journal de bord, samedi 9 novembre 2013
Le ciel bleu, les nuages blancs de l'autre côté de la fenêtre, c'était pas trop tôt.
Oui, l'impulsion de sortir du lit, de mordre dans la vie à pleins bras, ça me prend déjà vers huit heures du matin. Mais, après une dernière semaine au boulot, je suis encore ... plus que claqué. Faut que je récupère, bien entendu. Plutôt que de croire que je loupe une journée de soleil, eh bien, je décide de le laisser entrer dans mes yeux, dans mon cœur, ce soleil, pendant que ma gueule de bois refuse de quitter les draps (que j'ai changés la semaine dernière, enfin).
Mmmmm. Que dire ? Qu'ajouter ?
Il était temps. Plus que temps.
Non seulement les heures supplémentaires que je me tape, sur ma tournée de facteur, mais le reste aussi : les revers difficiles dans mon quotidien, un état d'essoufflement (quand la fatigue s'en va) qui va croissant, les épaules qui lâchent, le cou qui a son mot à dire ...
Y a deux jours, au boulot ...
On me fait la remarque suivante : "Comme tu seras en congé quinze jours, il faut que ta place soit propre pour celui qui va te remplacer, parce que les remplaçants, ils n'ont pas facile !"
J'écoute. J'en prends bonne note. Et je décide, effectivement, en toute conscience, de faire le nécessaire, le dernier vendredi, quand je serai rentré de tournée, afin que le "remplaçant" travaille dans les meilleures conditions du monde.
Ceci dit, au fil des secondes, des minutes, des heures qui passent, quand cette remarque (qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd) me revient, je me rends compte que je râle quand même un peu ... beaucoup. D'accord, d'accord, le remplaçant n'a pas facile. Mais je pourrais aussi dire que, lorsque je réintègre le boulot, après un certain nombre de jours de congés (ou d'absences justifiées), que je retrouve aussi un certain "bordel" à l'endroit où je trie tous les matins : parfois, je ne tombe plus sur mon caddy, les "refeelbacks" (de mon caddy) s'envolent, les feuilles prévues pour que je scanne les recommandés (et d'autres paquets) se sont envolées au diable vauvert, et je dois passer parfois un temps interminable pour trouver un chef, lui expliquer la situation, et je n'ai pas forcément de répondant, non plus.
Mais voilà, chacun fait son possible, et nous ne sommes jamais que des humains.
C'est pas tout.
Une autre remarque d'une des chefs, à mon égard : "L'autre jour, tu as remis 18 recommandés avec la mention A REPRESENTER, et ça ne va pas, on n'est pas tenus d'aller deux fois chez le même client", suivi de "Faut penser au remplaçant". J'étais quand même assez sonné. Je me suis surpris à répondre : "Je serais curieux de savoir chez quels clients j'ai mis la mention A REPRESENTER, car je ne suis pas du genre à faire n'importe quoi, c'est toujours quand je connais le client"
Mais mon argumentation ne passait pas, j'avais manifestement contourné le règlement de la nouvelle poste. Si un client n'est pas là, faut mettre "absent". S'il s'agit d'un commerce fermé le jour où le recommandé est présenté, eh bien, le client en question n'a qu'à signaler son problème à la poste, ce n'est pas le problème du facteur. OK, OK.
Ce qui me fait aussi extrêmement râler dans cet exemple-là, c'est que, quand j'y réfléchis, ça ne colle pas. Je suis plutôt du genre à passer chez tous les clients, du premier jusqu'au dernier. Eh oui ! Plutôt que de rentrer vers 14h30/15 heures (ce qui correspond, légalement, aux heures de fin de mon boulot), si je termine seulement (avec les cinq kilomètres que représente ma tournée) vers 16/16 heures 30 (parfois plus), c'est notamment parce que je prends la peine d'aller visiter (pour : recommandés, paquets "P", colis) tous mes clients (y compris ceux/celles que, bien souvent, je me passerais de voir). Que je prends sur moi, que j'accomplis, dans la mesure du possible, chacune de mes tâches assignées, pas à pas. Alors ?
Oui, bien sûr, il arrive que, dans certains cas ponctuels, je fasse représenter le recommandé le jour suivant. Mais ... m'en attribuer "18" pour le même jour, j'aimerais bien revoir ça.
Et même si je l'ai fait un jour, je râle quand même. Moi qui fais mon boulot au jour le jour en respectant mes directives, il faut qu'on me tombe dessus pour un instant ponctuel où j'aurais pratiqué un peu autrement.
Maintenant, je me ravise aussi ...
Au milieu de la semaine, dans les ailes du bureau, y a eu des explications, des révoltes, menées (à juste titre) par des délégués syndicaux. De fait, un jour, on n'a presque pas de boulot. Le lendemain, on a le double ou le triple. Y a une cohésion dans l'organisation qui doit être revue. Y a que maintenant, l'heure prévue (pour les facteurs) pour démarrer, le matin, n'est plus 6 heures 36 mais 7 heures. Y a que, au service de nuit, le nombre de trieurs est en dessous du nombre souhaité (donc : il reste encore des bacs à trier pour les facteurs). Y a que, devant toute cette série d'emmerdes quotidiennes, des délégués syndicaux sont venus dans le bureau, que ça a discuté ferme, et que, forcément, nos chefs (au quotidien) ont sûrement reçu des consignes.
Et dans cet enchevêtrement de situations, à partir du moment où, sur les lieux de ma tournée, l'un ou l'autre petit détail (hélas assez voyant) qui ne va pas se remarque chez moi, je deviens, en tout seigneur tout honneur, une cible appropriée. Mais je me console : je ne suis sûrement pas le seul chez qui ça arrive.
Et les quinze jours de congé (les derniers, cette année) qui me restent vont me permettre de voir plus clair.
Hugues Draye
https://www.facebook.com/hugues.draye