"Au-delà des barreaux" : deux extraits proposés par son auteur Bernard Wallerand
Extrait 2
Petites barres de désespérance marquées à la craie rouge sur le mur. Cela fait plus d'un mois qu'Anna purge sa peine alors qu'elle a à peine vingt ans et toutes les années devant elle. Comme le temps lui semble long ! Dans le brouillard de sa vie, elle ne sait plus sourire à la beauté de l'astre d'or. Il pourrait pourtant l'aider à dissiper les nébuleuses obscures de son âme. Ainsi, les aiguilles de l'horloge lui semblent aimantées. De lever en coucher de soleil, elle compte les jours. Ils pèsent aussi lourd qu'un sac de charbon sur sa vie. Ils semblent narguer le sommeil de ses nuits. Celui-ci est aussi léger que les plumes de son oreiller. Il est entrecoupé de visions cauchemardesques. Elles lui donnent des sueurs froides. Son corps tout entier en frissonne. Il en hurle de peur au cœur des nuits étoilées trop souvent mouvementées. Ah ! Si seulement elle n'avait pas rencontré John !
Extrait 3
Ainsi, le travail de fin d'études d'Alice l'avait amenée à la rencontre de toutes ces femmes qui étaient enceintes alors qu'elles venaient d'être incarcérées. Elle se revoit, son pas si peu assuré, franchissant les innombrables portes de la prison, passant à côté des grilles et des barreaux. Elle revoit les visages de certaines, leur inquiétude au fond des yeux, leur tristesse palpable sur leurs lèvres pincées. Parmi elles, il y avait certes celles qui n'avaient pas désiré leur enfant. Elles appréhendaient donc la naissance... D'autres encore voulaient garder à tout prix leur enfant et conserver le lien sacré. A l'instar d'Alice, ces dernières savaient combien il était important de créer des liens avec l'enfant dès la naissance. Elles espéraient alors, au-delà des barreaux, recommencer une nouvelle vie avec leur bébé. Certaines, alors qu'elles venaient d'enfanter, dormaient avec la première couverture de leur enfant, respirant intensément son odeur. D'autres encore tiraient leur lait pour que leur bébé puisse en profiter. Elles fondaient alors de bonheur à l'heure des retrouvailles et lorsque leur petit ange les regardait dans les yeux, il était alors le plus beau bébé qu'elles n'avaient jamais vu. D'autres enfin imaginaient leur avenir. Dans le dialogue qui s'établissait petit à petit, elles leur disaient qu'elles allaient bientôt rentrer à la maison, que rien ne serait plus jamais comme avant. Et si d'aventure, le séjour n'en finissait plus et s'éternisait, elles affirmaient alors qu'elles étaient fières de leur enfant, fières de ses résultats à l'école. Et puis, il y avait celles qui étaient privées de leur progéniture. Elles affichaient la photo de leur trésor, au mur de la cellule et chaque soir, avant qu'elles ne s'endorment, leurs lèvres se posaient doucement sur les tendres joues de leur chérubin.