Projet « Floda Reltih », une nouvelle signée Carine-Laure Desguin
Projet « Floda Reltih »
Élina et Andréa Paredes s’attendrissent devant la beauté de leur fils Dave, un bambin de quatre ans et demi. Étendu sur le tapis mexicain de l’unique pièce, l’enfant s’amuse avec un camion miniature et des petites voitures de toutes les couleurs. Sa préférée est une voiture blanche sur laquelle on lit « POLICE ». Les vroum-vroum fusent à gogo ainsi que des rafales de bang-bang-bang et puis de pin-pon, pin-pon. Élina s’accroupit, prend une petite voiture et la lance en direction du garçonnet. Celui-ci n’esquisse aucun sourire, il grimace et lève le poing en direction de sa mère. Il remet avec rage tous les jouets dans une grande caisse et d’un pas décidé, il traîne la caisse vers le coin le plus sombre de la pièce. Élina ne réagit pas devant l’étrange comportement du blondinet. Elle s’approche de son compagnon et embrasse celui-ci avec tendresse : « Notre fils est si mignon, ses yeux bleus, ses cheveux d’un blond …, d’un blond … Tu es de mon avis n’est-ce pas ? Andréa ? Andréa ? demande Élina, en même temps sous le charme de son petit garçon et étonnée du silence de son compagnon.
- Lorsque toi et moi nous promenons Dave dans les quartiers de Chelsea, les gens pensent que nous l’avons adopté ou pire encore, que nous l’avons kidnappé, réplique Andréa sur un ton très calme afin de ne pas heurter Élina.
- Pourquoi es-tu si cruel dans tes propos ? Tu regrettes notre choix ? Tu ne voulais quand même pas qu’il soit aussi basané que nous ? Xénophobie, tu as oublié le sens morbide de ce mot ? Et le mot racisme, ça ne te dit rien du tout ? Tu aurais voulu qu’il vive ce que nous deux nous vivons chaque jour depuis notre arrivée, ici, aux States ? réplique-t-elle, larmoyante.
- Si nous étions restés à Tépito …
- Ce maudit quartier de Mexico ! Et tu aurais continué ta contrebande avec tes potes débiles ? Tout ça pour vendre deux kilos de chiffons troués et ramener quatre pesos chaque soir ? Nous sommes venus ici pour une nouvelle vie, une nouvelle vie pour nous et pour notre enfant !
- Élina, calme-toi. Lorsque je prends Dave dans mes bras je me demande s’il est mon fils, s’il est notre fils. Il grandit. Ce regard hostile qu’il nous porte … tu ne remarques rien ? Ouvre donc les yeux, tu te voiles la face ! L’autre jour j’étais nu dans la salle de bain, Dave a pris une éponge et a commencé à me frotter les jambes … il pensait que j’étais sale ! Sale ! Tu comprends, Élina ? Sale ! »
Élina soutient les curieux gestes de son fils, tente même de l’excuser. Elle invoque le jeune âge de Dave et affirme que plus tard, il approuvera les sacrifices de ses parents et qu’il mènera une vie digne et normale. Andréa, pas du tout de cet avis, monte le ton d’une octave. Il est conscient que Dave est de plus en plus blessant, teigneux, hargneux. Le père de famille s’interroge au sujet de ce qu’il s’est passé lorsque lui et Élina ont décidé d’avoir un enfant et qu’ils ont franchi toutes ces étapes hyper-médicalisées vécues avant la naissance de leur fils. Il lui rappelle que tous les deux se sont rendus à Manhattan dans un des laboratoires « Floda Reltih » et que là ils ont accepté que les généticiens procèdent à une modification de leur ADN respectif, ceci afin de choisir le sexe de leur enfant, ses caractéristiques physiques, et bien d’autres critères. Andréa continue la discussion, il veut mettre les choses au point avec Élina : « Il comprendra ? Que comprendra-t-il ? Devra-t-on lui avouer que ses parents ont coché des cases sur un quelconque document et qu’ils se sont laissé triturer leur ADN par cette Floda je-ne-sais-plus-comment dans un laboratoire de Manhattan ? Tout ça pour qu’il soit blond aux yeux bleus ou dans le pire des cas roux aux yeux bleus ou verts, qu’il mesure un mètre quatre-vingts et qu’il n’aime, par un tour de magie génétique, uniquement les femmes ? Il est beau le résultat, nous pouvons être fiers de notre décision ! Et ce n’est que le début, attendons qu’il devienne adulte …
- Tu aurais souhaité qu’il soit gay ?
