Le blog interligne a chroniqué le nouveau roman d'Edmée de Xhavée "Villa Philadelphie"
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Nous le savions depuis ses tous premiers ouvrages, roman ou nouvelle, Edmée de Xhavée est une conteuse qui se plaît à remonter le temps, à réveiller les belles au bois dormant assoupies dans les replis de sa mémoire, figures d’un passé que les photos familiales, les souvenirs de ses proches lui ont révélées. C’est, par conséquent, un monde à jamais disparu que notre auteure ressuscite dans ce roman qui nous parle de la vie d’une famille, de ses joies, ses peines, ses enchantements mais également de ses larmes et ses secrets, secrets évoqués d’une plume lisse et incisive, sans fioritures, par phrases courtes, obéissant à l’unité de lieu – tout se passe en Wallonie – à défaut de l’unité de temps, puisque l’histoire se déroule entre les années 1920 et 1960. Une tranche d’existence qui s’éveille au cours des années folles, au lendemain d’une guerre qui avait meurtri une partie de l’Europe, et s’achève durant les années 60 alors que se lève sur le monde une modernité qui entend bien changer le visage des choses.
Dans cet entre-deux, et au cœur d’une demeure cossue, une famille va écouler son présent composé de grandes joies, de nombreuses fêtes, d’alliances arrangées, de naissances, soit un quotidien presqu’ordinaire si ce n’est qu’il est vécu dans un écrin raffiné empli de jolis objets et constitué de rites immuables. Malgré cette aisance, les deux sœurs, Rosalie et Eveline, qui tiennent les rôles principaux, feront en sorte que l’actualité soit aussi malmenée que possible, que l’existence ne parvienne jamais à être le long fleuve tranquille que leurs parents avaient souhaité pour elles. D’affrontements en ruptures, d’espérances en désillusions, elles mèneront des vies parallèles sans parvenir à créer l’harmonie tant espérée par leur mère.
« Les deux sœurs se rendaient régulièrement avec leurs fiancés à leur futur logis, pour contrôler l’avancée des travaux de la double maison que Richard avait tenu à orner, sur la façade, d’une plaque où, emprisonnées par une frise de roses en mosaïque, des lettres dorées annonçaient : Villa Philadelphie. L’amour de deux sœurs ne méritait-il pas d’être mis en évidence, d’avoir son propre temple » - avait-il expliqué avec fierté. »
Edmée de Xhavée, qui connait bien le cœur féminin, nous brosse des portraits contrastés, fouillant l’inconscient de chacune, leurs aspirations et leurs refoulements, leurs attirances et leurs dégoûts, leurs plaisirs et leurs amertumes. Ce sont, par ailleurs, des portraits très intimes qu’elle propose et dévoile, nous entrainant à sa suite dans les méandres de ces cœurs qui se cherchent sans jamais se trouver. Jolie plongée dans les rumeurs intérieures.
Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE