Le voyage du lapin bleu, un nouveau conte de Jean Destrée
LE VOYAGE DU LAPIN BLEU
Les vacances d'automne étaient arrivées. Elles venaient à point après les chaleurs de l'été. Lapin bleu aurait bien aimé partir en voyage comme certains de ses camarades d'école, mais papa et maman n'étaient pas assez riches pour s'en aller au soleil avec leurs six petits et Lapin bleu se morfondait. Oh! Bien sûr, il pouvait jouer dans la cour avec ses frères et sœurs. Il trouvait qu'à la longue, les jeux devenaient monotones.
Une après-midi alors qu'il se promenait, il rencontra son ami le Chat qui le trouva bien triste.
Oh oui! Je m'ennuie, je ne vois jamais que les mêmes têtes. C'est lassant à la fin.
Pourquoi ne vas-tu pas te promener? Voyage, cela te changera les idées.
Comment veux-tu que je partes, tu sais bien qu'on n'est pas riche chez moi. Je ne suis pas tout seul à la maison. Je ne peux pas laisser les autres.
Tu devrais en parler à la cigogne qui monte la garde sur le toit de l'école. Elle est bien gentille et je suis à peu près sûr qu'elle fera quelque chose pour t'aider.
Le lendemain, Lapin bleu épia la cigogne. Il s'arrangea pour la croiser pendant qu'elle faisait ses courses.
- Tiens! Lapin bleu! Comment vas-tu ? dit la cigogne.
- Pas très bien, Madame, répondit le lapin. Ce sont les vacances et je m'ennuie. J'aimerais bien partir en voyage, mais je n'ai pas de sous.
En as-tu parlé à tes parents?
Non. Je n'oserais pas. Que diraient les autres ?
Écoute-moi bien. Après-demain, je dois partir en Afrique dans ma famille. Veux-tu venir avec moi ?
Oh oui ! Madame. Vous êtes bien bonne.
Attends ! Ne t'emballe pas trop vite. Je vais trouver tes parents. Si tu es bien sage, je leur demanderai s'ils sont d'accord pour que tu m'accompagnes.
Je ne sais pas s'ils accepteront.
Nous verrons bien, on peut toujours essayer.
Le lendemain, comme elle l'avait promis, la cigogne vint trouver les parents Lapin et leur proposa d'emmener leur petit Lapin bleu. Ils hésitèrent un peu. L’Afrique, c'est loin, n'est-ce pas ? Mais ils se laissèrent convaincre par la gentillesse de la cigogne.
- Soyez bien prudents, dit la maman.
Le jour tant attendu était arrivé. À peine le soleil s'était-il levé que la cigogne vint frapper chez Lapin qui était debout depuis longtemps. Il avait mal dormi tant il était impatient de partir.
- Allons, dit la cigogne, il est temps. Nous avons une longue étape aujourd'hui.
Le chat, qui épiait derrière la haie du jardin, vint saluer son ami.
- Fais bon voyage. Regarde bien partout pour voir le plus de choses possible.
- Allez! Vite! Dit la cigogne. Grimpe sur mon dos et accroche-toi à mon cou. C'est l'heure. Nous partons.
Lapin bleu embrassa une dernière fois toute sa famille puis, la cigogne, replia ses longues jambes et le lapin sauta sur son dos. Ils s'envolèrent.
Ils montaient lentement. Lapin bleu regardait vers le bas mais il eut beaucoup de peine à se reconnaître. Vu du ciel, tout est tellement différent. La maison devenait de plus en plus petite ; ses parents, ses frères, ses sœurs, son ami le chat n'étaient plus que de tout petits points noirs qui bien vite disparurent. Il ne vit plus rien.
Flap, flap, flap faisaient les ailes de la cigogne. Zzziih, zzziih, zzziih chantait le vent à ses oreilles. Lapin bleu voulut se pencher. Très loin en bas, les champs, les bois, les prés, les villages défilaient si lentement. Il eut peur de tomber et serra un peu plus fort le cou de la cigogne.
- Eh ! doucement ! dit-elle, tu m'étouffes.