- Oui ! Il a cassé deux dents à son copain John ! A-t-on coché la bonne case sur le document ou tout cela était-il de la manipulation ? Parce qu’en plus, tout cela a coûté très cher, nous remboursons encore chaque mois cette Floda comment déjà ? Enfin soit ! Et dans New-York nous sommes des centaines à vivre ce calvaire ! Dans vingt ans, ici, les vieux devront porter des lunettes de soleil tellement la jeunesse sera blonde et éclatante.
- Oh ! Andréa !
- Oh ! Andréa ! Tu te justifies en me lâchant ces deux mots : « oh ! Andréa ! » Cette Floda peut se la péter, je l’entends chaque jour dans les pubs à la télé, à la radio, sur tous les réseaux, et même dans des séquences sur You Tube, un véritable matraquage pour tous les cerveaux: « La liberté totale pour les parents, choisissez tout de et pour votre enfant, son sexe, la couleur de sa peau, de ses yeux, de ses cheveux, son caractère … » Choisissez tout de votre enfant, de l’arnaque ce choix, ça oui. Notre ADN est bousillé ainsi que celui de notre enfant et, idiots que nous sommes, tout cela avec notre bénédiction. Cette Floda Reltih, voilà son nom me revient, cette Floda Reltih nous a menés en bateau. Dave est un enfant violent et comment cette fureur aura-t-elle évolué dans dix ans ? Il frappera tout individu qui ne sera pas de son avis ou n’aura pas la couleur de sa peau ?
- Andréa, tu me fais peur. »
Dans l’état d’Alaska, sur l’île d’Akutan, à la même période. Kavik et Amuka Okpik sont en pleine conversation. Eux aussi ont fait appel à un laboratoire « Floda Reltih » et eux aussi restent perplexes devant le comportement plus qu’équivoque de leur enfant : « Nous étions d’accord pour bercer une petite fille, toi et moi. Et nous voilà avec Cupun, et Cupun n’est pas une fille, il a ce quelque chose en plus … Quelle est l’origine de cette erreur, crois-tu ? Avons-nous zappé l’envoi d’un document ? demande Kavik, pensif.
- Je ne comprends pas. L’ordinateur aurait donc buggé au moment de l’envoi des fichiers, répond Amuka, l’air aussi préoccupé que celui de son compagnon. Ce n’est pas grave. Nous l’aimons, notre Cupun, conclut-elle.
- Pour nous c’est anodin, oui. Pour certains couples, le sexe de l’enfant, c’est primordial. Cibler un choix, c’était le but de ces injections, de ces manigances multiples au niveau de notre ADN. Mais tu n’as pas tort mon Amuka. Car ici, au milieu de nulle part, la vie est rude et plus compliquée pour les filles que pour les garçons. Le bateau n’approvisionne notre île qu’une fois par mois. Les filles veulent tout et tout de suite. Dans le cas contraire, elles piquent une crise « Je veux ces chaussures-là et pas celles-ci ! », explique Kavik d’une façon décontractée, histoire d’apaiser la situation.
