Cathie Louvet a chroniqué "Nid de vipères", le premier thriller de Christine Brunet dans son blog "Legere Imaginare peregrinare"
https://legereimaginareperegrinareblog.wordpress.com/2017/10/18/passion-thriller-nid-de-viperes-christine-brunet/#more-23837
Le roman:
Nid de Vipères, premier roman de Christine Brunet, est paru en 2010 aux éditions Chloé des Lys, petite maison belge située à Barry. Le récit à la 3e personne bénéficie d’un rythme soutenu, d’une plume souple, efficace et dynamique; aucun temps mort, aucune digression inutile; ça clash, ça bouscule, ça vous emporte dans un tourbillon sans fin…
De nombreux dialogues, souvent savoureux, donnent de la vie au roman, une profondeur supplémentaire. Dès la première page, on est plongé dans une ambiance surréaliste, avec des mots simples et percutants, attisant d’emblée la curiosité du lecteur: « Déjà son rêve s’effaçait comme tous les rêves…Il se concentra sur le souvenir lointain, en vain. Il se rassit et agacé, se prit la tête entre les mains et se laissa aller au désespoir de la perte. Peut-être que quelques verres de whisky… » (Page 1).
Les thèmes: Nid de Vipères est un roman dense qui met en scène diverses situations communes à tout commissariat de grande ville et aborde de nombreux thèmes tels que la corruption politique, l’appât du gain au mépris de la dignité et de la vie humaines, les failles d’un système judiciaire loin d’être parfait, la misogynie envers les femmes de pouvoir ou assumant de hautes fonctions: « Elle sentait les deux derrière moqueurs et savait qu’ils attendaient la faute ou le faux pas. Cette ambiance l’agaçait sans la mettre vraiment mal à l’aise. » (Page 39).
Mais également des thèmes plus intimistes tels que l’amour, la misère, la déchéance sociale ou physique, ce que chacun fait de sa vie, le pardon, proposant une réelle réflexion à propos des choix que nous faisons, quel est notre rôle sur cette terre, pourquoi et comment tendre vers le meilleur même s’il est plus facile de se laisser glisser vers le bas…
L’intrigue:
Nils Sheridan, en mission d’infiltration qui a mal tourné, parvient à échapper à ses tortionnaires qui l’ont laissé pour mort, et se réfugie clandestinement sur le voilier d’une inconnue, la commissaire Aloys Seigner, qui profite de ses dernières semaines de villégiature avant de gagner Paris où elle doit prendre sa nouvelle affectation et relever le difficile défi de remplacer le commissaire Karmann, considéré comme irremplaçable par ses collaborateurs. « Aloys Seigner arrivait là comme un cheveu sur la soupe…Sans doute trop tendre pour un poste pareil, sans connaissance du milieu et même des procédures du service puisqu’elle venait de la PAF, planquée en Polynésie… » (Page 37).
Après avoir fait la connaissance de son passager clandestin, elle lui fait une proposition surprenante: se faire passer pour son ex-mari dont elle a conservé les papiers d’identité, rentrer ensemble à Paris et l’héberger le temps qu’il trouve un job. Dans un premier temps surpris et se demandant ce que cela cache, dans un monde où rien n’est jamais gratuit, mais pas l’entraide, Nils finit par accepter.
Dans quelle nouvelle galère vient de s’embarquer Aloys alors qu’elle doit faire ses preuves en tant que nouvelle commissaire, que son mari vient de la trahir une fois de trop et que sa santé se détériore? Tandis que sa vie privée prend un tour inattendu, enquêtes et interventions la mèneront sur les traces de tueurs redoutables et de trafics honteux où la vie humaine ne pèse pas plus que le poids d’une plume…
Les personnages:
Tous les personnages de cette histoire sont complexes, avec une psychologie parfois déroutante, je pense notamment à Nils pour qui les complexes et les peurs du passé constituent de lourdes chaînes et font obstacle à un épanouissement personnel et sentimental, ou au commissaire Seigner qui, blessée par de nombreuses déceptions de toutes sortes, ne sait plus exprimer ses sentiments, laissant par là échapper une possible rédemption. Les motivations de chacun d’entre eux sont parfois limpides: l’argent, le pouvoir, la suprématie; d’autres sont moins évidentes, mais pour autant issues de profondeurs insondables: l’amour, la loyauté, le soutien, la confiance…
- Nils Sheridan: médecin, agent infiltré au M16; environ 30 ans; crâne rasé, yeux bleu gris; voix un peu rauque teintée d’un fort accent anglo-saxon; maigre mais musclé, grand et blond.
- Meyers: chef de Nils au M16.
- Aloys Seigner: commissaire divisionnaire; grande et mince, des formes élégantes, chevelure ondulée châtain clair tombant sur les épaules, visage agréable, peur bronzée, grands yeux d’un marron très lumineux, lèvres bien ourlées, métissée, très jolie; caractère bien trempé: « Ma place est où je décide qu’elle doit être, le coupa-t-elle. Et si mes méthodes ne vous conviennent pas, vous savez ce qu’on dit: Les flics sont comme les ministres, ils la bouclent ou ils démissionnent. » (Page 38); issue d’une famille très riche; à la fois femme-enfant, et adulte sérieuse et désabusée; a suivi des cours de criminologie à l’université de Boston, puis a travaillé quelques années dans une unité spéciale du FBI spécialisée dans la lutte contre le grand banditisme.