Ils voyagèrent longtemps, longtemps. Le jour baissait. Lapin bleu s'endormit.
- Je vais m'arrêter, dit la Cigogne, il fera bientôt nuit. Tiens-toi bien, je descends.
Piquant comme un avion, elle fonça vers le sol qui se rapprocha rapidement. Lapin bleu frissonna de peur et se cramponna au cou de la Cigogne. Il aperçut pourtant un tout petit étang qui, à mesure qu'ils descendaient, s'agrandit pour devenir un grand lac au bord duquel ils se posèrent.
Ça va? s'enquit la Cigogne.
Oui, ça va mieux. J'ai mal aux pattes et je commence à avoir froid.
Va te dégourdir mais méfie-toi, les bords du lac sont très marécageux. Ne t'éloigne pas trop.
Lapin bleu sautilla dans l'herbe et s'approcha du bord. Il s'arrêta soudain: les hautes herbes frémissaient. Il en sortit un animal tout roux un peu plus gros que lui.
- Qui es-tu toi? Demanda le roux. Je ne t'ai jamais vu ici. Comme tu es drôle, tout bleu comme ça.
Et il se mit à rire aux éclats.
Je m'appelle Lapin Bleu, répondit celui-ci un peu confus. Je suis venu avec la Cigogne. Et toi, qui es-tu? Tu ressembles à un gros rat.
Bien vu ! Tu as raison, je m'appelle Rat musqué. Je vis dans ma maison en-dessous de l'eau. Veux-tu la visiter?
Oh! Non merci. La Cigogne m'a dit que les bords du lac étaient dangereux. Je ne sais pas nager.
Dans ce cas, ne reste pas ici, tu pourrais te noyer
Et Lapin bleu s'en alla, pensant que ce rat tout roux n'était pas très aimable. La Cigogne l'attendait.
Vite! Viens voir!
Des centaines de flamants roses, perchés sur une seule patte, attendaient le signal du chef.
Ouac!Ouac!Ouac ! Fit le chef de sa voix la plus forte.
Tous en même temps les flamants prirent leur envol dans un assourdissant claquement d'ailes. Effrayé par le bruit, Lapin bleu se blottit contre la Cigogne. À ce moment, Rat musqué sortit de l'eau, trempé et furieux.
Ils ne peuvent donc faire attention, ces sauvages, Ils viennent de détruire ma maison.
Les remous que l'envol des flamants roses avaient provoqués avaient arraché les branchages du nid de Rat musqué. Ils flottaient sur le lac.
Bah ! Tu seras quitte pour te construire une nouvelle maison, dit la Cigogne sans rire.
Rat musqué s'en alla, maugréant contre ces grands oiseaux dénués de respect pour les autres.
Le soleil était maintenant couché. La Cigogne avait découvert un petit coin tranquille. Elle s'y installa avec lapin bleu pour y passer la nuit. Ils dormirent longtemps, car le soleil était déjà bien haut dans le ciel quand ils s'éveillèrent.
Oh là là ! Dit la Cigogne. Il est tard. Dépêchons- nous. Nous devons traverser la mer. Mais avant, je voudrais te montrer la région. Elle s'appelle la Camargue. On y élève des chevaux et des taureaux de combat, comme en Espagne.
Très vite, ils prirent leur petit déjeuner puis, avec Lapin bleu accroché à son cou, la Cigogne qui volait très bas, fit le tour du lac, survolant les immenses prairies qui l'entouraient. Lapin bleu, les yeux grands-ouverts, observait les troupeaux de chevaux et de taureaux qui paissaient tranquillement, gardés par de grands chiens et surveillés par des cavaliers aux larges chapeaux qu'on appelle « gardians ».
Qu'en penses-tu ? Lui demanda la Cigogne.
C'est beau. J'aimerais bien vivre ici, il y a beaucoup d'espace pour jouer. C'est autre chose que chez nous. Les villes sont dangereuses, il y a beaucoup de circulation. Par ici, c'est le calme et puis il y a le soleil.
Allons ! Continua-t-elle, si nous tardons trop, nous serons obligés de faire une escale de plus, en Sicile et ce sera une demi-journée de perdue.
