Félicitations aux auteurs des Éditions Chloé des Lys qui ont cartonné lors du concours POE’VIES 2022 dont le thème était LE TEMPS. Le jury était composé de Françoise Lison-Leroy, Laurent Harduin, Jef Deblonde et Carine-Laure Desguin.
Le jury orchestré par l’organisatrice Marie den Baës (alias La petite Marie) a sélectionné cent textes parmi les six cent quarante-neuf textes arrivés des quatre coins de la planète ! Oui, vous avez bien lu, six cent quarante-neuf textes ! De Roumanie, du Chili, des States, du Gabon, du Canada, de l’Ile de la Réunion, etc.
Merci à Marie den Baës pour toute cette organisation !
Et encore félicitations aux auteurs des cent textes retenus et tout particulièrement aux auteurs des Éditions Chloé des Lys :
Laurent Dumortier, RESPIRER LA VAGUE
Micheline Boland, PASSE LE TEMPS
Gaëtan Debiève, AUTOMNE
Bernadette Gérard-Vroman, EN SUSPENSION
Antonia Iliescu, SAISONS
Pour rappel, lors de l’édition précédente du concours POE’VIES, le texte de Jef Deblonde, REFLET, a reçu le prix de l’Inédit et celui de Carine-Laure Desguin, ŒIL NU DEVANT, le prix de la Musicalité.
On attend avec impatience les résultats de la prochaine édition et encore merci à Marie den Baës pour toute cette organisation !
Merci à Sylvie Mordang pour sa lecture d’un extrait de ma nouvelle surréaliste ET LES VIEUX DANS TOUT ÇA, parue dans le recueil collectif NOUVELLES D'UN NOUVEAU MONDE (Jacques Flament Editions) http://carineldesguin.canalblog.com/archives/2021/07/28/39075475.html et bien sûr pour sa lecture des extraits de MISHA, LE POISSON ROUGE ET L'HARMONICA, opuscule paru récemment dans la collection Adospuscules aux Éditions Éric Lamiroy
Une équipe formidable que celle de cette émission, merci à Sylvie, Carine, Violette et Xavier !
Et un énorme merci aux enfants de troisième et quatrième année de l'école des Sorbiers, à Cuesmes (Mons)! Ils s'appellent KAWTHAR, ANIS, CHAIMAE, EWEN, HAJAR, MOUSTAPHA, TIMEO, ELYA, ANGELINA, ORIANA, ELEONA, LOUKA, LOUIS, et RIYAD! Ce sont eux les auteurs des dessins sur les photos. A l'écoute de l'histoire de Misha, Sylvie a demandé à ces artistes de dessiner ce qu'ils ressentaient et comprenaient. Et voilà! C'est pas beau tout ça ? Je vous dis pas mon émotion quand Sylvie m'a offert ces magnifiques dessins pleins de couleurs, de lettres et de chiffres, de poissons rouges et d'harmonicas...
Interviews d’auteurs, parutions de livres, articles et reportages… Le blog de Chloé des lys regorge d’informations sur les auteurs de la maison d’édition du même nom et vous donne, sans aucun doute, envie de découvrir le panel incroyablement varié d’auteurs qui y publient.
Si vous avez l’habitude de venir trainer sur ce blog, jeter un œil et laisser un petit commentaire en passant, vous aurez sûrement remarqué que le blog a été (presque) à l’arrêt pendant quelques mois. Mais vous aurez également remarqué que, depuis début août, la machine s’est remise en branle. Les articles ont refait leur retour et quelques nouveautés ont fait leur apparition. Le blog se pare maintenant d’une toute nouvelle bannière mais aussi… d’un logo !
Continuons à faire vivre ce blog ! Pour le moment, il n’y a plus de matière en réserve pour le remplir. Vous publiez chez Chloé des Lys ? N’hésitez pas à envoyer votre actu, une interview, un extrait de votre livre… Rendez-vous dans l’organigramme de Chloé des Lys pour connaître la marche à suivre et…à très bientôt !
