"Une sombre affaire pour l’inspecteur Sidonin", une nouvelle signée Carine-laure Desguin

Publié le par christine brunet /aloys

 

— Madame Belle? Madame Clara Belle, c’est bien ça ?

— Vous avez une excellente mémoire, inspecteur Sidonin, cela me rassure. Encore une fois …

— C’est la troisième fois que vous faites appel à mes services. Lors de notre dernier entretien, nous spéculions au sujet de la couleur verte de vos extra-terrestres, je ne peux oublier une telle précision dans les propos d’un témoin. Vous avez nuancé les verts comme si vous aviez une palette devant les yeux. Vos extra-terrestres étaient verts … comment déjà ?

— Vert quetzal, inspecteur, quetzal, Q.U.E.T.Z.A.L. …

— Oui, bien sûr, bien sûr … Et à part tout cela, madame Belle, votre mari, Sigmund Woody, est toujours psychiatre ? Et votre fille, Pocahontas, a-t-elle définitivement retrouvé la mémoire ? Pour nos lecteurs, madame Belle, car à présent nous sommes suivis comme on le dit de nos jours, pour nos lecteurs donc, qu’ils se régalent en relisant vos aventures dans Aura 122 et Aura 123.

— Nous devenons des vedettes, inspecteur Sidonin !

— Oh, surtout vous, madame Belle, surtout vous. Je vous écoute, racontez-moi ce qui vous tracasse ce matin.

— C’est au sujet de mon mari, inspecteur Sidonin. Je pense que Sigmund devient fou !

— Madame Belle, votre mari, Sigmund Woody, est psychiatre. Moi, je ne suis qu’inspecteur de police …

— Sigmund devient fou, inspecteur. Il est prêt à tout, prêt à commettre l’irréparable.

— L’irréparable, madame Belle ?

— Oui, m’assassiner et aussi, par la même occasion, assassiner certaines de ses patientes ! C’est effroyable, inspecteur Sidonin, croyez-moi !

— Je ne demande que ça, madame Belle, vous croire. Mais vous connaissez la musique si j’ose dire, il me faut des preuves. Des tentatives d’assassinat ont-elles déjà eu lieu ?

— Pas vraiment, mais tout peut arriver, inspecteur ! J’ai peur !

— Je vous écoute, madame Belle, reprenons tout cela dès le début. 

— Eh bien voilà, inspecteur. Depuis quelques semaines, il m’arrive de drôles de choses.

— Par exemple, madame Belle, par exemple.

— Mardi dernier, je me lève et, comme chaque matin, je me dirige vers la cuisine. Sigmund attend au lit sa première tasse de café Nespresso goût caramel.

— Très intéressant jusque là, madame Belle, et ?

— Eh bien, ce n’était plus ma cuisine ! C’était une autre cuisine, une cuisine que je n’avais pas choisie, une cuisine ringarde, une cuisine à deux balles. Et ma machine à café Nespresso s’était métamorphosée en une espèce d’entonnoir crasseux. Je me retourne et …  je vois un vieux poêle crapaud ! Oui, inspecteur, un poêle crapaud ! En fonte !

— En fonte ! Mais c’est du pur vintage, madame Belle, c’est merveilleux, c’est à la mode le vintage ! 

— Sur le poêle une casserole toute cabossée, en fonte également, et dedans mijotait une bouillie qui puait, oh cette odeur inspecteur, cette odeur …

— Autre chose, madame Belle ?

— Oui, inspecteur ! À deux pattes du crapaud, sur une chaise bancale en bois bon marché, une mégère vieillotte engoncée dans des loques noires et mitées. Elle me dit bonjour et me prend pour sa belle-fille ! Mais Sigmund n’a plus sa mère depuis longtemps, inspecteur ! Je ne l’ai moi-même jamais connue ! Vous pensez bien que jamais je n’aurais épousé un homme qui avait une mère ! Je refuse que cette sorcière soit ma belle-mère !

— Calmez-vous, madame Belle, calmez-vous. Continuez donc votre récit.

— Et donc, inspecteur, je suis remontée quatre à quatre dans la chambre et j’ai réveillé Sigmund ! Je lui ai expliqué que la machine à café Nespresso avait disparu ! Qu’il y avait un crapaud en fonte et une bigote archaïque assise sur une chaise ridicule. Je ne lui ai pas dit qu’elle me prenait pour sa belle-fille, vous pensez …

— Continuez, madame Belle, continuez.

— Sigmund a trouvé tout ça presque naturel. Il m’a expliqué que les forces du mal nous jouaient des tours, que nous étions parfois propulsé sur une autre ligne de temps, et que forcément dans ce cas, les machines à café changeaient du tout au tout.

— Il en connaît des choses votre mari, quelle érudition ! Et ?

— Je lui ai rétorqué que ce n’était pas possible de vivre avec une telle angoisse, celle de ne pas retrouver sa machine à café Nespresso. C’est à ce moment-là que Sigmund s’est montré très agressif, inspecteur. Dans sa colère, il a dit que je n’étais pas la première à débiter de tels propos. Depuis plusieurs semaines, ça défilait de tels récits sur son divan de consultation. On lui racontait des histoires de ce genre-là. Les gens se retrouvent dans une autre maison que la leur, dans la même ville mais à une autre époque … Et que lui, Sigmund Woody n’avait qu’une seule solution, éradiquer ces forces du mal ainsi que leurs ombres maléfiques et donc commencer par anéantir les personnes souffrant de ces situations. « Ce qui annihilerait la situation », je reprends ces mots, inspecteur. Je transis, inspecteur, je transis.

— Je comprends madame Belle, je comprends. Mais jusqu’ici, aucun passage à l’acte de la part de votre mari …

— Non, vous avez raison, inspecteur Sidonin. J’aimerais néanmoins que vous allumiez toutes les lumières possibles au sujet de cette sombre affaire. Et surtout, surtout, il s’agirait de retrouver ma machine à café Nespresso, vous comprenez inspecteur ? Inspecteur ? Inspecteur Sidonin ?

 

Carine-Laure Desguin

http://carineldesguin.canalblog.com/

 

 

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J
Un régal, cette histoire. Merci pour l'humour noir, Carine-Laure.
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E
Dialogues de choc comme toujours, entre ces deux-là...
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M
Une sombre affaire, en effet !
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P
Hihi, toujours les mêmes ces deux-là 😀
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A
C'est toujours un plaisir de retrouver l'inspecteur Sidonin et Clara Belle, leurs conversations se dégustent avec bonheur et sans réserves ! 😄
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S
Pense à l'envoyer au service marketing de ladite marque, ils pourraient l'utiliser pour leur prochaine campagne? Suis pas sûre que le beau Georges accepterait le rôle.....
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P
Toujours autant d'imagination sous la casquette ! Bravo Carine-Laure !
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