Carine-Laure Desguin nous propose en épisode sa nouvelle "Ceci n'est pas un meurtre (comme un autre)" qui figure dans le recueil (en PJ) CA SENT LE SAPIN.
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Tout en grimpant jusqu’au troisième étage, elle visionne les noms. Paul Delvaux, La Vénus endormie, La Femme à la Rose, La petite Marie. La petite Marie ? Oh mais oui, la princesse aux seins nus ! Et puis elle continue tout en montant les marches une à une. René Magritte, Les Amants, Le Masque vide, Le Blanc-Seing, le Double Secret, André Breton, Nadja, Clair de terre, Salvador Dali, Le Grand Masturbateur, Irène Hamoir, Christian Dotremont, Louis Scutenaire, etc. La petite Marie ! C’est elle la victime, je me souviens ! Elle scrute le flyer qui concerne le musée Delvaux et voilà, elle découvre cette œuvre, La petite Marie ! Une jeune fille aux longs cheveux blonds, aux yeux noirs, le torse nu … Soudain un inconnu l’interpelle :
— Bonjour chère demoiselle, je n’ai pas le déshonneur de vous connaître, lance le type en soulevant son chapeau melon.
— Kitch’Kasket, répond l’enquêtrice tout en s’interrogeant et en dévisageant ce garse qui ne lui est pas inconnu du tout et …
— Ah oui, vous êtes la sonnette sans nom !
— Je pars demain, rassurez-vous, monsieur …
— Je suis Magritte ! René Magritte ! C’est moi qui ai défenestrer cette nuit La petite Marie. Oui, c’est moi ! lâche-t-il en déposant son melon sur sa tête. Je m’en vais de ce pas réveiller Paul Delvaux, il faut qu’il sache qu’il est en deuil. La petite Marie, c’est son œuvre. Lui et ses œuvres n’ont rien à faire au « Museum ».
Kitch’Kasket a déjà entendu pas mal de conneries durant sa longue carrière. Jamais elle n’a connu une telle situation.
— Paul Delvaux mange les pissenlits par la racine depuis 1994, balbutie-t-elle.
— Allons donc, damoiselle ! Et moi je serais raide mort depuis 1967 sans doute ?
— Veuillez m’excuser, je rentre chez moi, je me sens défaillir, je ne comprends plus rien. Tout ce foutoir me pose des probloques insurmontables.
— Pour votre gouverne, sachez que nous fêtons cette année les cent ans du Surréalisme ! Et le Surréalisme, c’est moi, Magritte ! Et personne d’autre. Là, dans tous ces studios, ce ne sont pas des œuvres puisqu’elles ne sont pas signées Magritte ! Mais ce sont des êtres vivants, ça oui … Les Delvaux, les Dali, c’est du vent ! Et même les scribouilleurs surréalistes doivent clamser ! Au bac, Breton et tous ses suppôts ! Les uns après les autres, je les anéantirai ! le surréalisme, c’est moi, c’est René Magritte ! Qu’on se le dise !
Kitch’Kasket laisse délirer René Magritte, rentre dans son studio et s’enferme à double tour. Elle s’affale sur son burlingue, le confondant avec son pieu. C’est à ce moment-là que vibre son bigaphone.
— Allôôôô, Kitch’Kasket ?
- Oh my God, mon prince !
- Nee, ici Philippeke, koning van Belchique ! Alors Kitch’Kasket, cette enquête ?
- C’est affreux, affreux !
- Vous connaissez l’assassin ? Le nom de l’assassin ?
- Oui, c’est René Magritte ! Vous entendez bien, René Magritte !
- ….
- Allôôô, Philippeke ?
- C’est très ennuyeux, ça !
- René Magritte pète un câble, Philippeke ! Il tue tous les surréalistes et leurs œuvres. Il veut tuer Dali, Delvaux, et j’en passe !
- Il ne peut pas tuer André Delvaux, ça non ! Pour Dali, ma foi …
- Et pourquoi ça, Philippeke ? Ils sont déjà tous morts, vous le savez, ça ?
- André Delvaux est Belche et nous fêtons les cent ans du Surréalisme ici, en Belchique, au palais royal de Laeken, entre guirlandes et flonflons de décembre. Mais je suis soulagé, vous avez résolvé pardon résolu tout ce pataquès.
- Ouais, ouais. En attendant, je ne voudrais pas forcer sur la note poétique, Philippeke, mais ça pue gravos le sapin ici à Kisskerke dans la résidence « Museum ». Magritte veut tuer Delvaux, je vous le répète … Ah il est beau le surréalisme belche !
- Prenez tram train et tram, Kitch’kasket, fuyez tous ces fous ! Venez fêter Nowel au palais dans vos tissus patriotiques. Ma reine et moi, nous vous attendons au plus vite. Afin de terminer le discours royal de demain. Nous avons encore droit à neuf minutes de mots en pur Belche.
Carine-Laure Desguin
http://carineldesguin.canalblog.com