Acte 1 concours "Fureur de lire, fureur d'écrire" - Texte 1
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MANON ET MAXENCE
Un livre, c'est un vent de fraîcheur qui souffle sur la vie de Manon, c'est l'opportunité de voir s'éloigner les problèmes, d'ignorer les disputes assez fréquentes entre ses parents. Les seuls objets qu'elle ait volés ce sont des livres abandonnés sur un banc, sur un muret, sur un siège, dans un bus ou dans un parc. Les seuls objets qui la poussent à se rendre dans un magasin de seconde main ce sont les livres, car elle espère y dénicher des ouvrages anciens et des recueils de poèmes peu connus. Les livres ce sont les moyens d'évasion qu'elle utilise le plus volontiers. Quand sa mère l'appelle pour effectuer une corvée, il lui arrive de s'enfermer quelques minutes dans les toilettes avec un opuscule de poésie comme le faisait son grand-père avec le journal. Elle se nourrit ainsi de belles phrases et d'inattendues métaphores qu'elle laisse infuser en elle avant d'affronter le travail. Apprendre et mémoriser, se laisser émouvoir et demeurer émue un bon bout de temps, picorer ici et là des pensées et des formules audacieuses, vivre davantage grâce aux livres. Voilà la principale manière dont est pimentée l'existence de Manon, adolescente de seize ans. Elle se laisse séduire par des quatrièmes de couverture aguicheuses qui lui promettent par exemple de voyager dans des contrées reculées et fabuleuses en compagnie de héros parfois malchanceux, parfois audacieux, parfois fantastiques, parfois encore matérialistes. Il peut y être aussi bien question de galaxies fort lointaines, de vaisseaux spatiaux que de chercheurs de trésors ayant traversé des siècles passés, de princesses, de voleurs, de tueurs en série, de saints. Pour en savoir plus, il lui faut évidemment feuilleter, avant de lire et de découvrir petit à petit, avec la gourmandise d'un gourmet face à des plats préparés par de grands chefs. Manon préfère la fiction et les livres d'histoire, elle ne consulte le plus souvent des ouvrages de science et de philosophie qu'en cas de nécessité.
Depuis quelque temps, Manon fréquente souvent la bibliothèque communale. C'est là qu'elle a fait la connaissance de Maxence, un nouvel employé. Maxence écoute les usagers, les conseille, les aiguille. Pour Manon, il transforme quelquefois un coin calme de la bibliothèque situé à deux pas de la réserve en une scène de théâtre. Il se fait aguicheur, accrocheur, persuasif. Quand il en a l'occasion, il lit là certains passages assez obscurs d'ouvrages ignorés du grand public. Il entraîne Manon sur des territoires inconnus, il la conduit à la rencontre de nouveaux auteurs, il la guide même dans l'écriture du journal intime qu'elle commence à tenir. Maxence n'est pas avare de conseils quand elle lui en demande. Le temps file agréablement en sa compagnie. C'est du temps gagné parce que Maxence ouvre des portes, celles du surnaturel et de l'étrange aussi bien que celles des avancées scientifiques.
Il gagne la confiance de Manon et au fil des semaines naît entre eux une sorte d'amitié. Un jour, il l'invite à prendre un café dans un établissement du quartier et lui confie qu'elle ressemble très fort à sa petite sœur décédée dans un accident de la route. Elle comprend que c'est ainsi qu'il se plaît à prendre soin d'elle. Maxence semble aussi avoir perçu quelque chose de ses fragilités liées à l'ambiance familiale qui se dessine avec des hauts et des bas, même s'il fait preuve de beaucoup de tact lorsqu'elle évoque le sujet.
Dernièrement, Maxence a révélé à Manon qu'il s'était lancé dans l'écriture d'un roman historique et qu'il avait lui aussi tenu durant son enfance et son adolescence un journal intime ce qui l'avait aidé à affiner son style. Manon est curieuse de lire la quatrième de couverture du roman de Maxence… Plus tard, se dit-elle, comme lui elle s'engagera peut-être dans l'écriture d'un récit et connaîtra les dessous de la narration.