Joe Valeska nous livre la Suite de l’extrait de Meurtres Surnaturels, volume III : Le Triomphe de Julian Kolovos
– J’ai assisté à la crucifixion de Jésus de Nazareth, en 30, et c’était un bien triste spectacle, ça aussi. Dans leur bêtise et dans leur arrogance, les hommes peuvent être d’une cruauté incommensurable. J’ai pleuré, ce jour-là, et je n’ai plus jamais pleuré, depuis. Ou je ne m’en souviens plus, pour être tout à fait honnête. Mais je sais ce qu’est la tristesse. Et la joie, et l’amour, ajouta-t-il. Je comprends toutes les émotions et je les ressens de façon intense. Plus qu’un être humain.
– La crucifixion de Jésus ? Excuse-moi, je n’avais pas l’intention de te blesser, assura Julian, un brin condescendant. Tout ceci est à la fois passionnant et incroyable… Charlemagne, Jeanne d’Arc, le massacre de la Saint Barthélémy, Louis XIV, la Révolution française… Jésus ! Mais si tu nous disais plutôt ce que vous venez faire ici, tous les trois. Car vous n’êtes bien que trois, n’est-ce pas ?
– Julian… hésita Janine. Pourquoi leur ferions-nous confiance ? Ces histoires sont passionnantes, quoique tristes, mais qui nous dit qu’ils sont pacifiques ? Les vampires sont puissants, tu sais… Ils pourraient nous manipuler. J’ai été manipulée. Et tu sais fort bien de quoi je parle…
– Mais vous avez mille fois raison, belle dame, répondit le vampire Valentin aux yeux vairons envoûtants. Rien ne peut vous garantir que nous venons en paix, c’est vrai, mais c’est pourtant le cas. Alcibiade est un être bon et généreux. Il nous a sauvés, Farah et moi, de nos existences au service d’un monstre. Cet homme est un saint. Un véritable saint. Je puis vous le garantir.
Alcibiade lui fit remarquer qu’il en faisait trop, comme toujours, et qu’il le mettait dans l’embarras.
Après une minute de réflexion, à se jauger les uns les autres, Julian réitéra sa question.
– Raka, susurra alors Alcibiade. Vous connaissez tous ce prénom, il me semble… Vos noms, ainsi que les nôtres, figurent sur sa longue liste noire. Elle vous en veut, pour diverses raisons, et elle nous en veut, pour d’autres. Mais son but ultime est l’éradication des vampires et des loups-garous. Car elle nous hait. Elle nous hait tous. (Il soupira et passa une main dans son admirable et longue chevelure blonde.) Savez-vous que ce sont malheureusement ceux de ma race qui sont à l’origine de la guerre vampires/sorcières ? leur demanda-t-il, morose.
– Oui, répondit Janine. Et tout changea dramatiquement ce jour-là, à cause d’un seul immortel. Shade était le grand maître des vampires. Le roi. Il assassina la femme qu’il aimait, Mana, qui était une puissante sorcière. J’ai lu cette histoire et bien d’autres dans les nombreux livres que possédait mon compagnon, Joshua, qui est mort.
– Les fameux livres des sorcières que l’on croyait perdus, murmura Alcibiade, détournant le regard. Mes sincères condoléances pour votre malheureux compagnon, dit-il enfin. Mais si des sorcières vengeresses détenaient le pouvoir…
– Raka nous détruirait tous, les uns après les autres ! conclut Julian, plongé dans de bien funestes pensées. Ça ne finira donc jamais…
– Tu as tout compris… acquiesça Alcibiade. Aussi, je vous propose un partenariat. Trouvons cette sorcière névrosée, où qu’elle se cache, et détruisons-la. Elle est le serpent à qui il faut couper la tête.
Le vampire vint alors se poser face à Julian. Sans ciller, il lui tendit la main. Adam, Max, Janine, Kristoff, Valentin et Farah les considéraient non sans appréhension.
Mais l’acteur, malgré ses doutes, accepta finalement cette main tendue et froide.
Adam entraîna prestement Julian à l’écart. Et tant pis si l’acte ressemblait à une franche hostilité. Pourtant, Alcibiade et ses camarades ne parurent guère étonnés par l’attitude du séduisant jeune homme aux cheveux roux.
L’impresario rappela à son frère de cœur la façon dont les vampires se nourrissaient. Il lui rappela également que le château abritait plusieurs êtres humains, dont son père et sa sœur. Autant de repas potentiels et faciles.
