle noquette (à Liéche on dit comme ça) de chantilly dessus ! 😋
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C
Je n'ai jamais pensé que cette histoire pourrait ouvrir l'appétit!