Hugues Draye et son journal de bord !

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

 

 

facteur (1)

 

journal de bord, mercredi 23 janvier 2013
  
Il se pourrait que, dans les jours, les s'maines qui suivent, j'aie droit, sur ma tournée de facteur, à avoir un accompagnateur qui (tout en ayant un regard extérieur) pourrait réaliser, dans la pratique, à quel point mon parcours quotidien (avec mon caddy, mes lettres), est anormalement long, proportionnellement aux heures où je suis sensé prester.

Bon. ON verra bien.

Je ne m'attends même pas à un miracle.
Je sais que, même avec la meilleure volonté du monde, ma méthode de travail est loin d'être la plus efficace.
Mais ... j'estime qu'elle se tient, aussi.

Oui, j'effectue pratiquement chaque jour dix heures au lieu de huit.

Ah, on peut toujours me dire : "Vous vous attardez trop avec vos clients !"
Ah, on peut toujours me dire : "Comment se fait-il que les collègues qui vous remplacent effectuent le même parcours en moins de temps ?"
Ah, on peut toujours me dire : "Le temps que vous passez à accepter les cafés qu'on vous propose, dans les bistrots où vous êtes le facteur, ça joue, Monsieur Draye !"

Que d'hypothèses ... logiques !

Oui, je m'attarde volontiers, parfois, avec des clients. Forcément, à ces moments-là, le temps ne décide pas de prendre une pause, rien que pour moi.
Je pourrais, par souci de rentrer le plus possible dans les temps, décider de dire "non" à toutes les sollicitations. Je parie que pas mal de collègues optent pour cette solution (certains en souffrent, d'autres non).
Quand j'observe, d'une manière un peu plus objective, plus analytique, le temps "réel" que je pourrais passer en tournée, sans flâner, sans parler avec les clients, en accélérant mon pas, je ne suis même pas sûr que je rentrerais dans les temps. La configuration du parcours, elle-même, me pose question. Je risquerais de fatiguer mon coeur, de tomber dans les pommes. Alors, au prix où, quoi que je fasse, le résultat n'est même pas garanti, je préfère me respecter, quand au temps passé avec les clients (et Dieu sait si pas mal de rencontres, au quotidien, me procurent aussi l'énergie de continuer, d'être motivé dans mon travail), final'ment, à l'arrivée, je ne suis pas en retard de beaucoup et ... je tiens encore le coup.

Quand à mes collègues qui me remplacent ponctuellement et qui effectuent la tournée en moins de temps que moi ...

Là, j'approuve l'argument.

Je ne suis même pas certain de trouver la réponse à ça.

Juste des hypothèses ...

D'abord, il suffit que le facteur remplaçant ait, naturell'ment, un rythme de marche plus rapide que moi. Il existe effectivement des gens qui, pour accomplir leur boulot, ont b'soin d'avancer rapidement (sans être speedés pour autant). Que voulez-vous : les êtres humains ne sont pas tous constitués, biologiquement, chromosomiquement, de la même manière !

OU alors, il effectue la tournée dans un sens différent du mien. OK OK. Ainsi, il démarre peut-être tout en haut, Place Fernand Cocq. J'imagine donc, en toute logique, qu'il prend le bus, Place Flagey, qu'il attend deux arrêts et qu'ainsi, il démarre. Ca tient la route, en effet. Mais quand j'observe, en pratique : j'imagine qu'alors, le facteur remplaçant travaille encore avec la sacoche sur la poitrine ou, éventuellement, le caddy à deux roues. Je conçois. Mais, en ce qui me concerne, je travaille avec un caddy à quatre roues (que pas mal regardent comme ... une poussette), je me vois mal rentrer dans les transports en commun avec cet engin. Donc, en respectant le parcours règlementairement, moi, je démarre depuis le bas de la Place Flagey, ça m'évite les transports en commun, et le caddy à quatre roues a un côté "tout terrain" qui m'évite les problèmes quand il faut traverser les bordures ou quand il faut s'arrêter quelque part dans une côte (oui, mon caddy a des freins). Y a des années que j'ai abandonné la sacoche sur la poitrine (mes difficultés respiratoires, liées à mon asthme, en sont la cause). Alors, oui, en f'sant ce choix (pour des raisons de sécurité), je prends plus de temps qu'un autre.

