Deuxième partie de la nouvelle d'Albert Niko "Colline"

Je ne tire du réel que le minimum vital – de quoi me maintenir –, ne retenant que des lambeaux de vécu que mon imagination recyclait pour en faire des espèces d'épouvantails qu'un rien baroque je dressais par écrit...
Je ne levais pour ainsi dire pas les yeux quand je marchais en ville. Les mêmes regards, le même programme. Maisons, marronniers et réverbères dans une même perspective, et nos vies descendant l'avenue comme un long cortège funéraire continu...
À huit heures dans les collines vous étiez pas dérangé, chacun étant plus ou moins occupé à faire avancer son pion ou préoccupé de ces questions. C'était là que j'échafaudais la plupart de mes textes. Je m'enfonçais une heure ou deux avant de rebrousser chemin.
Le bourdonnement de la ville dans sa cuvette m'évoquait le bréviaire que bavait une marée de bouches...
prière de ne pas chercher plus loin...
Je sais pas si le vieux de la première maison tenait un journal minuté de mes escapades, ou s'il campait toute la journée sur son perron, en tout cas pas moyen d'y couper, son sourire visqueux me remontait l'épaule comme une limace. Il n'y avait ni bureaux ni usine, ni même une ferme dans les collines. La dernière fois, j'y ai croisé deux types qui m'ont fixé comme si la chose ne s'était pas produite depuis le siècle dernier.
Ils m'ont très attentivement regardé arriver de si loin qu'il n'était pas impossible que j'arrive du siècle dernier.
Il fallait être chasseur, ou retraité, pour se trouver un matin dans les collines.
Ils étaient les deux.
ALBERT NIKO