La longueur du Nil, une poésie extraite de "L'ombre du reflet" de François Iulini
(Pour mémoire, 6 500 km)
Mécaniques matins ; vos tartines croisant
Sous l’effluve robuste et l’huileuse spirale
Ont dilué mon rêve dans l’œil nécromant…
Mon livre j’abandonne à la touffeur australe ;
Sous la feuille d’ombú, le mascaret poisseux,
L’orange Nautilus, mène à la communale…
Sur l’abscisse en béton qu’ordonne la banlieue,
Soliloque une ligne sur le bonheur placide
Et condamne à mûrir les songes aventureux…
Sous ce ciel de craie ma jeunesse se ride
Sur la longueur d’un Nil qu’elle ne descendra pas,
Ce trait sur une carte est un néant sans vide…
Un fleuve de papier arpenté sans bardas,
Sans felouques glissant sur les traces d’Henry ;
Votre cours sans écaille n’est qu’un ru sans son Râ…
O combien est cruelle la triste maladie,
De croire toujours un peu, de n'être qu'un peu triste,
D'aimer l’œuvre anémiée de nos pages sans cris...
Toutes ces choses apprises ces heures où rien n’existe
Seul, le ciel bleu s’amuse au-dessus de nos brumes ;
- Croire que la vie se gagne en étant réaliste ! -
Rafraichis-moi soleil, la glace me consume,
Rassasie-toi ma faim aux becs des cormorans,
Ibis écarlates couronnez-moi d’écume…
Surviendra le déclin des matins sans talent
Salut radieuse aurore, adieu rêves dociles
Sur ma blanche torpeur j’écrirai mon néant…
Noire sera ma page, insondable mon Nil…