Une pluie d'automne Le vent qui claque Et mes pas qui frappent Les pavés mouillés
Les lumières des vitrines Halos blafards Éclairant les passants Trop rares
Des moments trépassés Du passé faire table rase Oublier la douceur du printemps Et la douleur des absents
Pourquoi ne me regardes-tu pas dans les yeux ? Pourquoi sur ce point, comme tant d’autres, Sommes-nous deux ?
Carapace de plomb Souvent j’ai connu Ces chemins pentus Qui m’entraînaient vers le fond
De ruelles En impasses Du temps qui lasse Ou qui nous laisse
Adieu l’automne Bientôt l’hiver Quelques pas en arrière Deux trois lignes Un simple fait divers
Pourquoi ne me regardes-tu pas dans les yeux ? Pourquoi sur ce point, comme tant d’autres, Sommes-nous deux ?
Né en Belgique, Laurent Dumortier écrit de la poésie, des nouvelles, des romans. Ses textes sont souvent sombres. Pas mal de publications en revues. Quelques prix remportés. Présent dans les n° 5, 16 et 21 de Lichen. Ce texte est extrait de son recueil inédit Temps Zéro.
Le Tihangeois Jean-Michel Ruisseau a été édité pour la première fois, aux éditions Chloé de Lys, avec son roman «La chaise vide».
Le Hutois Jean-Michel Ruisseau est édité pour la première fois (à compte d’éditeur) avec son roman La chaise vide, sorti aux éditions Chloé des Lys il y a trois semaines. Et ce samedi, il est venu en parler lors d’une rencontre littéraire organisée par la bibliothèque de Huy. L’occasion de dresser le portrait de ce dilettante, comme il aime se le dire.
Né au Congo il y a 64 ans, Jean-Michel Ruisseau est de ceux qui ont un parcours atypique. «Je suis un vrai bon à rien, ironise le Hutois.Je me suis promené toute ma vie dans le monde, sans appartenance à rien. Et à un certain moment, je me suis choisi, par défaut, le métier d’artiste peintre. Et ça a marché.» Avant de s’adonner à la peinture, Jean-Michel a beaucoup voyagé, notamment à travers l’Europe. Puis, à 35 ans, il a commencé à peindre de petites toiles, «sans grande conviction. Il s’avère que ma peinture a énormément et très vite plu. Mais nous, artistes, sommes des usurpateurs. Regardez mon travail, c’est vrai qu’il est plaisant à regarder… mais dans le fond, c’est de la merde». De la merde qui permettra tout de même à l’artiste de côtoyer du beau monde, notamment du côté de Cannes où il a vécu durant quelques années. À l’époque, il avait même vendu l’une de ses toiles au musicien français bien connu Gilbert Bécaud.
«Je suis devenu papa à 40 ans. C’est là que ma vie publique s’est arrêtée car je vouais un véritable dévouement à mon nouveau devoir de père. Je suis donc revenu à Huy. C’est à cette même époque que j’ai cessé d’être un marginal, d’être un artiste frimeur. Et ce n’était pas plus mal car dans le fond, je n’ai jamais accepté le monde de l’art et son rapport à l’argent.»
Son livre remarqué par 7 maisons d’édition
Ses premiers pas dans l’écriture lui ont réussi également puisqu’il y a dix ans, Jean-Michel Ruisseau a remporté deux prix de littérature, ceux-ci organisés par la Communauté française. «C’étaient de petits textes sur lesquels je m’étais essayé. “ Je n’écris peut-être pas si mal ”, me suis-je dit après avoir remporté ces deux prix… Ce qui ne m’a pas empêché de ne pas écrire durant dix ans.»
