Journal de bord... Hugues Draye...
journal de bord, samedi 20 octobre 2012
"Le chef, c'est le chef !"
En ces termes (très carrés), mon frère m'a souvent parlé, quand nous étions ... ados. Faut dire : à quatorze ans, déjà, il travaillait, les week-ends, dans le cadre de ses études, dans des restos, dans des hôtels. Forcément, il en a rencontré, des chefs (des sympas, des moins sympas, des tyranniques) et il essayait de se retrouver dans ce bordel.
"Le chef, c'est le chef !"
Faut reconnaître : y a une part de vrai, dans ce slogan, contre lequel je me bats quand même, la plupart du temps.
"Le chef, c'est le chef !"
Tiens, j'ai encore une anecdote à raconter.
Le chef principal de mon boulot (qui va d'ailleurs partir dans deux s'maines) s'amène près de moi (j'étais en train de trier mon courrier, sur mon espace), GSM à l'oreille, en pleine conversation. Pendant ce temps, il alterne et me dit, de vive voix : "Y a eu une plainte au 298 chaussée d'Ixelles". Le temps que je me concentre un peu, je tente de lui dire : "Oui, lle client de cette maison ...", mais voilà, il ne semble plus écouter, tant il semble absorbé par la communication du gars, à l'autre bout de son GSM, qui, j'imagine, développe sa plainte.
Mais le chef reste là. Il continue (pendant sa communication) à me regarder dans le blanc des yeux, afin que je lui donne une réponse, le plus rapid'ment possible. J'aime pas ça. Parler à quelqu'un (qui parle en même temps à quelqu'un d'autre), ça a le don d'épuiser mes nerfs. Mais bon, il insiste, le chef, il en a sans doute l'habitude.
Voilà, je trouve une argumentation correcte. J'étais parfait'ment au courant du changement d'adresse, trois semaines auparavant, j'en avais eu la nouvelle, je l'avais enregistrée. Mais voilà : par la suite, dans les deux semaines qui ont suivi, j'ai été malade (j'ai du demander une semaine) et j'ai ensuite eu une semaine de 4/5ème, donc c'est le facteur relmplaçant qui, en toute logique, a commis les gaffes.
Le chef, qui ne pard pas le nord, en profite donc, tout en alternant sa communication téléphonique avec le plaignant, à fouiller, sur mon emplacement, pendant que je travaille, pour pointer le numéro de boîte du plaignant, à fouiller, oui, parmi toutes les lettres que j'ai déjà classées (à cet endroit), pour voir si il n'y aurait éventuell'ment pas une erreur sur laquelle il pourrait mettre le doigt.
Oh, que je n'aime pas ça !
Je vis cet instant comme une intrusion. Ca me fout les boules. Mais ... jusqu'où puis-je me révolter ?
Quand le chef a raccroché, je lui montre, sur mon emplacement, l'endroit précis où je dépose les lettres qui doivent être expédiées à une nouvelle adresse. Et il s'en va.
Le pire, c'est que je ne suis jamais certain, lorsque je m'exprime, lorsque je réponds, lorsque je prends la peine d'expliquer ce qui se passe (oui qui s'est passé), d'être vraiment entendu, écouté. Mais bon, je me trompe peut-être. Mais bon, mon état de stress facilite peut-être ma perception.
Quelques jours plus tard ...
Au bureau, pendant qu'on trie, le chef, comme tous les matins, fait sa ronde et va dire bonjour à tous les facteurs. Evidemment, je n'échappe pas à la règle. A peine m'a-t-il serré la main qu'il entre à nouveau dans le territoire où je trie et se dirige ... vers l'endroit où je dépose les lettres que je compte réexpédier aux adresses des gens qui ont effectué un changement d'adresse (tiens, il s'est tout à fait souvenu, tiens, il a noté ce que je lui avais dit), et s'apprête à refouiller (évidemment, il ne trouve aucune pièce à conviction et il s'en va aussi vite qu'il n'est arrivé).
Je vais éclater.
C'est dur de se sentir fouillé, suspecté, inspecté. De quel droit, bordel ? Est-ce que je me permets, moi, d'aller dans son bureau et de fouiller dans ses papelards ?
"Le chef, c'est le chef !", me resservirait, sans doute, mon frère.
J'arrive pas à intégrer ce genre de slogan. En quoi est-il plus haut que moi, dans l'absolu, ce chef ? Non, pas d'accord. Il exerce une fonction déterminée, qui a sa place dans l'entreprise. Et contribue à l'ordre dans cette même entreprise. Quant aux facteurs, ils exercent aussi une place déterminée dans cette entreprise, ils contribuent aussi, par leur action (eux qui, chaque jours, sont sur le terrain) à l'ordre de l'entreprise.
Alors ?
Le chef, de par sa fonction, a certains droits, oui.
Mais ... venir comme ça, rentrer sans demander la permission dans le territoire des facteurs, à mes yeux, c'est de l'irrespect, c'est de l'intrusion.
Et je me demande encore si, compte tenu de ses droits, il agit règlementairement lorsqu'il procède de la sorte.
Je ne tarderai pas à m'informer.
Hugues Draye