Au revoir, la Camargue, dit Lapin, À bientôt.
La Cigogne mit le cap vers le Sud. La traversée de la Méditerranée fut longue. Pendant des heures et des heures, ils survolèrent la mer à perte de vue. Heureusement un petit vent du nord les poussa vers l'Afrique et il faisait encore jour quand ils atterrirent sur la côte tunisienne.
Ouf! dit la Cigogne, je suis fatiguée et j'ai faim.
Moi aussi, répondit Lapin bleu. Dommage qu'il n'y ait pas beaucoup d'herbe dans le coin.
Nos deux amis partirent à la recherche d'un peu de nourriture. Lapin bleu, qui avait découvert un peu d'herbe sèche, grignotait sans trop se préoccuper de ce qui se passait autour de lui.
Ne bouge pas! Cria soudain la Cigogne.
Et avant que le Lapin eut le temps de réagir, elle s'était précipitée, bec en avant et d'un coup sec, coupa en deux un scorpion jaune qui se préparait à attaquer Lapin bleu.
Eh bien! tu l'as échappé belle, dit la Cigogne en montrant le scorpion mort au petit lapin qui se mit à trembler très fort.
Allons-nous-en, dit-il, c'est un pays dangereux.
Le lendemain, après une bonne nuit, ils partirent très tôt pour traverser le désert du Sahara. Ce n'était que du sable, des cailloux, des blocs de pierre. Ils survolèrent le Hoggar où ils croisèrent des nomades. Ils rattrapèrent une caravane qui s'approchait d'une oasis.
- Arrêtons-nous pour boire un coup, cela fera du bien.
Du ciel, l'oasis ressemblait à une grosse tache verte au milieu du sable jaune. Ils se posèrent à l'orée de la palmeraie, tout près d'un puits où poussait une bonne herbe douce. Un troupeau de dromadaires, que les gens appellent «méharis», broutaient dans une grande prairie bordée de palmiers.
Nos deux amis savouraient le calme du soir quand un léger grattement les tira de leur demi-sommeil. Un animal à grandes oreilles et aussi roux que Rat musqué mais deux fois plus gros sortit des hautes herbes et s'approcha doucement presque sans faire de bruit. La Cigogne tourna la tête tandis que Lapin bleu se soulevait pour mieux voir le nouvel arrivant.
Tiens ! Qui voilà! s'exclama la Cigogne. Bonsoir Fennec, Je te présente Lapin bleu, mon compagnon de voyage. Lui, c'est mon ami Fennec, le renard du désert.
Tu es bien joli, dit gentiment Lapin bleu, mais tu as les oreilles plus grandes que celles de mon ami le renard de chez nous. Tu manges aussi des poules?
Non, répondit Fennec en souriant. Ici, il n'y a pas beaucoup de poules. Elles sont bien cachées. Je mange des sauterelles et des petits rats.
Ce n'est pas grand-chose.
Pas du tout. Ici les sauterelles sont très grosses. Viens voir, je vais te montrer.
Fennec entraîna Lapin bleu près d'un grand palmier. Ils parlèrent longtemps et Lapin bleu apprit comment Fennec faisait pour attraper les sauterelles. Puis ils revinrent vers la Cigogne qu'ils trouvèrent endormie. Le lendemain, la Cigogne et Lapin bleu quittèrent l'oasis, laissant Fennec tout triste de laisser partir son ami. Mais celui-ci lui promit de repasser le voir au retour.
La dernière étape fut plus courte et nos amis arrivèrent alors qu'il faisait encore grand jour sue les rives du Niger, un des trois grands fleuves d'Afrique. Ils le suivirent un petit moment puis la Cigogne décrivit un grand cercle et atterrit près d'un petit lac formé par un des bras du fleuve.
C'est ici, dit-elle en déposant le lapin.
Ouf, dit celui-ci. Je suis content d'être arrivé, j'ai des fourmis dans les pattes.