Et pour son roman La chaise vide sorti il y a peu, ce ne sont pas moins de 7 maisons d’édition qui ont retenu son manuscrit. Mais celle qu’il a choisie, il ne l’a pas fait par hasard. «J’ai opté pour Chloé des Lys car cette maison d’édition – constituée en ASBL – m’offre une certaine liberté. Aussi, c’est la seule à avoir accepté de me laisser illustrer la couverture du livre. Les autres avaient leurs propres illustrateurs et ne voulaient pas déroger à cela.»
Autobiographie autocensurée
« Mon livre est un récit quasi autobiographique, qui prend son essence dans mon histoire personnelle », explique Jean-Michel Ruisseau, auteur du roman La chaise vide. C’est l’histoire d’un bonhomme qui traverse une vie dans laquelle il croise régulièrement un vieil homme tirant une chaise… vide. Et à la fin de l’histoire, cet homme invite le héros à s’asseoir sur cette fameuse chaise.
« Ce n’est pas du tout un roman à l’eau de rose »
« C’est une forme d’autobiographie, certes, mais censurée. Il y a des choses qu’il est bon de ne pas dire, sourit l’écrivain. Malgré cela, il ne s’agit pas du tout d’un roman à l’eau de rose, ce n’est pas une tendre histoire non plus. »
Publié lepar Le Syndicat des journalistes et écrivains
LES PETITS PAPIERS DE CHLOÉ fête ses 20 ans
En 1999, un groupe d'étudiants décide de créer une maison d'édition atypique , les Editions Chloé des Lys. Cela se passe en Belgique, à Tournai puis à Barry.
Egalement rédacteurs d'une revue littéraire, ils pérennisent l'idée sous le titre de Pulp.Com. Trimestrielle, assez trash, elle ne rencontre que peu de lecteurs et l'équipe en place décide de jeter l'éponge, c'était il y a 10 ans en 2009.
Laurent Dumortier , le patron des Editions Chloé des Lys, ne veut pas abandonner l'idée et demande à Christine Brunet de reprendre le concept sous une nouvelle forme (format e-book et papier), un nouveau titre « Les petits papiers de Chloé » et de trouver une équipe fiable et motivée.
Si, au fil des numéros, le nombre d'intervenants et les rubriques ont évolué, le squelette éditorial est solide. L'équipe a, à sa disposition, deux infographistes (Cédric pour la couverture et les illustrations photos et Fralien pour son personnage de Bidou et la mise en page).
Les petits papiers de Cholé possèdent deux illustrateurs de bande-dessinée (Bob Boutique avec Bob le Belge et François Beukels pour Carôttins) mais aussi quatre rédacteurs (Laurent Dumortier pour l'édito, Carine-Laure Desguin, Edmée de Xhavée et Christine Brunet) plus des intervenants épisodiques tels que Cathie Louvet.
Christine Brunet organise en partenariat avec avec son blogwww.aloys.me,des concours littéraires: le ou la gagnante voit son texte publié dans la revue. Autre rubrique, des appels à textes de 600 caractères maximum sur une citation, les dix premiers textes sont publiés.
« Les petits papiers de Chloé », c'est avant tout une vitrine pour les Editions Chloé des Lys, mais tout le monde peut participer à la revue et bien entendu aux concours (et donc être choisi par les lecteurs du blog ). L'équipe qui forme « Les petits papiers de Cholé » est soudée, enthousiaste à la recherche permanente de nouvelles idées pour surprendre ses lecteurs, tout cela bien sûr bénévolement.
Pour ses 20 ans, la revue propose, entre une histoire du livre parfaitement écrite,le grain de sel d'Edmée, la découverte de deux auteurs et de leurs univers , « l’échelle à quatre marches » de la gagnante du dernier concours Antonia ILiescu, la minute de Bob le Belge et « Carôttins » de François Beukels ...
Si vous souhaitez découvrir cette revue originale qui nous vient de Belgique, parfaitement originale, dans un format très pratique, n'hésitez pas à vous renseigner ! Vous serez surpris par les talents qui composent l'équipe rédactionnelle et qui, en prime, propose une revue d'une grande qualité littéraire avec quelques dessins dignes de la bande dessinée belge (même si François Beukels est français !).
