Maman, un poème de Claude COLSON
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MAMAN
Tu es née à une autre époque,
Il y a cent et quelques années,
Tu as vécu l’exode, en loques,
L’école que tu as dû quitter,
Ton petit frère par maladie emporté.
*
À treize ans il te fallut travailler ;
La vie était dure en ce temps-là.
Vaillamment tu l’as affrontée :
On me dit même que bien souvent tu chantas.
*
Tu étais l’alouette de l’atelier,
Facétieuse, enjouée.
Je ris encore des farces
Qu’à tes compagnes tu fis, gentille "garce".
*
Puis la guerre encore, dite seconde,
Ton mari pour trois ans prisonnier,
Avant un jour de s’évader, se cacher.
Tu géras seule la douleur du monde.
*
Les années 50,60, et début 70,
La maladie de ton époux,
Qui nous plongea en pauvreté, misère lisse,
Que tu t’employas à cacher.
*
Nous élevas en dignité, te privant
Pour assurer de bonnes études à tes enfants.
Maman, je t’entends rire le soir,
Te vois t’endormir ensuite sous mon regard,
Épuisée d’avoir tant assumé.
*
J’avais quarante-quatre ans quand tu m’as quitté,
Toi, quatre-vingt quatre, un soir d’été.
La vie, bien sûr, continua ;
J’eus bien d’autres choses à gérer.
Peut-être même t’ai-je un peu oubliée.
*
Je ne sais pourquoi aujourd’hui,
Plus de vingt ans après,
Je revois cette tienne vie
Qui vient occuper mes pensées.
*
Malgré la mort, malgré le temps,
C’est sûr, je t’aime, maman !
Claude COLSON