Goûts de souris, une texte signé Micheline Boland

Publié le par christine brunet /aloys

Goûts de souris, une texte signé Micheline Boland

GOÛTS DE SOURIS

Du fromage. Encore du fromage. Elle n'a que faire de ce fromage.

Voici quelques jours, elle a dégusté un pur délice, une petite chose brune, fondant dans la bouche, à la saveur douce et persistante, une chose dont les délicats arômes restent imprégnés en soi des minutes et des minutes.

On l'a bien critiquée pour s'être livrée à cette gourmandise, mais elle s'en fiche. "Ton museau est tout brun. Tu as même sali tes moustaches. Et tes poils." Les critiques ont peu de poids face au plaisir.

Maintenant, qu'elle a connu l'étincelle, qu'elle a approché ce que peut être un aliment de choix, elle cherche à le savourer le plus souvent possible. Tout le jour elle trottine à sa recherche. Elle a appris que le brun pouvait être clair ou presque noir. Elle a appris que la chose pouvait être solide ou molle selon la température régnante. Elle est à l'affût d'une certaine odeur. Elle se sent différente de ses sœurs, de ses frères. Eux, ils n'ont pas connu le paradis. Eux, ils se contentent encore de graines, de mies de pain, voire de papier. Eux, ce sont des rustres, des êtres vulgaires.

L'enfant l'a vue en train de lécher le morceau de chocolat, puis le grignoter doucement. L'enfant l'a trouvée si sympathique. "Maman, viens voir, une souris dans la remise. Elle mange le carré de chocolat que j'ai laissé tomber en rangeant mon vélo. Oh qu'elle est mignonne. C'est mieux qu'un cochon d'Inde !"

L'enfant va dans sa poche, il en sort ce qui reste de la plaquette de chocolat qu'il avait entamée, il coupe un morceau, il le tend à la souris. Elle ne se méfie pas. Elle s'approche. Elle hume. Elle se rapproche davantage de la main tendue. Puis, elle déguste patiemment. Moment de bonheur pour l'enfant et la souris.

Pour un petit bout de chocolat, la souris accepte de bon gré les caresses de l'enfant, ses mots doux.

Pour un petit bout de chocolat, elle troque ensuite sa liberté contre une cage propre mais exiguë. Pour elle, une cage, avec, de temps à autre, du chocolat, n'est-elle pas préférable à une souricière garnie de fromage ?

(Extrait de "Contes à travers les saisons")

Micheline Boland

micheline-ecrit.blogspot.com

Publié dans Nouvelle

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M
Merci à tous pour vos commentaires.
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L
Ne sommes-nous pas en train de perdre notre liberté pour un morceau de chocolat ou une souris d'ordinateur ?
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N
Une petite souris bien sympathique qui m'en rappelle d'autres juste un peu plus grandes. Que ne ferions nous pas pour satisfaire nos appétits ? Merci pour cette belle nouvelle Micheline.
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R
Elle est très humaine finalement cette souris ! <br /> <br /> En effet que ferions-nous en état de détresse profonde si ce n'est aliéner notre liberté pour un simple bout de pain ou une friandise, sucrée de préférence, assortie de douces caresses ?<br /> <br /> Bref, se laisser apprivoiser !
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J
Une souris fin gourmet, mignonne tout plein .... Mais comment va réagir son estomac ?
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