Jour de pluie, une nouvelle de Claude Colson
Jour de pluie.
Comme elle se levait, elle alla à la fenêtre, tira le rideau et, bien qu’encore à demi endormie, elle ne sut réprimer une moue de dégoût. La pluie s’écrasait en larges gouttes qui, poussées par le vent, cinglaient la vitre en un bruit que modulait la violence des rafales. C’est ce qui l’avait réveillée.
La journée ne s’annonçait pas bien. Elle avait juste le temps de se préparer, de s’habiller et à dix heures le notaire l’attendait, elle et ses frères, pour la lecture du testament de leur père.
C’était incontournable et cela la révulsait. Elle n’avait que faire de ces formalités, de l’argent, tout comme du reste de sa famille.
Mais le vieux l’avait désignée exécutrice testamentaire et à ce titre le notaire lui avait fait savoir que sa présence était requise lors de l’ouverture.
Elle sortit donc, en maugréant contre son géniteur et sa dernière blague, douteuse à son goût.
La pluie diluvienne avait chassé toute âme des rues et tournoyait sa furie autour des bouches d’égout avant de s’y engouffrer. Le flot brunâtre dévalait les pentes, emportant de menus objets, et çà et là escaladait les trottoirs pour venir mourir aux marches des portes d’entrée. Parfois il parvenait à s’insinuer par les soupiraux et alors il envahissait
les caves.
Merde, se dit-elle, le taxi que j’ai commandé ne sera pas à l’heure. Ça va me faire rater le rendez-vous.
Le vent chargé d’eau lui mordait le visage et ses vêtements dégoulinaient, piteux ; de vraies loques. Elle commençait à songer qu’elle n’était plus guère présentable.
Il y a longtemps que son parapluie, retourné, s’était transformé en faisceau de ferraille inutile, et de rage elle le jeta derrière elle tout en essayant de préserver ses chaussures de l’eau omniprésente en restant tant bien que mal au plus haut du trottoir. Echevelée, elle devait avoir l’air d’une sorcière. Jamais elle n’aurait dû sortir.
« Mireille, mais que fais-tu dehors par un temps pareil ? »
Elle se retourna et vit avec délice Ronan, son premier amour, qui avait d’une main empêché le parapluie de le gifler et de l’autre lui offrait le secours, afin de la pousser dans le camion de pompiers tout proche et dont la tempête lui avait masqué l’approche.
Pleurant encore de rage, mais de moins en moins, elle se pelotonna contre la poitrine rassurante de Ronan, à présent bien à l’abri sur le siège.
Soudain et contre toute attente la vie devenait très belle.
Au diable le vieux et merde pour mes frères et cet abruti de notaire, pensa t’elle.
« C’est toi, Ronan, je ne t’avais pas reconnu. »……
Claude Colson
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