Tous deux firent un brin de toilette et la Cigogne emmena son ami sur une petite colline qui dominait le fleuve. C'est là qu'habitaient ses grands-parents. Elle venait les voir chaque année parce qu'ils étaient trop vieux pour faire le voyage vers l'Europe. Grand-père cigogne, qui était très myope, s'approcha si près de Lapin bleu pour le voir que celui-ci sauta de côté, ce qui fit rire la grand-mère. Tout le monde s'esclaffa.
Ha ! Ha ! Ha ! S'exclama Grand-père, quand j'étais jeune, je suis allé souvent dans ton pays et j'ai vu beaucoup de petits lapins mais je n'ai jamais rencontré un beau petit lapin bleu comme toi.
Lapin bleu ne savait pas s'il devait rire des paroles du grand-père qu'il trouvait si comique avec ses grosses lunettes d'écailles. Il se souvenait que maman lui avait bien recommandé d'être très poli chez les gens. Un moment donné, il n'écouta plus la conversation, car son attention était attirée par une colonne de fumée ou de poussière qui s'élevait bien au-dessus des hautes herbes de la brousse. Il regarda bien attentivement.
Regardez, cria-t-il, regardez, il y a le feu!
Les autres se retournèrent et se mirent à rire.
Mais non, il n'y a pas le feu. Ce n'est rien, ce ne sont que les éléphants qui viennent faire leur toilette dans le lac. Ils font ça tous les soirs.
Oh! Je veux voir! Je veux voir! S'exclama Lapin.
Tu verras mieux d'ici, répondit la grand-mère. Là-bas, c'est trop dangereux, tu pourrais être écrasé. Ce sont de grosses bêtes.
Des coups sourds résonnèrent; c'étaient les éléphants. Conduits par le chef du troupeau, ils descendaient vers le lac en martelant le sol de leurs grosses pattes. Boum! Boum ! Boum!Boum ! Ils émergèrent lentement des hautes herbes et se laissèrent glisser dans l'eau boueuse du bord. C'était extra- ordinaire à voir et Lapin bleu n'avait pas assez de ses deux yeux pour regarder. Les grosses bêtes provoquaient d'énormes remous dans l'eau. Avec leur trompe, les éléphants aspiraient l'eau et la soufflaient sur leurs voisins. HHHFFFTTT ! CCHHHH ! HHHFFFTTT ! CCHHHHH ! Faisaient-ils. En les voyant faire, Lapin bleu riait aux éclats. Il se souviendrait longtemps du bain des éléphants.
Tu vois, commenta la Cigogne, l'éléphant est très propre. Il fait sa toilette chaque soir pour se débarrasser des insectes collés à sa peau. Ainsi les petites bestioles ne l'empêchent pas de dormir.
La fête continua jusqu'à ce que le soleil fût sur le point de se coucher. À ce moment, le chef poussa un énorme barrissement et sortit de l'eau, suivi de tous les autres. Tout le monde partit comme il était venu. Longtemps on entendit les pas lourds s'éloigner dans la brousse. Maintenant, le soleil était couché. La Cigogne prit congé de ses grands-parents et emmena le Lapin bleu.
Allons au village, dit-elle. C'est là que j'ai mon lit sur le toit de la maison du chef. Nous y passerons la nuit.
Il approchèrent du village. Le tam-tam résonna.
Tiens! Que se passe-t-il? se demanda-t-elle. Ce n'est pas normal que le tam-tam se mette à battre à cette heure-ci. Il a dû se passer quelque chose. Pressons-nous.
Quand ils débouchèrent sur la place du village, ils virent des gens réunis autour d'un grand feu. Le tam-tam battit plus fort et les gens se mirent à danser en levant les bras bien haut et en formant un grand cercle. Soudain le tam-tam cessa et le chef sortit de sa case et grimpa sur une sorte d'estrade pour prendre la parole.
Mes amis, il vient d'arriver une chose extraordinaire. Notre amie la Cigogne est revenue et elle a amené avec elle un animal fabuleux que personne n'a jamais vu par ici. C'est un lapin bleu. Ils sont là.
La cigogne serra un peu plus Lapin bleu contre elle de crainte qu'on ne l'écrasât quand les gens le verraient. Ils furent pourtant vite repérés.