- Robert Mangin: médecin légiste.
- Gilles Karmann: commissaire divisionnaire parti en retraite, prédécesseur d’Aloys.
- Laurent Bernard: commandant, bras droit d’Aloys; environ 40-45 ans, cheveux teintés de blanc, yeux un peu enfoncés dans les orbites, grand, presque maigre, impression d’être dynamique et clairvoyant, a fait toute sa carrière à la PJ sous les ordres de Karmann.
- Thomas Marcovici: grand gaillard, chevelure brune coupée en brosse, regard marron très mobile.
- Didier Benureau: équipier de Bernard; plus petit, la cinquantaine, calvitie bien avancée, dents jaunes des fumeurs; devenu alcoolique après le décès de son fils et le départ de sa femme.
- Marie Abelanski: lieutenant de police.
- Karine Villiers: lieutenant de police.
- Karim Bouajila: lieutenant de police.
- Daniel Leroux: lieutenant de police.
- Patrick Brenner: 39 ans, notaire; gamin de l’assistance, élevé par des paysans du Nord de la France; est devenu « un bourgeois hautain et friqué, fringué à la dernière mode ».
- Carole Brenner: 34 ans, femme de Brenner.
- Paul Chanteloup: associé de Brenner; 52 ans, divorcé, père de deux enfants.
- Miriam Leroy (appelée Leroux dans la suite du roman): 41 ans, pas mariée, secrétaire du cabinet de notaires de Brenner et Chanteloup.
- Antoine Carcérès: né à Alger en 1930, veuf, sans enfant; frère de l’ex-femme de Chanteloup, retraité des postes ou de la SNCF.
- Nicole Chanteloup: ex-femme de Chanteloup de dix ans sa cadette; ont divorcé à cause des nombreuses infidélités de Nicole; soeur de Carcérès.
- Marie-Claire Seigner: mère d’Aloys; environ 50 ans; grande et distinguée, très élégante; cheveux mi-long teints en blond, grands yeux verts, petit nez retroussé, peau du visage un peu trop lisse, du charme et de la prestance; collectionne les amants.
- Alain Tasma: directeur de la police.
- Verpillat: préfet de Paris.
- Rothenberg: chef de cabinet du ministre de l’Intérieur.
Le contexte:
Afin de donner une réelle crédibilité au roman, la commissaire ne travaille pas exclusivement sur le crime principal de l’histoire, mais conjointement sur différentes affaires criminelles, comme ce serait le cas dans la réalité, surtout que l’action se situe à Paris. Du coup, le lecteur assiste in situ à la vie du commissariat comme s’il lisait une chronique de journal: « A côté de cette affaire, le service ne chômait pas: suicides, meurtres, cambriolages, agressions, disparitions ponctuaient le quotidien sans répit ». (Page 58). Notamment l’intervention lors d’une bagarre de rue particulièrement bien mise en scène mais qui n’a aucun rapport avec l’histoire à proprement parler: « Sa carte à la main, elle dépassa plusieurs policiers à l’abri derrière leur véhicule de service puis s’avança vers le théâtre des faits: deux cadavres gisaient sur l’asphalte dans une mare de sang. A côté, un SAMU, deux ambulances et une camionnette des pompiers, gyrophares allumés. » (Page 70). L’affaire Brenner n’étant qu’un petit supplément…
Mon avis:
Pour son premier roman, Christine Brunet a placé la barre très haut: une intrigue complexe où se mêlent éléments de l’enquête principale, les nombreuses autres affaires sur lesquelles la commissaire Seigner et son équiper enquêtent; les fils des différentes trames courent au sein de l’histoire comme des tentacules toujours plus invasives; mais également les vies privées des personnages principaux et les problèmes auxquels ils sont confrontés. De quoi se perdre pour un auteur non averti, ce qui visiblement n’est pas le cas de Christine.
Ne pas oublier l’agent Sheridan et sa mission d’infiltration, certes mise en sourdine pendant les trois quarts du roman, mais qui revient à la fin. Je ne vous en dirai bien entendu pas une syllabe de plus…Force m’est de signaler, dans un souci d’honnêteté et de respect envers l’auteur, de petites erreurs dans les détails, notamment la secrétaire de Chanteloup qui change miraculeusement de nom en cours d’histoire; où le salutaire coup de téléphone du légiste capable de transmettre les résultats d’autopsie de cadavres non encore découverts…
Sa plume est acérée, aussi nette et précise qu’un scalpel bien aiguisé. Elle va au fond des choses, elle triture l’abcès jusqu’à le faire crever et que se répande le liquide purulent qu’il renfermait. Ses personnages sont torturés à souhait, engoncés dans une gangue de sentiments contradictoires, de peurs, de fantasmes aussi. En tout cas, ils posent question à nous pauvres lecteurs embarqués dans cette périlleuse aventure pour notre plus grand bonheur !!!
Citation:
« C’est si facile de se dire qu’on n’est pas coupable, que c’est les autres. Des victimes de la société hein! Normal. Et toi, tu fais quoi pour changer ta galère? Tu tues, tu rackettes, tu casses du flic, tu deales…Pense plutôt aux deux mômes qui sont morts par ta faute et celle de tes copains! » (Pages 73-74).