De la fenêtre de ma chambre, j'ai vu un type qui ressemblait comme deux gouttes d’H2O au prof de bio, même démarche bancale et trois livres sous le bras gauche tout comme lui, une façon comme une autre de jouer à l’intéressant. D’un pas décidé, il traversait la rue en diagonale. Il ne regardait pas les nuages qui assombrissaient le ciel ni même les jolis visages que ces cumulus formaient et déformaient au gré des souffles et des éternuements d’Eole. La destination du type se précisait. Droit au but. Hélas. Et putain, oui, c'est bien chez moi qu'il se pointait. Et putain, oui, c’était bien le prof de bio. Le temps de penser ça, j'ai entendu les deux coups de sonnette. Ding dong. Dans quelques minutes, ma mère saurait tout, mes absences aux cours, mes derniers résultats scolaires (minables), et puis toutes les conneries qui collent à tout ça, des dégâts collatéraux qu’on appelle ça. Un désastre. Pire, un tsunami. Trop tard pour inventer une stratégie quelconque style lancer une pile de livres sur la tête de l’intrus, ou mieux encore, une télévision ou quelque chose comme ça, un truc très lourd et très volumineux qui aplatirait sa cervelle et l’empêcherait à jamais de me nuire. Après sa visite, faudra assumer et recoller les morceaux. Rien que d’y songer, j’ai senti mes entrailles qui se contorsionnaient. J'ai descendu les marches de l’escalier sur la pointe des pieds (c'était pas si facile, n’ai rien d’une danseuse, moi) et je me suis plantée derrière la porte du living. J'ai entendu du blabla et du blablabla. C'était pas bon du tout. Surtout pour moi. Monsieur Machinchose a quand même dit, Il me semble que du côté artistique, Mado et blablabla et reblablabla. Ma mère a répondu un truc du genre, C'est pas faux ce que vous dites là, elle aime dessiner. Quand Dingo s'est fait écraser par ce chauffard, Mado n'a fait ni une ni deux, elle s'est agenouillée sur le trottoir et a commencé à dessiner avec ses doigts des figures géométriques dans la flaque de sang, le sang de Dingo, vous voyez? Et je vous le répète, avec ses doigts ! Sûr qu'avec une telle description de mes performances artistiques, le prof, il a compris un tas de choses. Et d'ailleurs, il n'a pas fait long feu dans la baraque, il a déguerpi trente secondes après avoir entendu l’histoire du trottoir, du sang de Dingo, et puis de moi et de mes délires psycho-géométriques. Monsieur Machinchose a même ajouté, Ah bon vous ne l’aviez pas énervée dix minutes avant cela, même pas ? Ma mère a pensé que tout cela était bon pour moi et elle a dit, Non non Mado a dessiné tout ça de sa propre initiative, sans aucune influence. Mado était dans son état normal, je vous assure.