Ah, un autre détail, plus classique, mais tout aussi réaliste : quand je reprends le boulot (après une semaine de relâche), je rencontre pas mal de clients qui se plaignent du travail effectué en mon absence. D'abord, dans plus d'un immeuble, on me raconte que le facteur s'est contenté de déposer tout un paquet de lettres au dessus des boîtes. Ensuite, on me dit que le remplaçant dépose des avis (lors de recommandés à présenter) sans sonner (alors que le client est chez lui, à ce moment-là). D'accord, je n'étais pas là pour vérifier ce qui se tramait vraiment. D'accord, y a la mauvaise foi éventuelle des clients. D'accord, y a des parlophones qui ne fonctionnent pas. D'accord, y a des gens dont la voix est inaudible au parlophone, y compris quand on tend l'oreille. Mais, si je retourne les argumentations ici posées, elles restent crédibles. Le temps qu'un remplaçant ne consacre pas à présenter ses recommandés, à laisser les lettres au d'ssus des boîtes, évidemment c'est du bonus pour lui. Quand j'effectue ma tournée, c'est vrai, je m'astreins à présenter chaque jour mes recommandés (même quand j'en ai plus de quarante), sauf l'un ou l'autre pour qui, un jour ou l'autre, il est préférable de le représenter le lendemain. Et ça prend du temps.
 
Quant au café que j'accepte volontiers ...
 
OUi, ça m'arrive. Ah, on peut me tomber d'ssus rien que pour ce détail. C'est pas prévu sur mon plan de parcours. Les chefs, en haut, pourraient sauter sur ce simple détail et n'en faire qu'une bouchée. OK OK. D'un autre côté, heureus'ment qu'avec le temps de parcours que je dois assumer chaque jour (par tous les temps, en plus), je m'autorise à accepter ce genre de faveur (preuve de l'estime du client envers son facteur, évidemment). Mais ... je pose une question : sans accuser, sans juger le boulot des collègues, suis-je réell'ment plus dans le rouge que ceux/celles qui s'attardent plus longtemps dans certains bistrots, s'enfilent plus d'une bière (c'est leur choix !), mais ... rentrent dans les temps ? (donc : causent moins de problèmes !)
 
Maint'nant, y a peut-être encore une autre raison qui m'échappe.

Je suis prêt à être accompagné. Même si le rapport final, avec tous les points observés et analysés, ne sont pas en ma faveur. Même si je suis conscient que l'actuel "Géoroute 5", dans notre bureau, sera tôt ou tard remplacé par un "Géoroute 6", avec encore des tournées en moins, des parcours encore rallongés. Même si je suis conscient que la "machine infernale" ne s'arrêtera probablement pas. Soyons réalistes ! Ceci dit, ce n'est pas une raison, à mon sens, pour capituler (c'est pas dans mon tempérament). En étant accompagné, je saurai de manière un peu plus claire comment, encore, à l'avenir, je pourrai rectifier le tir.

Oui, je suis encore motivé.

Oui, j'aime profondément mon boulot.

 

Hugues Draye

www.myspace.fr/huguesdraye

H.draye

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M
<br /> Bien fait. Souriant pour ne pas dire drôle :)<br />
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C
<br /> <br /> "Oui, je m'attarde volontiers,<br /> parfois, avec des clients. Forcément, à ces moments-là, le temps ne décide pas de prendre une pause, rien que pour moi."<br /> <br /> <br /> Et revoilà Hugues et son journal plein d'humour au second degré et de cynisme aussi, parfois.<br /> Oh que j'aimerais que le temps fasse une pause rien que pour moi! <br />
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