Edmée de Xhavée a lu "Nuageux à couvert" de Marcelle Dumont
On peut dire qu’on ne la joue pas à Marcelle Dumont, et qu’on ne lui fait pas prendre des vessies pour des lanternes, des solitudes qui se trainent pour de fantastiques accomplissements, des mariages juste un peu mieux que le suicide pour de merveilleuses conclusions amoureuses…
On suit ces créatures égarées dans le tissu des conventions sociales, dans l’aspiration au mariage, dans le langoureux soupir après l’amour, dans la séduction vénéneuse qui fait qu’une femme est une vraie femme, dans d’épuisantes représentations de femmes-enfants qu’on doit délicatement entourer, dans le courage aveugle de qui veut vivre et ressusciter d’un mariage mort-né… et on a beau savoir qu’elles ont souvent tort de se cramponner aux mauvaises bouées de sauvetages, aux mauvais rêves d’avenir, aux mauvais guides dans la vie… elles sont un triste bouquet de chagrin, de pathétique obstination ou confiance…
Et on leur aurait volontiers souhaité un peu de jugement, un peu de chance, un peu de liberté pour que leur vie soit toute autre.
Mademoiselle Alberte, par exemple, celle qui ouvre le défilé dans ce recueil de nouvelles. On la voit resplendir comme une pivoine fraîche dont la floraison sera aussi éphémère que magnifique. On la suit jusqu’à son seul réel combat, bien tardif après avoir tout perdu sur son chemin. Elle m’a rappelé une certaine Mimi de mon enfance, que ma mère et ses frères appelaient « La fiancée du curé » parce qu’elle ne ratait pas une messe, et s’y rendait vêtue avec dix ans de retard sur la mode et vingt ans de trop pour la coupe et la coquetterie…
Les fiancés épistolaires enfermés dans une guerre sont tellement touchants, ces cartes dont l’espace est trop petit pour dire du superflu et dont chaque phrase en contient d’autres, secrètes et palpitantes… Que deviendront-ils ?
Et Christine, qui ne peut faire face à son veuvage, et n’y fait d’ailleurs pas face, jouant à d’autres réalités aussi longtemps qu’elle le peut.
Toutes ces femmes sont véritables, nous les avons connues, en pièces détachées parfois, et assemblées autrement, mais nous les avons connues… Et Marcelle Dumont sait ce qu’elle voit, au-delà des falbalas, rires, coupes de champagne et bonheur affiché…
Une belle écriture, une observation précise, et des histoires dont chacune reste étonnante en fin de lecture.