Ce soir-là, ma mère n'a pas gueulé. Elle était soucieuse quand elle a fristouillé dans le congélateur et elle a juré quand elle a tourné dans tous les sens les boutons du four à micro-ondes pour réchauffer les lasagnes, comme tous les jeudis soir. Elle m'a dit, Tu dînes ici ? tout en manipulant les lasagnes, les verres et les assiettes. Et puis elle a ajouté comme si elle était obligée de parler, Qu'est-ce que je vais faire de toi à présent? Je savais pas si elle attendait une réponse. Je savais pas si elle me posait la question à moi ou au type qui agitait ses longs bras sur l'écran de la TV (impayée encore à ce jour). Son smarphone a vibré et elle a décroché. J'en ai su un peu plus. Mon prof de bio qui était aussi mon titulaire (ça je le savais), s'était pointé car le courrier envoyé par le bahut était resté sans réponse de sa part. Mado avait des dispositions pour les arts (...) et donc il serait préférable d'envisager une inscription de ce côté-là. Sa copine à l'autre bout du téléphone a sans doute questionné car ma mère a répliqué, Mais si, souviens-toi, je te l'avais dit, quand Dingo a été assassiné par ce chauffard de merde, Mado n'a pas manqué de dessiner des trucs bizarres dans la flaque de sang et c'était d'ailleurs très joli, tellement joli que j’ai tout photographié. Elle a dit aussi, Non rassure-toi je n’ai pas oublié de sauvegarder les photos des dessins ensanglantés sur le trottoir car comme tu dis, on n’sait jamais, de l’art c’est de l’art avec du sang de chien ou sans sang de chien. Le prof a aussi proposé un changement d'air. Comme elle s'entend bien avec m'mam, elle ira quelques mois là-bas. Et m'man, ça lui fera une compagnie. À son âge, c'est très bien, elle se sentira moins seule. Et puis, elle aura quelqu’un pour remonter ses bouteilles de lait de la cave, promener Bart, éteindre la TV puisqu’elle oublie un tas de choses, répondre au courrier, et puis que sais-je moi ? Mado sera là et m’ma aura l’esprit tranquille, c’est qu’elle vieillit à mort de ces temps-ci, à mort je te dis. L'intergénérationnel, c'est tendance, non? La copine a trouvé l'idée super géniale car ma mère a répété, N’est-ce pas que c’est une bonne idée ? Elle a ensuite raccroché et m'a dit, T'as entendu? T’es contente? Te voilà presque libre, un grand pas en avant pour toi ! J'ai pas répondu, je finissais la lasagne et j’avais pas envie de parler la bouche pleine, ça se faisait pas à c’qu’on m’avait dit. Quoique. Après la dernière bouchée mâchonnée pendant une éternité, j'ai dit, C'est très bien comme ça, j'irai chez m'ma demain matin. Puisque de toute façon je suis virée des cours, autant me virer d’ici aussi. Je prendrai la porte, comme on dit. J’ai fixé mon assiette salie par la sauce tomate et puis j’ai demandé, M’ma a toujours son p’tit chien ? Bart, c’est ça ? Question à laquelle ma mère a rétorqué, Fous-moi la paix, tu vois pas que je cherche des trucs sur mon smart, les photos de tes dessins. Avec le sang de Dingo.
C’est lors d’une séance de dédicace dans une librairie du centre-ville de Bruxelles que j’ai rencontré Herman Stoels. Herman Stoels, le genre de lecteur qu’on n’oublie pas. Et d’ailleurs ce nom, Herman Stoels, ne m’était pas inconnu, me semblait-il. Mais j’ai croisé tellement de gens au cours de ces dix dernières années que les méprises et les quiproquos, je ne les compte plus. Ce Stoels tenait sous le bras droit cinq exemplaires de La maison tentaculaire, un livre publié voici huit ou neuf ans déjà et dont j’étais l’auteur. Pour moi, ce livre, un best-seller à l’époque, était déjà vintage. Herman Stoels m’a déposé la pile de livres sous le nez tout en me tendant de la main gauche un stylo. Je n’ai pas posé de question. Il me semblait que je devais obtempérer et que dès lors, le type s’en irait au plus vite. C’est ce que je souhaitais, son départ, car sa tronche me mettait mal à l’aise. La libraire qui supervisait cette séance de dédicace m’a demandé : Tout va bien pour vous monsieur Hervé ? Sans doute elle