Concours Acte 4 : texte 4
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Misérable auteure, …
Ça commençait bien !
Je secouai la lettre dans un inutile réflexe, pour en faire tomber les relents de mécontentement que je sentais poindre dans ces deux mots. Étonnée, j’avais trouvé ce pli orné de mon seul nom, un peu plus tôt, égaré sur un coin de table, alors que je déjeunais, un livre à la main, d’une miche bien croustillante et d’un bout de fromage. Je l’avais ignoré, le temps de terminer ma miche, mon café et mon chapitre.
…Moi qui ai pris tous les risques pour vous complaire. Moi qui, pour vous, ai affronté tous les dangers, comment avez-vous pu me faire ça ?
J’avais évidemment fini par laisser libre cours à ma curiosité. Pourtant, j’aurais dû me méfier en faisant sauter le sceau qui donnait à la maudite missive des airs de cyclope malfaisant.
Comment avez-vous pu m’oublier, me laisser végéter dans ce premier tome, …
Qu’est-ce que c’était que cette lettre de cinglé ? Je tournai le papier dans l’espoir, sans doute, de découvrir au verso une réponse à ma question. N’y trouvant rien, je repris ma lecture inquiète à l’idée qu’un fan dérangé se soit introduit chez moi.
…alors que tant d’autres, dont certains beaucoup moins courageux que moi, ont eu droit à quelques lignes dans chacune de vos productions ? Moi, je n’ai eu droit à rien ! Pas un seul mot ! Pas même une vague évocation de mon existence ! Quedal ! Nada !
Mais enfin ! qui pouvait bien m’écrire de telles absurdités ? Je cherchai à me rappeler mon premier roman, tentant frénétiquement de découvrir à quel personnage mon zozo faisait allusion. Songeant, enfin, à baisser les yeux sur la signature, je découvris un nom vaguement familier. Un nom qui n’était, effectivement, apparu qu’une seule fois dans mon premier roman ; un nom cité au détour d’une conversation entre mes personnages principaux.
Sachez, Madame, que vos actes m’ont profondément blessé ! C’est pourquoi, je vous adresse ce pli ; prenez-le comme l’expression de mon mécontentement…
Je n’avais pas remarqué !
…et de mon refus d’être traité comme une vieille chaussette !
N’importe quoi ! Une vieille chaussette n’aurait pas la langue aussi bien pendue !
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, à ce moment, je fus plus étonnée d’avoir pu mettre autant de personnalité dans ce spectre de PNJ* que par la situation dans laquelle je me trouvais.
Ceci est donc un pli de protestation qu’il est dans votre intérêt de prendre au sérieux ! Vu la manière dont vous maltraitez vos personnages dans chaque histoire que vous pondez, il ne devrait pas être trop difficile de les convaincre de se tourner les pouces.
Bien que certaine de n’avoir jamais créé de syndicaliste atrabilaire, je commençai à m’inquiéter. Était-ce possible ? Ce pli avait-il réellement été écrit par un de mes personnages ?
Ceci est également un pli de revendication, car ne croyez pas que je vais continuer à vous laissez m’ignorer !
Oublier aurait mieux convenu, mais s’il cherchait mon attention, il l’avait trouvée.
Primo, j’exige que vous me donniez enfin un rôle intéressant dans votre prochain livre.
Exige…
Deuzio, je veux occuper, au moins, trois cinq pages recto/verso ! À vous de répartir mes apparitions IMPORTANTES où vous le souhaiterez.
Ah ! J’aurai quand même le droit de faire mon job !
Et enfin, tertio, je veux que ma présence soit au cœur de votre histoire ! Si vous ne sacrifiez pas à ces exigences, je mettrai la menace susmentionnée en action !
Alors, c’était comme ça !? Môssieur voulait un grand rôle. Bien ! il allait l’avoir. Mon nouveau livre était presqu’achevé, il ne me restait plus qu’à en taper le titre. Tous mes personnages seraient heureux d’enfin mettre un nom sur celui qui leur avait causé tant de chagrin !
Je m’installai derrière mon ordinateur, entrai dans mon fichier, fit d’infimes modifications et tapai sur la première page, restée blanche jusque-là, : MORT D’UN TERRORISTE
Sur ce, je retournai boire un bon café !
*PNJ : personnage non joueur, dans les jeux vidéo.