Olivier Vojetta présente son ouvrage bilingue "Sept endroits où disparaître"/"Disappear"

Publié le par christine brunet /aloys

BIOGRAPHIE COURTE

 

Olivier Vojetta, né en 1976 à Nancy, est un nouvelliste et romancier français vivant à Sydney depuis 2012. Qualifié d’écrivain-voyageur, il met en scène, dans des romans parfois inspirés de fait réels, et dans des textes courts (nouvelles et poèmes), des personnages ayant recours à la fuite, dans le temps ou dans l’espace, pour échapper à leur passé, à la violence, à la pauvreté, et plus souvent encore, à eux-mêmes. Il est l’auteur d’un roman très remarqué, Courir encore (Ed. Maïa, 2020), et sa nouvelle Décalcomanie a été finaliste du Prix Littéraire Alain Decaux de la Francophonie en 2019.

 

 

Court Extrait :

 

CHAQUE JOUR, C’EST la même chose, j’attends ce moment tout en le redoutant.

— Clac !

Le loquet de cuivre lourd qui cède. Les vibrations qui se propagent. La grande porte en fonte qui s’ouvre devant moi.

— Clac !

La porte qui, tout à coup, se ferme dans mon dos. Le bruit qui viole les cavités internes de mes oreilles, le conduit auditif, mon cerveau.

C’est une constante dans ma vie : les portes, le bruit des portes, attendre qu’une porte se ferme avant de pouvoir ouvrir la suivante. Pas un jour ne passe sans que je me glisse entre les portes de ce gros millefeuille de murs, de barbelés et de miradors.

Pourtant, ce matin, tout me paraît plus difficile. Il ne s’agit que de faire quelques pas, mais ce n’est pas simple. Je progresse – lourdement, lentement, presque douloureusement.

— Clac ! Clac !
 

La deuxième porte du sas s’ouvre puis se referme derrière moi, je me retrouve dans un grand couloir obscur, balisé par quelques ampoules jaunasses et néons défaillants postés de loin en loin. Îlots improbables et tremblotants qui diffusent une lumière fantomatique, comme venue d’un temps ancien.

 

 

Résumé

Un écrivain est quelqu’un dont l’obsession première est de faire en sorte que le mot et ce qu’il désigne ne fassent plus qu’un. Il vit toujours dans le fantasme que les mots donnent à la réalité son cadre. Et lorsque l’on a une seule idée en tête, se débarrasser de ses souvenirs d’enfance devenus des embrasements de douleur, noyer cette souffrance sans plaisir ni regret, il n’est pas étonnant que l’on choisisse les mots pour se proposer un autre monde. Les mots font du trapèze, du fauteuil roulant, du youyou sur le fleuve, et bien d’autres choses encore, autrement plus sérieuses. Les mots font vivre les êtres. Et les mots créent un cosmos de substitution qui n’est pas simplement imaginaire. La littérature n’est pas seulement de l’ordre de la fiction. C’est une possibilité d’univers différent, ni au-dessous, ni au-dessus, mais à côté, et dont la légitimité est la même que ce qu’on appelle “la vraie vie”. Celle qui pique, celle où on tombe, où l’on se fait mal. Dans un livre, on peut tomber. Dans un livre, on peut se faire mal. Dans un livre, on peut partir à la guerre. Dans un livre, on peut se faire frapper. Dans un livre, on peut mourir. Dans un livre, on peut même disparaître.

 

Le point commun le plus évident aux nouvelles réunies ici est qu’elles m’ont permis de me soustraire au monde, et à moi-même. Certaines ont été publiées, dans divers recueils collectifs, puis sont devenues introuvables. Conformément à ce que je viens de dire, j’espère qu’elles pourront servir à d’autres que moi. Qui, en effet, n’a jamais eu envie de disparaître au moins une fois dans sa vie ? Disparaître par une trappe qui soudain s’ouvrirait sous les pieds du fauteuil. Pof ! Un trou, une oubliette, rien de plus, rien de moins. Le cliché de la trappe, nous sommes nombreux à y avoir pensé, comme ça serait commode ! Oui mais voilà, dans la vraie vie, cela n’existe pas. C’est, en somme, la raison d’être de cette publication.

Publié dans Présentation

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B
J'ai bien aimé le résumé: les mots ont une mission tellement importante pour celui qui les écrit comme pour celui qui les lit. Quant à disparaître, c'est tentant parfois et je suis certaine aussi que ce souhait nous a tous effleuré un jour.
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E
Oui, disparaître, on y pense tous, pour recommencer "à zéro", mais on n'a jamais commencé tout à fait à zéro, hein? Et disparaître est difficile, sauf pour jouer a peekaboo parfois!
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