- Nous avions coché la case « caractère doux », et tu as remarqué le caractère de notre fils. Puisque nous parlons de tout ça et que Cupun s’est endormi … »
Kavik écoute alors le récit d’Amuka. C’est un couple très uni. Leur vie sur l’île n’est pas drôle tous les jours, la rudesse du climat et l’éloignement du continent les ont rapprochés l’un de l’autre au fil des années. Entre eux, il n’y a aucun secret. Amuka raconte alors la désobéissance de Cupun, la veille :
« Hier, il voulait pêcher. J’ai refusé, il faisait trop froid même en plein milieu de l’après-midi. Le soleil était timide, l’air restait glacial. En silence et tout en me narguant d’un regard hautain, il a attrapé le marteau qui était resté sur l’appui de fenêtre, il est sorti et, en se retournant vers moi d’un air qui signifiait « je me fous de ce que tu chantes », il s’est acharné avec une force démentielle à marteler la glace jusqu’à briser celle-ci. Je suis restée à l’intérieur, derrière la fenêtre. J’ai surveillé chacun de ses gestes. Il a pêché un poisson. Et crois-moi, je l’ai bien observé. Il a ciselé le pauvre animal sans prendre la peine de l’assommer comme il te voit le faire, parfois. Il l’a ciselé vivant. Vivant. Oui, vivant, tu as bien entendu. Nous lui avons pourtant enseigné le respect de la nature et des animaux. Je me questionne et me demande si vraiment, nous avons eu une bonne idée de passer la porte de ce laboratoire. Choisir tout de son enfant, cocher des options comme si nous décidions des accessoires pour l’achat d’une nouvelle voiture, de sa couleur ou de la marque de ses pneus. Cocher des cases pour le physique et le caractère de notre enfant, comme c’est regrettable. Notre ADN a été manipulé. Qu’en est-il exactement à long terme des conséquences sur notre santé et de celle de notre enfant ? Dans moins d’un siècle tous les habitants de notre belle planète bleue, si ces laboratoires le décident, se ressembleront trait pour trait. D’après les statistiques, septante pour cent des parents cochent les mêmes cases, ou presque. L’enfant préféré est blond aux yeux bleus et soi-disant docile. Des parents portent plainte, ils avaient coché bien autre chose. Et toutes ces pubs à la télé qui nous repassent à n’en plus finir des images de couples heureux promenant un enfant souriant, c’est du pipeau, continue-t-elle, dépitée par la situation. Notre Cupun n’est jamais content de rien, il déchire les livres, cisèle les poissons, bousille les ordinateurs et il n’a pas encore cinq ans. Je me demande ce que nous ferons de lui. Travailler comme nous dans une usine de traitement de poissons, j’en doute. Si ça continue, lorsqu’il aura quinze ans, lui et ses copains mettront notre belle île sens dessus dessous. Je pense que les Johnson et les Cooper sont eux aussi passés par les laboratoires « Floda Reltih », j’ai entendu une conversation la semaine dernière en allant rechercher Cupun à l’école.
- Et ? demande Kavik, impatient de connaître la réponse d’Amuka.
- Les enfants ont le sexe demandé.
- Tout est parfait alors. Mais encore ? Je devine que tu ne me dis pas tout …
- Les enfants sont violents … La fille des Johnson est une vraie tigresse. On leur avait promis à eux aussi un enfant « docile ». Tout ça, c’est flippant, mon coeur. Comment seront les enfants de nos enfants ?
- Nous sommes impuissants devant de tels dégâts. Je suis effondré d’apprendre tout ça. »
Sur les chaînes des télés du monde entier et ce plusieurs fois par vingt-quatre heures, Floda Reltih dilue sa propagande tout en affichant un large sourire. De l’Australie en Allemagne en passant par les États-Unis, « la scientifique du siècle » comme on la surnomme désormais, informe la population mondiale des progrès continus du génie génétique. Ses promesses d’un enfant parfait et conforme aux caractéristiques demandées intéressent un nombre croissant de parents, le concept cartonne plus que jamais. La plupart des maladies sont éradiquées, celles provoquant des handicaps physiques et puis, toutes les autres qui empoisonnent la vie de tellement de familles. Pour les sécurités sociales de tous les pays, c’est une économie quasiment indéchiffrable. Des milliards sont dès lors réinjectés dans la recherche génétique et tout spécialement au sein des laboratoires « Floda Reltih », qui à ce jour se comptent au nombre d’une cinquantaine, dispersés aux quatre coins de la planète.
