Un article signé Jean-Michel Léost dans "L'Agrégation" pour le dernier roman de Jean-Michel Texier "La confession de Cleve Wood"
Après L’Élitiste (2012) et Loozie Anna (2015), notre collègue Jean-Claude Texier publie un troisième roman : La Confession de Cleve Wood. Confession, puisque le narrateur est, cette fois, un jeune professeur d’anglais d’origine britannique : il raconte, avec la pudeur que lui imposent sa réserve naturelle et son éducation religieuse, comme pour retrouver la paix intérieure, sa rencontre avec Hélène, ses sentiments pour cette jeune femme, pianiste de talent, divorcée et mère d’un adolescent, qui a épousé Karl Erhardt, professeur d’allemand devenu aveugle, de vingt ans son aîné, qu’elle avait aimé lycéenne.
Rencontre due au hasard, comme beaucoup d’évènements, apparemment sans importance, qui peuvent bouleverser une vie, puisqu’il est accueilli chez ce couple, ami de ses parents. « C’est peut-être la seule au monde / Dont le cœur au mien répondrait… » : ces vers de Nerval reviennent à l’esprit du narrateur. Le prénom de « Cleve » n’est pas sans rappeler la Princesse de Clèves, comme le remarque son proviseur. De fait, il y a quelque chose de tragique et de sublime dans cette histoire. Car ce roman décrit un amour impossible et indicible, le conflit entre l’amour et l’amitié : une union fragilisée entre Hélène et son époux, aveugle et beaucoup plus âgé, la passion de Cleve pour Hélène, qui se heurte aux interdits moraux, la passion d’Hélène pour Cleve. Finalement, Cleve retourne en Angleterre, où Hélène lui écrira, disparaîtra, reparaitra… Laissons au lecteur le soin de connaître, dans les dernières pages, le dénouement et le rôle de Frédéric, le fils d’Hélène, dans cette tragédie. Les derniers mots du roman ouvrent le champ des possibles : raconter son bonheur, même illusoire, est la chose la moins intéressante au monde. »
Ce roman, dont le cadre principal est encore le lycée Édith Cavell, est également l’occasion de s’interroger sur la vie enseignante, sur les difficultés entre les systèmes français et anglais, sur la relation pédagogique qui s’installe entre le professeur et ses élèves, la joie de la transmission, les difficultés de la tâche, les doutes qu’on peut éprouver.
C’est enfin une sorte d’adieu de l’auteur aux personnages de sa trilogie, qui lui sont devenus familiers et dont il se sépare avec nostalgie. Confirmation, s’il en était besoin, que la vraie vie et la littérature ont des liens très étroits.
Jean-Michel Léost
Jean-Claude Texier joue deux passages du roman sur YouTube