À ces mots, Julian frissonna. Troublé, il fixa Adam, puis tourna son regard vers Alcibiade. « Non… », songea-t-il. « Je ne ressens aucune perversion en lui, petit frère. Mais… on ne sait jamais. » Il alla prendre appui sur la ceinture de mâchicoulis comme s’il était tout seul sur le chemin de ronde. Adam l’imita et lui demanda avec insistance s’il avait compris les mots qui venaient de sortir de sa bouche. Pour toute réponse, Julian poussa un profond soupir de totale confusion.
Ils n’avaient pas remarqué qu’Alcibiade, nonchalamment, les avait rejoints. À son tour, un sourire un rien canaille aux lèvres, le vampire posa ses mains sur la ceinture de mâchicoulis. Quand il réalisa qu’ils n’étaient plus seuls, Adam tressauta. « Putain ! », lâcha-t-il. « Serais-tu un crocodile ? » Alcibiade ne put s’empêcher de ricaner, ce qui faillit faire sortir Adam, d’ordinaire très cool, de ses gonds.
Passablement mal à l’aise, Julian pria son ami de le laisser seul avec le vampire. À contrecœur, Adam obtempéra et rejoignit les autres à l’autre bout du chemin de ronde. Ils semblaient tous fort perplexes. Comme pour le rassurer, Kristoff posa une main sur l’épaule d’Adam, et la belle Farah lui dit qu’il avait tort de s’inquiéter, qu’ils savaient parfaitement se contrôler. Adam haussa les épaules et croisa les bras, attendant la suite de ce énième bouleversement avec impatience. « À quoi bon discuter à l’écart ? », fit-il remarquer. « Ne sommes-nous pas tous dotés d’une ouïe surnaturelle ? » « Voilà qui est tout à fait vrai, mon ami », chuchota Max, attentif.
– Ni moi ni mes amis n’avons l’intention de nous nourrir du sang des humains qui vivent dans ce château, Julian Kolovos, promit l’être immortel. Nous ne sommes pas du tout ce genre de vampires. Je déteste ce genre de vampires ! (Repassant sa main dans sa longue chevelure blond vénitien, il ricana de nouveau, un brin empoté.) Tu sais, je ne t’ai pas menti. Comme te l’a confirmé Farah, il y a quelques minutes à peine, je suis réellement fan. Quelque part, ça me blesse un peu que mon idole se méfie de moi. Cela dit, je comprends parfaitement, je ne suis pas un imbécile. J’agirais probablement de la même manière en pareilles circonstances.
– Je veux te faire confiance, Alcibiade… mais je ne te connais pas, c’est aussi simple que ça. Et puis, mon père et ma sœur vivent ici. Bien des fois, ces dernières années, nous avons flirté avec la mort. J’ai moi-même failli mourir dans des circonstances abominables, il n’y a pas un an. Je ne peux plus prendre des risques inconsidérés. Qui plus est, tu débarques avec tes amis en nous proposant une alliance au moment précis où nous parlions de Raka. La coïncidence est assez troublante.
– Tu as raison, et je ne t’ai pas tout dit, confessa le vampire. Mais je vais le faire, à présent, car je n’aime pas les secrets. Alors, écoute-moi bien sans m’interrompre, s’il te plaît. Tu es d’accord ? (Julian hocha la tête.) Merci… Ces derniers mois, Valentin, Farah et moi-même, nous nous sommes sentis observés. (Julian releva un sourcil.) Nous avons très rapidement découvert qu’il s’agissait de sorcières d’un rang inférieur envoyées par Raka, mais nous avons également découvert autre chose. Un soir, dans un bar de nuit de Sanremo, Valentin put entendre la conversation des créatures qui l’avaient suivi jusque-là. S’imaginaient-elles qu’il ne s’en était pas rendu compte !?! Stupides sorcières arrogantes… Nous avons donc appris que nous étions tous menacés : Valentin, Farah et moi, mais aussi tes amis et toi, Julian Kolovos, et d’autres encore… Alors, nous avons pris la décision qui semblait la meilleure : vous surveiller de loin, mais suffisamment près. Nous ne voulions pas nous ingérer dans vos vies.
À suivre… dans Meurtres Surnaturels, volume III :
Le Triomphe de Julian Kolovos
Merci pour votre lecture,
Merci à Christine,
Bien amicalement, Joe Valeska