La pendule des quatre cents jours, une nouvelle de Raymonde Malengreau
LA PENDULE DES QUATRE CENTS JOURS
Pour me remercier d’avoir dépensé beaucoup de sous chez eux, une firme de vente par correspondance, bien connue sur la place comme le veut l’expression consacrée, m’a offert une pendule des quatre cents jours, avec description, mode d’emploi, garantie mais pas la pile de un volt et demi.
Je l’ai installée sur une archelle de bois sombre où elle fait le meilleur effet.
Elle est haute d’une vingtaine de centimètres et chapeautée d’un globe en plastique véritable, posé sur un socle rond à bord double.
Ce globe a dû être fabriqué en série car, si je le touche du doigt, juste au-dessus, je sens comme un petit nombril qui devait le relier à son frère jumeau.
Comme il est fortement recommandé de ne pas toucher au mécanisme, fragile, paraît-il, laissons donc l’horloge sous sa bulle.
Elle est jolie, cette pendule.
Son écran, blanc et rond, orné de chiffres romains, est ceint d’un liseré doré
- à l’or fin, qu’ils disent- et surmonté d’un fronton, hybride entre le feston simple et le blason héraldique.
Le boîtier repose sur deux colonnes cannelées fixées au socle.
Quatre sphères dorées pivotent en silence. Leur rotation entraîne les aiguilles noires qui se déplacent avec un bruit sec et spasmodique d’insecte rhumatisant.
La pendule des quatre cents jours durera beaucoup plus longtemps que promis, j’en suis sûre.
Elle travaille quelques heures puis se met en vacances.
Elle reprend du service dans la soirée ou…une quinzaine plus tard, c’est selon.
Jamais je n’ai compris ce qui l’incitait à fonctionner ou à s’arrêter.
Elle a donc une particularité qui la rend unique à mes yeux ; quand elle marche, elle n’indique jamais l’heure exacte.
Jamais.
Raymonde Malengreau