Ils sont ici, cria un petit garçon qui attendait derrière la case du chef.
La foule jusqu'alors très calme se précipita vers l'endroit indiqué par le petit garçon, mais, plus rapide, la Cigogne serrant Lapin bleu entre ses pattes, s'envola pour se poser sur le toit de la case du chef.
Descendez, dit le chef, venez près de moi sur l'estrade. N'ayez pas peur.
La Cigogne et Lapin bleu prirent place près du chef.
Que l'on danse en leur honneur, dit le chef.
Alors les tam-tams reprirent à battre de plus belle, les gens se mirent à danser autour du feu en chantant:
Un lapin bleu est venu, regardez comme il est beau
Un lapin bleu est venu, c'est un grand jour pour nous.
Lapin bleu était heureux comme il ne l'avait jamais été. Il allait pouvoir en raconter des choses quand il serait rentré en Europe. La Cigogne était si contente qu'elle aussi se mit à chanter, pendant que Lapin bleu applaudissait de toutes ses forces. C'était une très belle fête. Mais comme les plus belles choses ont une fin et qu'il était tard, la Cigogne prit congé et, prenant Lapin bleu sur son dos, elle s'envola jusqu'au-dessus de la case où elle avait son nid.
Ils furent réveillés par des petits cris. Lapin bleu sortit du nid et se trouva nez à nez avec un étrange animal qui le salua en faisant des grimaces. D'abord inquiet, Lapin se mit enfin à rire devant les mimiques de l'animal aux grands yeux et à la longue queue qui s'enroulait autour du nid de la Cigogne.
N'aie pas peur, dit le comique, je ne ferai pas de mal. Je m'appelle Ouistiti, je suis un singe et si tu veux, je te ferai visiter la foret. Et toi, comment t'appelles-tu? Non. Ne dis rien, laisse-moi deviner. D'abord, tu es un lapin, je le sais car mon cousin qui vit en Europe m'a envoyé des photos. Ensuite tu es bleu, comme le ciel. Tu dois donc t'appeler Lapin bleu si je ne me trompe. Est-ce vrai?
Oui, tu as raison, je m'appelle Lapin bleu. Tu es vraiment très fort pour avoir deviné mon nom sans me connaître. Comment fais-tu?
Ce n'est pas bien difficile. Il suffit de réfléchir et d'observer attentivement les choses et les gens. Les hommes prétendent que les singes sont intelligents, ce n'est pas tout à fait vrai. Ils sont seulement très attentifs, voilà tout. Nous ne sommes pas tous des « Bandarlocks » comme ceux du Livre de la Jungle qui prétend que nous sommes sots et imprévoyants.
La conversation avait réveillé la Cigogne.
Ouistiti, que fais-tu ici? Veux-tu bien descendre!
Ne te fâche pas, je parlais avec ton ami Lapin bleu. Il est bien joli et j'ai envie de l'emmener faire un tour dans la forêt. Tu veux bien?
D'accord, mais sois prudent. Surveille-le bien.
Viens, Lapin bleu, laisse-toi glisser du toit.
Ils partirent tous deux, empruntant les petits sentiers encombrés de lianes. Ouistiti marchait devant, regardant de tout côté pour éviter les serpents. Ils rencontrèrent d'abord un fourmilier occupé à terminer son petit déjeuner. Installé confortablement devant une énorme termitière, il happait de sa longue langue les insectes qui avaient l'imprudence de sortir. D'un seul coup de langue, il ramassait une grosse poignée de termites et les engloutissait en secouant sa queue.
Beurk! fit Lapin bleu dégoûté. Je n'aime pas ça!
Tu as tort de te moquer. Le fourmilier très utile, car les termites détruisent les cases en mangeant le bois.
Ah bon! se contenta de dire lapin bleu tout confus.
Ils croisèrent aussi des perroquets qui criaillaient sans arrêt, des papillons multicolores, des singes qui ne ressemblaient pas beaucoup à Ouistiti. La forêt s'arrêtait au fleuve et Ouistiti proposa de le traverser avec le bac.
Oh non! Dit Lapin bleu, il vaut mieux ne pas trop s'éloigner car la Cigogne pourrait s'inquiéter.
