L’acquittement de compère vent, une fable de Claude Danze
L’acquittement de compère Vent – Fable.
De ma fenêtre ouverte arrive un Vent nouveau
Qui d’un souffle inconnu m’apporte sa détresse :
Il vient de détrôner d’un chêne la maîtresse
Et voudrait sans tarder me faire son bourreau.
Je lui refuse en clair de lui ôter la vie :
Cela ne sa fait point de condamner un frère.
« Devant un tribunal, je veux qu’on te défère.
Le chêne moribond enverra sa partie. »
Notre affaire se joue entre gens d’intention :
Le juge est le Hibou, qui de sa correction
Nous prie de nous taire et d’écouter le Maître :
Le merle Beau Parleur - il nous faut bien l’admettre –
Tient de la Rhétorique un art de bien parler
Qu’au service des causes il se doit bien d’user.
Quand enfin il s’apaise en son manteau de sage,
Que le défilé long de témoins sans crédit,
S’est écoulé enfin du goulot qui s’ouvrit,
Maître Héron s’avance et commence d’usage :
« Monsieur le Président et Messieurs les Jurés,
En ce jour mémorable où il revint d’exil,
Comme Dieu le voulut au prix de maints périls,
Notre compère Vent se dut mal mesurer :
Vous ne l’ignorez point qu’il est bien malaisé
De parcourir les airs et d’y être emporté. »
« Dans la joie de revoir le pays de ses pères,
Je trouve légitime et même justifié
Qu’un enfant ne se soit qu’infîmement défié
Alors qu’il survola des pays plus austères.
Sans doute oublia-t-il dans son emportement
Qu’un chêne se trouvât en cet emplacement. »
« Attardons-nous un brin sur ce que fut le fait.
Notre compère Vent, emporté de liesse
Bouscula sans la voir du chêne la maîtresse.
Il entendit le cri mais le crime était fait.
Auprès du moribond il s’affaira, en vain :
Le chêne séculaire avait perdu la main. »
« Qui peut-on accuser dans l’affaire présente ?
L’exil de notre Vent ? La joie de la détente ?
L’effort du dernier bond, la présence du chêne ?
Ou… du merle Parleur l’ineffable rengaine ?
Car s’il siffle beaucoup, il ne parle que trop,
Comme à son habitude il dissipait les mots. »
Vous avez étourdi notre compère Vent
Qui avait oublié depuis aussi longtemps
Que les mots quelquefois sont de fâcheux trompeurs.
A vous, mes chers Jurés, d’être de beaux jugeurs.
Claude Danze