aussi avait remarqué que cet Herman Stoels n’était pas un lecteur comme un autre. Non pas qu’il était vêtu d’une façon excentrique, que du contraire. Herman Stoels était engoncé dans un costume gris, vieillot, et d’une grande banalité, sans aucune fantaisie. Son visage était cireux, c’était ça qu’on remarquait de suite, ce visage cireux aux traits tendus. Et puis cet air déterminé et robotisé qu’il arborait avait quelque chose d’effrayant. D’où cette question de la libraire. Je lui ai répondu : tout est toujours parfait chez vous, Alexia, si vous pouviez me remplir d’eau pétillante ce grand verre vide devant moi, ce serait plus que parfait. Les quelques lecteurs qui entouraient Herman Stoels ont souri. Pas lui. Il a lâché sur un ton péremptoire : Pour la dédicace inscrivez, Pour Herman Stoels, avenue Léon Blum, 137b, 1040 Bruxelles. Oui, bien volontiers monsieur Stoels et pour la dédicace des quatre autres livres, je…Vous inscrivez la même chose, me coupa-t-il. Il continua : Chaque jour j’analyse deux ou trois pages de votre livre et chaque jour j’apprends des choses au sujet de cette maison. Et puis, ces choses-là, je les vis. Vous me comprenez, j’en suis certain. Car ce livre est loin d’être une fiction. N’est-ce pas, monsieur Claude Hervé ? D’ailleurs, cette adresse, avenue Léon Blum, 137b, à 1040 Bruxelles, c’est une adresse que vous connaissez, n’est-ce pas ? N’est-ce pas, monsieur Claude Hervé ? J’étais concentré sur les dédicaces et plus les secondes s’écoulaient, plus la moiteur de mes mains gênaient le maintien du stylo. Une angoisse m’étreignait, je n’osais plus relever la tête et faire face à cet Herman Stoels. L’histoire de ce livre, La maison tentaculaire …Non, je me trompais, cela était impossible. Tout en dédicaçant le dernier exemplaire destiné à cet Herman Stoels, des images se superposaient, des flashs m’assaillaient. Bien sûr, c’est à ce type que j’avais vendu la maison. Sans doute que ce Stoels percevait mon mal-être, il ricanait d’une façon tellement cynique. D’autres lecteurs attendaient pour une dédicace et certains ne connaissaient pas ce livre plus ancien, La maison tentaculaire. Vous avez encore des exemplaires de La maison tentaculaire ? demanda un gars et ajouta avec humour parce que si cette maison est tellement mystérieuse… Alexia répondit sans hésiter, Non, ce livre est épuisé depuis longtemps ! Alors, monsieur Claude Hervé, la mémoire vous revient-elle à présent ? demanda Stoels. Ce livre n’était pas une fiction, n’est-ce pas ? insista-t-il. Rassurez-vous, je tairai ce que j’ai découvert. Il n’y a que vous et moi qui pouvons comprendre tout cela, n’est-ce pas ? N’est-ce pas monsieur-l’écrivain-aux-multiples-prix-grâce-à-cette-maison-tentaculaire ? Les lecteurs en attente d’une dédicace commençaient à s’impatienter, je percevais comme un mouvement de foule, le ton montait…C’est une mise en scène, cela nous annonce la couleur de votre prochain livre ! s’écria une lectrice très imaginative. Et j’ai entendu des éclats de rire, de larges vagues d’éclats de rire. Alexia rassembla les exemplaires dédicacés de La maison tentaculaire, les mis entre les mains de cet étrange bonhomme et invita discrètement cet Herman Stoels à s’éloigner des autres lecteurs qui applaudissaient de plus en plus fort. Tous avaient crû à cette histoire de mise en scène. Alors j’ai continué tant bien que mal, j’ai surfé sur cette histoire de mise en scène et j’ai lâché, Oui, bingo, il y aura une suite à La maison tentaculaire ! L’écho de ces applaudissements retentissent encore en moi aujourd’hui… J’ai regardé s’éloigner Herman Stoels. Juste avant de quitter la librairie il se retourna et hurla : Les murs n’oublieront jamais et un jour ils crieront la vérité ! Les lecteurs applaudirent de nouveau et Alexia me chuchota : Cette mise en scène était formidable mais la prochaine fois, prévenez-moi. Et sur le ton qu’avait prit Herman Stoels, elle ajouta : N’est-ce pas monsieur Claude Hervé ? N’est-ce pas monsieur Claude Hervé ?