Ils rebroussèrent chemin et rentrèrent dans la forêt. Mais Ouistiti prit une autre piste et ils se retrouvèrent dans la savane. Ça et là, un gros baobab se dressait au-dessus des hautes herbes. Ouistiti prit Lapin bleu sur son dos, sauta sur l'un d'eux et grimpa jusqu'au sommet. Lapin bleu se mit à hurler de peur.
Tais-toi donc! gronda Ouistiti, tu vas réveiller le lion. Regarde, il est là-bas, en train de dormir, ce qui lui arrive chaque fois qu'il a fait un bon repas. Si tu le réveilles, il sera de très mauvaise humeur et deviendra très méchant.
Ah ! dit Lapin bleu qui, changeant de conversation, demanda ce que mangeaient les lions.
Toutes sortes d'animaux, des antilopes, des rats, des zèbres et même des bêtes plus grosses que lui. Je l'ai vu un jour manger un buffle.
Oh! le vilain! Passe encore pour les rats mais ce n'est pas bien de manger les antilopes, elles sont si jolies.
C'est vrai, mais c'est comme ça, dans la savane, comme dans la vie, dit philosophiquement Ouistiti. C'est presque toujours le plus fort qui mange le plus faible. Tu verras ça aussi chez toi.
Peut-être, mais ça n'est pas juste.
Ils virent aussi des antilopes aux longues jambes, des zèbres qui sautaient dans tous les sens, ce qui faisait rire notre Lapin bleu. Et aussi des buffles avec leurs grandes cornes. Lapin bleu s'en mettait plein les yeux, observait tout comme Ouistiti le lui avait conseillé.
Le jour baissait car il fait nuit très tôt en Afrique où il n'y a pas de saisons comme en Europe. Nos deux amis revinrent donc sagement vers le village où ils retrouvèrent la Cigogne en conversation avec la chef.
Alors, mon petit lapin, es-tu content de ta journée?
Oh oui, madame. Je suis si heureux. Merci pour ce beau voyage.
Ils restèrent encore quelques jours. Lapin bleu ne se lassait pas. Ouistiti lui fit visiter la forêt, les rives du fleuve et la savane. Mais tout à une fin et un soir la Cigogne lui dit:
La nuit tombe. Tu vas aller dormir tout de suite car demain très tôt, nous repartons vers l'Europe.
Oh déjà! Comme c'est court!
Eh oui! N'oublie pas que tu vas rentrer à l'école. Nous aurons juste le temps. Il ne faut pas que tes parents s'inquiètent sinon ils ne te laisseront plus partir.
Le lendemain, Ouistiti attendait ses amis au pied de la case. Le chef voulut prononcer un petit discours d'adieu et leur souhaita bon voyage. Tout le village était réuni et au moment du départ, les gens se mirent à danser au son du tam-tam, comme c'est la coutume. La Cigogne et Lapin bleu s'envolèrent et bientôt, ils ne furent plus qu'un tout petit point noir qui disparut dans le ciel. Ils avaient pris la route du retour.
Comme promis, ils passèrent par la Tunisie pour saluer leur ami Fennec qui fut tout heureux de leur faire les honneurs de sa table. En Camargue, ils furent reçus par Rat musqué qui avait reconstruit sa maison qu'il leur fit visiter.
Enfin, après quatre jours, ils arrivèrent au-dessus du village. Lapin bleu reconnut tout de suite sa maison et le jardin où l'attendaient ses parents, ses frères et ses sœurs. Sans oublier le Chat qui n'était pas le moins heureux. Tout le monde lui sauta au cou dès qu'il eut atterri. Maman remercia la Cigogne et l'invita à rentrer à la maison pour partager le repas. Chacun les pressait de questions. Quand le repas fut fini, la famille s'installa autour de la Cigogne et de Lapin bleu qui commença à raconter sa belle aventure.
Mais au fait, vous la connaissez comme moi puisque je viens de vous la raconter. N'est-ce pas qu'il a fait un beau voyage, notre petit Lapin bleu !
Jean DESTREE