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Thierry-Marie DELAUNOIS nous propose un second extrait de son roman "Auprès de ma blonde"

Publié le par christine brunet /aloys

Elle ouvrit les yeux, le fixant instantanément de son regard brun acajou d’une profondeur insondable, le happant lui et toute son énergie d’homme, le laissant le souffle court, ce qui le fit stopper net dans sa progression, son désir évanoui, son envie de la connaître ayant fondu comme neige au soleil. Comment était-ce possible? Il ne cilla pas, prenant soudain conscience qu’il lui fallait ni baisser ni lever le regard pour tenter de lui échapper, belle et curieuse connexion incompréhensible à ses yeux, le cas de le dire, elle poursuivant son observation silencieuse, comme dans l’attente, son visage reflétant une indéniable franchise, mais quelque chose d’autre s’y mêlait. Un certain effroi? Et allaient-ils se parler? Bien qu’il n’en menait pas large, il soutint son regard limpide, crut soudain apercevoir comme une ébauche de larme dans le blanc de ses yeux. Serait-il le premier homme à ne pas battre en retraite, suscitant chez elle une émotion peu perceptible mais bien réelle?

Bien que rivés l’un à l’autre sans mot dire, un changement se produisit de part et d’autre: surgit en elle un singulier soulagement la menant à esquisser un sourire d’une infinie délicatesse; en lui, une volonté inébranlable, celle de se jeter à l’eau sans bouée non dans le but de la séduire, de la conquérir, mais d’atteindre ce tréfonds, le fond de son être. Car il avait ressenti comme un appel. Un S.O.S. lancé de très loin mais le message lui paraissait flou. Rêvait-il? Serait-il parvenu à franchir la barrière qu’elle avait dressée probablement pour la forme, histoire de ne pas passer pour une fille facile prête à se jeter dans les bras du premier venu par manque d’amour?

Le manque d’amour, du véritable amour qui unit deux êtres naviguant sur la même longueur d’onde, à l’unisson, reliés par cette mystérieuse alchimie tenant principalement du coeur et de l’âme… Cela existait-il? A cet instant il se le demandait; il lui semblait également qu’ils avaient tous deux de précieuses affinités. Sans qu’une seule parole ait été échangée, sans qu’ils aient eu l’occasion, la chance, de faire connaissance ne fût-ce qu’un brin. Possible? Il y croyait, l’auteur, l’expression de son visage s’étant entre-temps fermée. Retour sur sa garde, lui semblait-il, après une esquisse d’ouverture. Perplexe, il leva les yeux au ciel, se déconnectant d’elle à l’instant - heureux ou malheureux? - où un perfide pigeon lâcha sur lui son surplus - pas nécessaire ici de préciser… - qui atterrit brutalement sur son front. Un tir au but.

Sa stupéfaction, qui céda aussitôt le pas à un dépit manifeste, n’échappa point à la belle, déclenchant son hilarité à laquelle succéda un fou rire dantesque devenant en un quart de tour incontrôlable. La totale. C’était si drôle, un homme victime d’un pigeon! Elle le vit alors sortir son mouchoir, rouge de colère et de confusion, étalant sans le vouloir la fiente. C’était le bon mot. Le pauvre! Lui porterait-elle secours? Impossible à cet instant car elle se bidonnait assise sur le banc, les mains sur le ventre, sa chevelure dissimulant son visage, le buste incliné vers l’avant. Quand avait-elle autant ri pour la dernière fois? Elle ne s’en souvenait pas. Un siècle? Deux?

  • Fameux impact, et je vous fais donc tant d’effet, Mademoiselle? J’en suis heureux, même enchanté!

  • Séréna!

  • Pardon?

  • Séréna! Et toi?

(Auprès de ma blonde, Thierry-Marie Delaunois: extrait II)

Publié dans extraits

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Micheline Boland nous propose un nouvel extrait de son nouvel ouvrage "Voyages en perdition

Publié le par christine brunet /aloys

Micheline Boland nous propose un nouvel extrait de son nouvel ouvrage "Voyages en perdition

"Ce dimanche-là, le hasard m'a amenée sur le marché pour acheter quelques fruits et légumes. Devant moi, Rose-Marie au bras d'un homme en costume sombre ! Ils sont à quelques pas de la basilique, ils y entrent.

Adieu maraîchers, tomates, laitues, prunes et cerises ! L'opportunité est trop belle ! Moi qui mets rarement les pieds dans une église, j'entre à pas feutrés… Je prends un livret de chants comme je l'ai vu faire par d'autres fidèles et je m'avance vers l'autel de la Vierge pour y faire brûler un cierge. Au passage, je salue Rose-Marie d'un signe de tête !

À la sortie de l'office, j'attends Rose-Marie et l'aborde : "Je me suis aperçue que nous étions voisines et que nous fréquentions les mêmes endroits. Puis-je vous proposer de venir prendre l'apéritif à la maison ?

- Qu'en penses-tu, Maurice ?"

