Joël Godard nous propose un extrait de son ouvrage "Ailleurs est un pays aux rivières lentes", en deux parties
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Joël Godart nous présente deux poèmes en prose extraits de son recueil : «Ailleurs est un pays aux rivières lentes».
2e Partie
Avec la prose poétique, cette liberté de l’auteur devient plus grande encore. Songeons aux précurseurs : Aloysius Bertrand, le Baudelaire des Petits poèmes en prose, Rimbaud et ses Illuminations, Michaux, Char, Ponge ... Si Baudelaire calque souvent sa prose sur des vers déjà écrits, avec Rimbaud le poème en prose prend sa fulgurance : traduction d’ hallucinations , travail de la mémoire et du rêve, recherche d’un monde nouveau et à venir. Bref , jamais plus grande liberté n’avait été accordée au poète. Mais, hélas, quel défi démesuré pour l’auteur !
XXXIII
Et nous étions tous les deux accrochés sur l’aile
de l’ oiseau. Nous nous regardions en riant, étendus
de tout notre long, les bras en avant, tandis que les
ailes battaient, battaient. L’air sifflait à nos oreilles,
on voyait tout en dessous de nous de grands nuages
défiler. Soudain sans que nous sûmes pourquoi,
l’oiseau se mit à descendre. Nous enfouîmes nos
visages dans le fin duvet blanc, les mains crispées sur
notre monture. Puis tout se redressa, nous reprîmes
notre souffle. Quand nous basculâmes dans le vide,
l’air avait pris la forme d’une bouteille.
XLVIII
L’été s’était posé à nos pieds : il avait suffi de se pencher
pour vous saisir, jours dorés. Ailes à l’abri dans nos dos,
nous allions parmi vous, nous étions des vôtres.
Mais c’est le soir que nous prenions soudain notre envol :
un geste de l’un d’entre nous et nous nous mettions en
mouvement , parcourant tous vos horizons, découvrant toutes
vos chimères. Et c’est avec étonnement que, levant la tête,
vous nous suiviez des yeux, regardant tournoyer sans fin nos
longues silhouettes, cependant que la nuit, nous enveloppant
peu à peu, transformait votre univers en un bruissement
soyeux.