Micheline Boland nous propose un nouvel extrait de son nouvel ouvrage "Voyages en perdition

Publié le par christine brunet /aloys

Micheline Boland nous propose un nouvel extrait de son nouvel ouvrage "Voyages en perdition

"Ce dimanche-là, le hasard m'a amenée sur le marché pour acheter quelques fruits et légumes. Devant moi, Rose-Marie au bras d'un homme en costume sombre ! Ils sont à quelques pas de la basilique, ils y entrent.

Adieu maraîchers, tomates, laitues, prunes et cerises ! L'opportunité est trop belle ! Moi qui mets rarement les pieds dans une église, j'entre à pas feutrés… Je prends un livret de chants comme je l'ai vu faire par d'autres fidèles et je m'avance vers l'autel de la Vierge pour y faire brûler un cierge. Au passage, je salue Rose-Marie d'un signe de tête !

À la sortie de l'office, j'attends Rose-Marie et l'aborde : "Je me suis aperçue que nous étions voisines et que nous fréquentions les mêmes endroits. Puis-je vous proposer de venir prendre l'apéritif à la maison ?

- Qu'en penses-tu, Maurice ?"

Sans attendre la réponse, elle accepte… Je voudrais battre des mains ou sauter de joie comme je le faisais dans mon enfance. Nous regagnons mon appartement. En chemin, Maurice retrace l'histoire de la basilique et des œuvres qu'elle abrite. Rose-Marie raconte des anecdotes amusantes sur les remparts qui jadis entouraient la ville. Quant à moi, je les écoute en approuvant et en établissant le parallèle avec d'autres villes que je connais.

Nous arrivons chez moi, Rose-Marie et Maurice prennent place sur le canapé. Je sers le champagne acheté pour une grande occasion et je prépare quelques toasts au foie gras du Sud-Ouest. Que d'agréables, de si agréables moments ! Je n'en ai plus vécu de pareils depuis longtemps.

Maurice est un homme svelte à l'élégante barbiche assortie d'une fine moustache. Un homme charmant qui se montre fort amoureux de Rose-Marie. Il la couve du regard, sourit à toutes ses interventions. "J'habite à la Résidence Beaumarchais, juste à côté de chez Rose-Marie. Ce sont les travaux de peinture extérieurs des deux immeubles qui nous ont fait nous rencontrer. Nous comptons nous marier à la Pentecôte. N'est-ce pas, ma chérie ?"

C'est ainsi que j'entre dans la vie de Rose-Marie.

Désormais, par temps sec, l'après-midi, je vais m'asseoir au parc, à gauche de Rose-Marie tandis que Jocelyne est à sa droite. Parfois, Rose-Marie et moi allons faire des courses dans le quartier. Tout serait pour le mieux s'il n'y avait cette réticence que je sens chez Jocelyne. Rose-Marie m'en a parlé d'ailleurs ouvertement : "Jocelyne me dit de me méfier de toi. Je crois qu'elle ne t'aime pas beaucoup parce que tu ressembles à la maîtresse de son mari. Vous êtes toutes les deux petites et minces. Vous avez toutes les deux le visage rond et les cheveux permanentés. Elle trouve que je te fais trop facilement confiance. Elle est comme ça, Jocelyne, elle juge facilement sur les apparences. Depuis son divorce, elle suspecte souvent les gens de manœuvres pas très droites. Tiens, Maurice par exemple, elle trouve que mon fils n'a pas tort de le juger plus attaché à mon argent qu'à moi. Elle m'a même conseillé de le tester en disant que je ferai une donation à mes enfants avant notre mariage. C'est incroyable de penser ça !"

Les mois passent. Je continue à côtoyer Rose-Marie, Maurice et Jocelyne. Un goûter, une visite de musée ou une conférence sont souvent à l'origine de nos rencontres. Nous évoquons des sujets personnels. Nous abordons même la question du patrimoine que nous léguerons à nos proches. Rose-Marie évoque ses enfants et son intention de leur donner une grosse somme : "C'est quand on est jeune qu'on a besoin d'argent ! Et puis, c'est une belle façon d'éviter les droits de succession", ajoute-t-elle. Pour ma part, j'explique qu'en plus de mon appartement, je possède quatre studios dans un immeuble à la Côte d'Opale. C'est le dernier investissement fait par mon pauvre Camille ! C'est ma fille unique qui héritera de tout. Une confidence que je fais sans arrière-pensée.

Le temps s'écoule et je remarque que Maurice se fait moins présent. Il se montre aussi moins empressé à l'égard de Rose-Marie. C'est évident, il est moins prompt pour l'aider à enfiler son manteau ou pour avancer sa chaise. Il est vrai que, suivant les conseils de son fils et de Jocelyne, Rose-Marie s'est décidée à faire les fameuses donations.

Le vingt-quatre décembre au matin, Maurice me téléphone : "Danielle, je suis si malheureux de vous savoir seule en ce jour de réveillon. Voulez-vous me tenir compagnie ? Je serai seul également. Comme vous le savez, Rose-Marie est partie chez son fils. Je vais à la veillée à la basilique à dix-huit heures trente. En rentrant, je mangerai ce que j'ai commandé chez le traiteur. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux ! Demain, je serai dans ma famille. Ce sera vraiment à la bonne franquette. Je viendrai vous chercher vers dix-huit heures, si vous le voulez bien."

J'accepte de bon cœur. Toute l'après-midi, j'essaie mes tenues de soirée avant de fixer mon choix sur une robe légèrement moulante en soie bleue. Je prends un bon bain. Je me fais un brushing. Je me maquille légèrement et je me parfume. Assise sur mon canapé, j'attends Maurice en me levant toutes les minutes pour vérifier dans le miroir du hall que rien ne cloche dans mon apparence. Jamais, je n'aurais imaginé ce réveillon de Noël en compagnie d'un homme !

On sonne. C'est lui ! Toute fébrile, je descends. Malgré le froid piquant, Maurice a laissé son pardessus ouvert. Pour l'occasion, il porte un costume noir, une chemise blanche et un nœud rouge fort élégant, ma foi !"

(Tiré de "Trois femmes sur un banc")

Micheline Boland

Publié dans extraits

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M
Hou la nature humaine ! Envie de lire la suite !
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M
Merci Laure, Christina et Marcelle pour vos commentaires. Oui Marcelle, au fil de cette nouvelle, on a l'occasion de découvrir que Maurice est un homme vraiment intéressé !
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P
Je crois que Maurice est un Monsieur fort intéressé ...
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C
Beau début et interrogations latentes...
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L
eh bien, on n'a qu'un désir, lire la suite...
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