Acte 4 : texte 3
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Ciel, Rue du Paradis, 9 avril 2025
Bonjour monsieur l’écrivain,
Ou peut-être devrais-je dire « Hello papa », car c’est vous (toi ? on se tutoie ?) qui m’avez fait naitre. Je sais que sans vous, je n’existerais pas, mais avouez que faire mourir son héros dès le début de son histoire n’est pas courant ! Avez-vous pensé à la peine de mes parents et à celle de ma petite sœur ?
Je sais que je n’ai pas été prudent et que si j’avais écouté ma mère, je serais encore de ce monde, mais j’étais un ado plein de vie et j’ai oublié toute prudence en roulant sur un skate-board en pleine circulation. Mais est-ce que je méritais de mourir comme ça ?
Et puis, m’envoyer par-dessus les nuages, seul, c’était une punition ? Qu’est-ce que je me suis ennuyé là-bas ! Je regardais la terre de là-haut et j’avais envie de réagir à tout ce que je voyais. Ma famille, mes amis, tous en larmes autour de mon cercueil ! Vous avez brisé leur cœur et c’est ce que je vous reproche le plus. En avez-vous un seulement ?
Vous avez ensuite eu la bonne idée de me renvoyer sur la terre, non, ce n’était pas une résurrection corps et âme (vous n’auriez pas osé), mais vous m’avez confié une mission : aider les gens proches de la mort à passer de l’autre côté. J’étais invisible pour le commun des mortels, mais les gens prêts à passer l’arme à gauche me voyaient, me croyaient vivant et je leur ai été d’une grande aide (ça, je vous l’accorde, j’ai adouci leurs derniers moments), mais…
Mais vous m’avez fait rencontrer Ornella, l’amour de ma vie, atteinte de la mucoviscidose et donc incurable. Jamais je n’avais été amoureux avant et nous n’avions aucun avenir. Si seulement vous aviez permis qu’on se retrouve un jour au milieu des nuages, mais non, votre empathie ne va pas jusque-là !
Et puis, pour me briser le cœur encore plus si c’était possible, vous avez mis un petit garçon extraordinaire sur ma route. Jamais je ne pourrai l’oublier. Amir était tellement mûr pour son âge, toujours souriant, courageux et…malade. On ne peut pas dire que vous faites dans la dentelle ! Vous aimez bien appuyer là où ça fait mal !
Grâce à vous - il faut bien que je dise toute la vérité - j’ai rencontré des gens extraordinaires, des gens merveilleux, des gens qui souffraient et j’ai pris beaucoup de plaisir à les accompagner jusqu’à leur mort en essayant de la rendre la plus paisible possible. Mais, à côté de ça, je vous en veux, sans doute plus de m’avoir envoyé ad patres, mais de m’avoir appris à aimer des gens pour les perdre aussi vite ! Tout ça pour quoi ? Pour que je grimpe sur l’échelle de la spiritualité ou…pour arracher des larmes aux lecteurs ?
Ensuite, comme si ça ne suffisait pas, vous avez écrit un deuxième tome et rebelote, me voilà en train de rencontrer des gens (je n’oublierai jamais André, le SDF au cœur tendre) que je devais aider à rester sur terre le plus longtemps possible. Ma mission avait quelque peu changé.
Et pour poser la cerise sur le gâteau, vous m’avez affublé d’un stagiaire : Gaëtan Duporc (vous n’avez pas trouvé mieux comme patronyme ?), un type qui avait vécu une « vie de merde » selon lui (ou selon vous) et qui devait maintenant aider les autres à vivre mieux ! Ce n’était pas gagné… !
Finalement, là où je suis maintenant, je suis bien et c’est quand même à toi que je le dois (ben oui, tu es mon père, on peut se tutoyer).
Allez, à la revoyure, je t’attends…