Les parents dont l’enfant ne répond pas aux critères demandés tentent de porter plainte. En vain. Les plaintes sont avortées, faute de preuve. En effet, les documents étant numériques, il est facile aux laboratoires de trafiquer tous les dossiers, voire même les évacuer via la poubelle virtuelle. Un règlement plus soutenu en faveur des futurs dossiers n’est même pas envisagé. Les laboratoires « Floda Reltih » mènent la barque et les gouvernements capitulent face à cette toute puissance financière. Des associations sont créées, les parents mécontents se regroupent et évaluent tant bien que mal le nombre de « dérapages ». Il est mis en évidence que plus de mille enfants sont nés blonds aux yeux bleus alors que ces deux caractéristiques n’avaient pas été souhaitées. Mais ce chiffre serait largement sous-évalué. Pour le caractère agressif non demandé également, aucun chiffre n’est ressorti vu le manque d’objectivité de certains parents et la difficulté à évaluer l’état d’agressivité chez un enfant.
Des communautés reconnues comme par exemple celle de la LGBTQIA+ commencent à s’intéresser au problème, entraînant dans leur sillage les services d’égalité des chances ainsi qu’entre autres, divers groupements féministes. Les politiques européens de gauche s’insurgent, les laboratoires « Floda Reltih » seraient financés par des groupes d’extrême-droite, néonazis et dès lors antisémites. Et la preuve en serait l’émergence d’enfants blonds aux yeux bleus, signe indéniable d’une revendication flagrante pour une résurgence de la race aryenne. Dans le dark web ainsi que dans les médias alternatifs, des bruits circulent au sujet des origines de Floda Reltih. Qui est-elle vraiment ? Qui est cette généticienne de génie ? Pourquoi voici six ans à peine Floda Reltih était encore une parfaite inconnue ? Aujourd’hui, les fillettes veulent lui ressembler à tout prix et posséder la poupée « Floda Reltih ». Pour les garçons, Floda Reltih est la femme idéale, elle évince toutes les autres …
Dans son loft bruxellois, Tobias Cornélis est nerveux, il lutte contre lui-même. Il se refuse d’entamer cette bouteille de whisky, toutes ses capacités de réflexion doivent être maintenues à cent pour cent. L’éminent généticien ne cesse de s’interroger, « pourquoi bon Dieu j’ai accepté de rencontrer ce type, Otto Mancini ? Je ne le connaissais même pas, c’était pour moi un parfait inconnu. L’appât du gain et la possibilité de poursuivre mes invraisemblables travaux expérimentaux ont vaincu mon sens des responsabilités. Je me déteste. » Pour s’éviter des ruminations stériles, il ouvre son ordinateur et tente de focaliser sur l’un ou l’autre dossier. À ce moment précis son portable se met à vibrer, l’expéditeur est anonyme : ses comptes ouverts dans plusieurs paradis fiscaux sont approvisionnés, il doit poursuivre le contrat, il atteint le but. Il est obligé de détruire cet appareil et d’en racheter un autre, comme à chaque communication. Il est pisté et ne doit pas s’inquiéter. On le retrouvera où qu’il aille.
Tobias Cornélis se revoit à ce rendez-vous, voici cinq ans à peine, dans un hôtel de la capitale européenne. Pour ce scientifique de haut vol, chaque opportunité de rassembler des fonds pour ses recherches présentes et futures vaut la peine d’être étudiée, et les premières propositions de cet Otto Mancini ne sont pas à négliger, elles sont mêmes inespérées. Son premier contact avec Otto Mancini ? D’abord un mail des plus banal et puis une énigmatique conversation par GSM, rien de rassurant. Jusqu’à ce soir-là, quand les deux hommes se rencontrent dans le bar d’un hôtel bruxellois. Otto explique à Tobias Cornélis qu’il représente une société secrète brassant des milliards de milliards de dollars : « L’organisation à laquelle j’appartiens, la société « Tarbunia », vous ne la connaissez pas. Moi-même j’ignore qui, du haut de la pyramide, tire les ficelles de cette gigantesque organisation. Ce nom étrange, Tarbunia, n’apparaît jamais dans les médias mainstream, inutile que vous perdiez votre temps dans des recherches, elles seront vaines. Vous, Tobias Cornélis, vous êtes à ce jour le scientifique le plus brillant de la planète. Dans vos laboratoires bruxellois vous avez réalisé des travaux inestimables, extraordinaires. La double hélice de la molécule de l’ADN, le génome de ces deux brins antiparallèles, tout cela n’a plus aucun secret pour vous. Ne me dites pas le contraire, vous êtes bien trop modeste mon cher Tobias. Nous ne l’ignorons pas, très bientôt, des maladies seront éradiquées grâce à vous. N’est-ce pas ?
