"Mal de mère" le nouveau roman à paraître de Danièle Deydé
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En mal de mère... Un résumé !
Après une ultime dispute entre Murielle la mère et sa fille Elisa, Murielle prend la route pour aller se réfugier chez sa sœur à mille kilomètres de leur domicile. Elisa, elle aussi, quitte la maison, désespérée par son impossibilité à s’extraire de l’emprise exercée par sa mère à son égard. Chacune des deux femmes souffre d’un « mal de mère » : Murielle qui s’avoue n’être rien sans sa fille, unique horizon d’une vie dévastée. Elisa rongée par la culpabilité et consciente de ne pouvoir se construire un avenir pour vivre enfin sa vie d’adulte.
D’un chapitre à l’autre, le lecteur est invité à suivre le cheminement de Murielle en alternance avec celui d’Elisa, dans le même espace temporel, jusqu’au dénouement.
Au fil de quelques extraits :
Murielle
L’autoroute déroule ses kilomètres devant les roues de la voiture, presque à perte de vue. Murielle fixe sans faillir l’asphalte gris qui court devant ses yeux. Partie aux premières heures de la matinée, elle a roulé à vive allure, s’arrêtant le moins possible, juste le temps de refaire le plein d’essence et de boire un café. Elle ne pense qu’à avancer, à mettre de la distance entre elle et Elisa. Elle fuit sa souffrance ou du moins, elle n’est pas dupe, tente-t-elle de le faire.
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Car il s’agit bien de cela : une fuite. Elle en a conscience. Elle sait aussi que c’est vain. Mais elle n’a pas vraiment choisi, elle a juste obéi à une pulsion.
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L’angoisse monte au fur et à mesure qu’elle se rapproche. Le soleil s’est couché. C’est un moment difficile, cet entre chien et loup où les contours des choses se fondent. Les mains de Murielle se crispent sur le volant ; la fatigue, soudain, semble s’abattre sur ses épaules. Elle serre les dents.
Elisa
La route est dégagée. Comme à son habitude, Elisa conduit vite la petite voiture qu’elle achetée d’occasion l’année dernière avec ses premiers salaires. Elle se rappelle sa joie, à l’époque ; elle s’imaginait que sa vie allait changer. Il lui semble que cela remonte à très loin dans le temps. Aujourd’hui, elle n’y croit plus.
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La brise marine devient plus sensible et se mêle aux rumeurs de l’océan qui bat. Des oiseaux de mer se laissent porter par le vent, puis fondent soudain vers la surface mouvante de l’eau en poussant des cris aigus. La jeune fille s’arrête, fascinée par cet immense espace qui s’ouvre devant elle. A perte de vue, une surface aux reflets bleu vert sans cesse renouvelée, presque vivante, avec, au loin, des écueils et l’île immobile et assombrie par le contre-jour. Et, en bas, sous elle, un abrupt impressionnant.
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Au moment de se séparer, Elisa glisse à sa sœur pour, c’est ce qu’elle voudrait croire, la rassurer : « Tu verras, tout va finir par s’arranger. Il faut que tu y croies. » La phrase, sitôt prononcée, résonne dans sa tête ; elle saisit que ce ne sont que des mots, ceux-là même qu’elle n’a pas pardonnés à son père, et qui lui permettent de ne pas s’engager.
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Quand elle arrive dans la petite station balnéaire, le soleil est bas sur l’horizon, mais la plage est baignée d’une clarté diffuse et très douce. La mer est haute et le sable paraît presque blanc. Les baigneurs ont déserté la grève qui semble se prélasser sous la molle caresse des vagues. Le lourd feuillage des arbres qui bordent le rivage s’est assombri, par contraste avec la grève pâle. Elisa revoit son père qui tend la main à la petite fille qu’elle était et tous deux pénètrent dans l’eau fraîche ; il l’éclabousse et elle pousse des cris ravis ; elle serre sa grosse main pour se rassurer, elle a un peu peur, elle ne sait pas nager. La jeune fille sourit. Tout cela est si loin ! Elle se demande si, finalement, elle ne l’a pas rêvé.
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Murielle
Murielle secoue la tête, comme pour signifier qu’elle n’a rien à raconter. Son visage s’est figé. Nadine comprend qu’elle ne dira rien. Elle aurait désiré aider sa sœur et elle prend, tout à coup, la mesure de son impuissance. La souffrance de Murielle est au-delà des mots.
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Murielle se lève, elle s’approche de sa sœur, pose un léger baiser sur sa joue. Dans un murmure, elle prend congé. « A demain matin ». En s’éloignant vers sa chambre, elle laisse Nadine seule avec ses questions et son inquiétude.
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Elisa
Rien n’a changé. La rivière coule toujours sous les ponts de pierre. Partout, des fleurs, des arbustes d’un vert très tendre ; le bruissement de l’eau sur les galets ; une fraîcheur humide qui monte du courant. Elisa s’assied sur un muret, à l’endroit exact où ils aimaient s’installer pour regarder la fuite de cette eau vive. Elle se souvient des petits bateaux en papier qu’ils jetaient de la rive et qui se dandinaient à la surface et, bientôt, disparaissaient emportés par le flot. Elle entend encore leurs rires qui couvraient les bruits de la rivière et le piaillement des oiseaux dans les arbres inclinés au-dessus de leur tête.