Sans attendre la réponse, elle accepte… Je voudrais battre des mains ou sauter de joie comme je le faisais dans mon enfance. Nous regagnons mon appartement. En chemin, Maurice retrace l'histoire de la basilique et des œuvres qu'elle abrite. Rose-Marie raconte des anecdotes amusantes sur les remparts qui jadis entouraient la ville. Quant à moi, je les écoute en approuvant et en établissant le parallèle avec d'autres villes que je connais.

Nous arrivons chez moi, Rose-Marie et Maurice prennent place sur le canapé. Je sers le champagne acheté pour une grande occasion et je prépare quelques toasts au foie gras du Sud-Ouest. Que d'agréables, de si agréables moments ! Je n'en ai plus vécu de pareils depuis longtemps.

Maurice est un homme svelte à l'élégante barbiche assortie d'une fine moustache. Un homme charmant qui se montre fort amoureux de Rose-Marie. Il la couve du regard, sourit à toutes ses interventions. "J'habite à la Résidence Beaumarchais, juste à côté de chez Rose-Marie. Ce sont les travaux de peinture extérieurs des deux immeubles qui nous ont fait nous rencontrer. Nous comptons nous marier à la Pentecôte. N'est-ce pas, ma chérie ?"

C'est ainsi que j'entre dans la vie de Rose-Marie.

Désormais, par temps sec, l'après-midi, je vais m'asseoir au parc, à gauche de Rose-Marie tandis que Jocelyne est à sa droite. Parfois, Rose-Marie et moi allons faire des courses dans le quartier. Tout serait pour le mieux s'il n'y avait cette réticence que je sens chez Jocelyne. Rose-Marie m'en a parlé d'ailleurs ouvertement : "Jocelyne me dit de me méfier de toi. Je crois qu'elle ne t'aime pas beaucoup parce que tu ressembles à la maîtresse de son mari. Vous êtes toutes les deux petites et minces. Vous avez toutes les deux le visage rond et les cheveux permanentés. Elle trouve que je te fais trop facilement confiance. Elle est comme ça, Jocelyne, elle juge facilement sur les apparences. Depuis son divorce, elle suspecte souvent les gens de manœuvres pas très droites. Tiens, Maurice par exemple, elle trouve que mon fils n'a pas tort de le juger plus attaché à mon argent qu'à moi. Elle m'a même conseillé de le tester en disant que je ferai une donation à mes enfants avant notre mariage. C'est incroyable de penser ça !"

Les mois passent. Je continue à côtoyer Rose-Marie, Maurice et Jocelyne. Un goûter, une visite de musée ou une conférence sont souvent à l'origine de nos rencontres. Nous évoquons des sujets personnels. Nous abordons même la question du patrimoine que nous léguerons à nos proches. Rose-Marie évoque ses enfants et son intention de leur donner une grosse somme : "C'est quand on est jeune qu'on a besoin d'argent ! Et puis, c'est une belle façon d'éviter les droits de succession", ajoute-t-elle. Pour ma part, j'explique qu'en plus de mon appartement, je possède quatre studios dans un immeuble à la Côte d'Opale. C'est le dernier investissement fait par mon pauvre Camille ! C'est ma fille unique qui héritera de tout. Une confidence que je fais sans arrière-pensée.

Le temps s'écoule et je remarque que Maurice se fait moins présent. Il se montre aussi moins empressé à l'égard de Rose-Marie. C'est évident, il est moins prompt pour l'aider à enfiler son manteau ou pour avancer sa chaise. Il est vrai que, suivant les conseils de son fils et de Jocelyne, Rose-Marie s'est décidée à faire les fameuses donations.

Le vingt-quatre décembre au matin, Maurice me téléphone : "Danielle, je suis si malheureux de vous savoir seule en ce jour de réveillon. Voulez-vous me tenir compagnie ? Je serai seul également. Comme vous le savez, Rose-Marie est partie chez son fils. Je vais à la veillée à la basilique à dix-huit heures trente. En rentrant, je mangerai ce que j'ai commandé chez le traiteur. Quand il y en a pour un, il y en a pour deux ! Demain, je serai dans ma famille. Ce sera vraiment à la bonne franquette. Je viendrai vous chercher vers dix-huit heures, si vous le voulez bien."

J'accepte de bon cœur. Toute l'après-midi, j'essaie mes tenues de soirée avant de fixer mon choix sur une robe légèrement moulante en soie bleue. Je prends un bon bain. Je me fais un brushing. Je me maquille légèrement et je me parfume. Assise sur mon canapé, j'attends Maurice en me levant toutes les minutes pour vérifier dans le miroir du hall que rien ne cloche dans mon apparence. Jamais, je n'aurais imaginé ce réveillon de Noël en compagnie d'un homme !

On sonne. C'est lui ! Toute fébrile, je descends. Malgré le froid piquant, Maurice a laissé son pardessus ouvert. Pour l'occasion, il porte un costume noir, une chemise blanche et un nœud rouge fort élégant, ma foi !"

(Tiré de "Trois femmes sur un banc")

Micheline Boland

Publié dans extraits

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