- Une taupe dans mes équipes ? s’inquiète Cornélis.
- Ne vous inquiétez pas pour ces futilités, Tobias. Voilà, je vous propose un contrat mirobolant, vous entendez, mirobolant.
- Ah oui ? Et à combien s’élèvera-t-il ?
- C’est vous qui le déterminerez. Un milliard. Deux milliards. Vous déciderez.
- Incroyable tout ça, incroyable. Votre organisation …
- Je ne peux rien vous dire de plus.
- Qu’attendez-vous de moi ?
- C’était la question à poser, Tobias. »
Otto Mancini ne quitte pas des yeux ceux de Tobias Cornélis. Il se montre sûr de lui, il est certain que le scientifique signera à deux mains le contrat annoncé : « Nous savons donc que vous avez poussé vos recherches bien plus loin que ce que vous en dites dans les revues soi-disant scientifiques. Vous voulez éradiquer encore plus de maladies. Nous vous comprenons mais …
- Mais ?
- Il n’y a pas que les maladies qu’il faut anéantir … Tous ces gens sont tellement violents, il faudrait qu’ils soient plus dociles, non ? Ou carrément remplis d’une hostilité inqualifiable … Que les hommes soient de vrais mecs et les femmes … vous me suivez ? Les jeunes d’aujourd’hui hésitent sur tout et sur rien, même quand il s’agit de leur sexe ! Un mec est un mec et une femme est une femme, ça ne se discute pas ! Et puis bien trop d’enfants naissent sur cette planète, il faut réguler tout ça.
- C’est ignoble ce que vous me demandez, ignoble !
- L’argent, Tobias, pensez à tout cet argent ! Vous rendrez la planète plus propre. Il n’y aura plus de violence, plus de guerre, vous songez à ça ? Un homme docile ne se bat pas, ou si peu … Disons que le combat continuera, le plus fort contre le plus faible, la formule idéale pour provoquer le chaos.
- Et puis, si la race humaine pouvait avoir un épiderme … plus blanc, vous comprenez ?
- Vous m’écoeurez !
- Vos milliards, Tobias, pensez à vos milliards, vous salivez déjà, je le pressens … La société étant capable d’éliminer tout individu trop brillant, nous avons décidé de vous protéger et nous vous proposons ceci : vous serez « remplacé » par un robot muni d’une intelligence artificielle excellentissime dont vous tiendrez les commandes. Cette technologie, vous la manipulez déjà, nous le savons. Les médias ne connaîtront que ce robot, robot qui se nommera Floda Reltih. De temps en temps donnons de l’importance à la femme, Tobias, n’est-ce pas ? »
Tobias Cornélis reste figé devant ces propos ignobles qui font fi de toute éthique, de toute règle morale. Il lâche : « Floda Reltih, pourquoi ces nom et prénom ? J’ai zappé quelque chose ?
- Mon cher Cornélis, je vous croyais plus perspicace, vous me décevez, réplique Otto Mancini sur un ton sec et outrecuidant, ne laissant aucun doute sur son envie de domination. C’est l’anagramme d’une personnalité inoubliable. Je ne le nommerai pas ! Cornélis, réveillez-vous !»
Tobias Cornélis finit par l’entamer, cette bouteille de whisky. Il allume la télé. Sur tous les chaînes, à intervalles réguliers, des séquences affichent des pubs pour les laboratoires « Floda Reltih ».
Floda Reltih, c’est également son œuvre. Le premier robot muni d’une intelligence artificielle et d’une plastique si parfaites qu’il semble humain. Aujourd’hui Tobias Cornélis ne contrôle plus rien. L’élève a dépassé son maître.
L’éminent scientifique se verse de nouveau un verre de whisky et lit le dernier message envoyé par un pion ou l’autre de la société secrète Tarbunia :
« Vous atteignez le but, monsieur Cornélis, bravo. À présent, éliminez tous les embryons non conformes. Tous. Rendez-vous prochainement pour l’étape suivante. Floda Reltih vous remercie. »
Carine-Laure Desguin
http://carineldesguin.