Ani Sedent nous propose en avant-première le prologue de son dernier ouvrage à paraître "Les oiseaux de pierre"
Quand tout serait fini, que les historiens consigneraient les méfaits de cette poignée de mages qui, aveuglés par le mirage des séquences athaumiques, déclenchèrent les guerres magiques, qu’ils décriraient chaque embrasement et leurs lots de malheurs, qu’ils égraineraient les trêves, toujours trop courtes, et feraient le décompte des victimes, toujours trop nombreuses, rapporteraient-ils ce moment charnière ? cette nuit où l’équilibre fut rétabli, quelque part dans les Lithiks, parmi ses pics d’obsidienne et ses vents hurlants ? cette nuit où le mal cela son destin ?
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Cette nuit-là, loin de songer à ce que les historiens rapporteraient dans leurs manuels, le petit mage pensait que, décidément, simuler son trépas n’était pas chose aisée, surtout si son public incluait un revenant. Quand on improvisait le rôle de cadavre, on ne pouvait espérer pire critique. Sa prestation devait pourtant être convaincante puisque son état mortifère semblait faire l’unanimité chez ses agresseurs. Gésir au sol, les yeux fermés par d’affreux cocards, le front et le menton barbouillés de sang, aidait bien sûr au réalisme de la prestation. Il faut dire que ces monstres ne l’avaient guère épargné avant de le laisser pour mort.
Tout en réfléchissant, il écoutait leurs pas râcler la pierre autour de lui alors qu’ils fouillaient son atelier et emportaient notes et artefacts avec toute la finesse attendue de créatures nées de la magie noire.
Oh ! il savait qui était derrière cette infâmie.
Bien qu’il soit considéré comme un original, parfois méprisé, souvent ignoré, qu’il fréquentât peu ses confrères et certainement pas les idiots qui mettaient les domaines à feu et à sang pour satisfaire leur vanité, il avait compris, dès le premier acte, qui était l’auteur de cette mauvaise pièce. Il l’avait un jour considéré comme un ami, et quand s’était enfin dissipé le brouillard d’illusion qui floutait la vraie nature de leur relation il était trop tard, il avait déjà commencé à lui parler de ses travaux.
Ce ne pouvait être que lui, le mal personnifié aux mensonges travestis en paroles onctueuses, celui qui avait prôné l’usage des séquences athaumiques, les présentant comme l’avenir de la magie. Le seul qui n’avait jamais été celui qu’il semblait être : Arcadius !
Prologue de : Chroniques de l’Invisible – Les oiseaux de pierre