"Leurs échos dans la nuit", une nouvelle signée Carine-Laure Desguin
Leurs échos dans la nuit
Du ciel, les étoiles entendaient ses pas. Leurs échos dans la nuit cognaient contre les bitumes. Les oiseaux aux ailes d’argent le reconnurent. Ils savaient que c’était lui, ils pressentaient qu’une nuit sans horoscope, il reviendrait dans cette ville, lui et ses sueurs sanguines. A la meute alanguie, le vent avait soufflé des lettres et des couleurs et le vent ne se trompait jamais. Sur les quais de la Sambre, l’homme brillait de tous ses feux. Qui se reflétaient, illuminés qu’ils étaient par des éclipses divines, sur les eaux endormies. La lune était pleine et des éclaboussures satellites cliquetaient sur les toits. L’homme aux semelles parfumées des lieux magiques qu’il avait sillonnés recherchait cet endroit où, quelques années plus tôt, il allongea ses jambes. Quand la pluie commença à claquer contre les berges de la rivière, l’homme se souvint de cette serveuse à qui il entassa quelques coups de boutoir, et de ses cris qui déchirèrent le bleu de la nuit. De ces glorieuses, les oiseaux se souvenaient aussi. Les oiseaux aux ailes d’argent n’oublient pas ce qui est gravé dans la mémoire de la nuit et à coups d’ailes, ils conduisirent l’homme prodigue vers ce cabaret, le Cabaret-Vert. Là, l’homme s’agenouilla. Dans cette ville qui s’appelait Charleroi, le Cabaret-Vert n’était plus qu’un tas de fientes pestilentielles. L’industrie avait digéré tous les feux follets. L’homme alluma alors son regard sulfureux et il courut vers les étoiles. La grande Ourse n’était pas loin.
Carine-Laure Desguin, in « La Belle Epoque », Editions Noctambule, 2014