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Christine Brunet en invitée du blog Aloys avec le prologue de son dernier thriller policier, Malfarat

Publié le par christine brunet /aloys

 

Ceyreste. Février 1943

 

 

Il fait nuit. Il gèle à pierre fendre dans les ruelles pavées du petit village provençal. Toutes les fenêtres sont tendues d’un lourd tissu noir ou barricadées derrière les volets en bois. Pas une lumière ne filtre. Tout semble endormi. Pas un bruit.

 

Pourtant, en y regardant de plus près, une ombre rase les murs, avance avec circonspection, oreille aux aguets. Elle s’arrête sous un balcon, observe à droite puis à gauche, se déporte dans une zone plus éclairée et observe ce premier étage : un mouchoir esseulé et raidi par le froid pendouille sur une corde à linge. C’est le signal : la voie est libre.

Agile comme un singe, l’ombre grimpe le long de la gouttière, passe la rambarde, retire le mouchoir et tape le volet du bout de l’index. Le battant s’ouvre puis se referme immédiatement sur le visiteur.

 

L’intérieur de l’appartement est commun à toutes les maisons de village : tommettes en terre cuite rouge au sol, murs blanchis à la chaux, chaises en paille installées autour d’une lourde table ronde. Sur la droite, le coin cuisine avec sa pile en pierre de Cassis et le poêle à bois qui ronronne doucement. Dessus, un poêlon en terre garde au chaud le repas de la semaine.

 

Une jeune femme se jette au cou de l’homme, l’embrasse avec emportement :

  • Joseph ! Mon Dieu ! Tu es là, enfin ! Ce que j’ai eu peur ! s’exclame-t-elle en détaillant le petit gabarit fluet aux courts cheveux noirs plaqués sur le crâne. Tu en as mis du temps !

 

Elle regarde le pantalon, élimé comme sa parka, l’écharpe tricotée, les bottines usées, remonte vers la ceinture et devine la présence rassurante du Lüger qu’il trimbale partout.

  • Ça a été chaud… Hum, ça sent bon ! Les enfants ?
  • Au lit.
  • Les boches ?
  • Rien d’inhabituel. Tu as tes instructions ?

 

Il élude les questions pour ne pas mettre son épouse trop en danger.

  • Je mange et je repars.
  • Tu rentreras quand ?
  • J’en sais rien…

 

Il hésite et décide de lui en dire plus : elle est forte.

… Je dois partir sur Lyon…

  • Lyon ! Oh Bonne Mère ! Mais…
  • Chut… Ultra secret.

 

Elle essuie ses mains tremblantes à son tablier : elle est plus pâle que d’habitude.

  • Et j’aurai des nouvelles ?
  • Tu sais bien que non…  

 

Il évite son regard et s’installe à table sans aller voir ses deux gosses : pas l’envie qui lui manque, mais la pudeur peut-être, ou la crainte de ne plus avoir le courage de repartir.

  • Je te sers tout de suite…

 

Empressée, elle court vers l’évier, sort de dessous un bol puis se déporte vers le poêle et remplit l’écuelle qu’elle pose devant son mari avec un morceau de pain noir.

  • Des rutabagas… Rien trouvé d’autre.

 

Il grogne, mais enfourne la nourriture à toute allure.

  • Au fait, Mireille, fais attention aux Figuières. Ils fricotent avec les schleus.
  • Très bien… Mais notre Victor et leur fils jouent ensemble à la sortie de l’école. Je fais quoi ? Difficile de les en empêcher sans qu’ils posent tout un tas de questions…
  • Je sais… Mais tu dois être très prudente avec ce que tu dis aux enfants… Tu m’as compris ?
  • Je sais, mon chéri… murmure-t-elle en s’essuyant à nouveau les mains à son tablier fleuri. Tu sais que le père Figuières a disparu ?

Joseph acquiesce et passe simplement l’ongle de son pouce en travers de la gorge : exécuté.

  • Sur les ordres d’en haut… Un collabo de moins, c’est toujours ça… siffle-t-il, les sourcils froncés, mauvais.

 

Un caillou contre le volet. Il bondit comme s’il est monté sur ressort.

  • Il est temps, ma chérie. Fais bien attention à toi et aux gosses.
  • Attends ! J’ai quelque chose pour toi…

 

Elle sort d’un tiroir un papier plié avec un mot écrit à l’encre bleue qu’elle lui tend… « Llm Malfarat »

 

Il prend la missive[1], contemple l’écriture, fronce vaguement les sourcils très noirs, l’ouvre, en parcourt le message et empoche le papier sans plus d’explication.

  • Sois prudent !
  • Évidemment…

 

Il se lève, la prend par la taille, l’embrasse avec emportement et quitte le petit logement pour le balcon. En un clin d’œil, il a disparu dans la nuit. 

 

Texte de l’ordre de mission

« Pour la Question de font Chapelle ji serai le Samedi 9 Courant 13h

Ne manqueS paS di Etre ce Jour

GilReilGer »

 

 

 

 

Mars 1943

 

Des hurlements, des pleurs, des supplications… Au premier étage de la maison de village, quatre agents de la Gestapo mettent le petit appartement provençal à sac. À leurs côtés, deux Français de la Milice en long manteau noir, croix gammée au bras, montrent un empressement suspect. Une paire de boucles d’oreille en or disparaît dans l’une des poches avec quelques pièces de monnaie et deux tickets de rationnement découverts dans l’un des tiroirs renversés au sol. Les deux enfants et la femme sont poussés sans ménagement sur le palier puis dans les escaliers.

En bas, une voisine pomponnée, en robe fourreau décalée pour l’endroit et talons hauts, petit chapeau perché sur une coiffure sophistiquée, observe la scène, sourire mauvais aux lèvres : elle a dénoncé ses voisins sans états d’âme. Des communistes à ce qu’on dit, peut-être même des juifs… Le mari est toujours absent, dans le maquis à ce qu’on raconte.

Elle est du côté de la loi. Son mari l’était aussi ! Un bon Français éliminé par ces traîtres à leur Patrie, ceux qui se disent ‘Résistants’… Résistants à quoi, on se le demande !

Elle regarde la femme et ses deux rejetons partir vers la place où un camion bâché les attend. Enfin débarrassée… Enfin vengée !

 

Son regard croise celui de Mireille, haineux, puis celui de l’aîné, Victor, le copain de classe de son fils Paul et enfin les yeux noir charbon de la cadette. C’est une autre étincelle qu’elle y décèle, frissonne puis se reprend : quelle importance ? Ceux qui partent avec la Gestapo disparaissent à jamais.

 

Elle peut dormir sur ses deux oreilles…

 

[1] Cette lettre existe vraiment avec ses fautes… Seule la signature a été modifiée… Et ce n’était pas un ordre de mission… Du moins a priori !

Publié dans extraits, l'invité d'Aloys

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Coraline Buchet nous propose un dernier court extrait de son ouvrage "Une petite Belge en Aoteora Nouvelle-Zélande"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

La magie opère grâce aux centaines de cascades éphémères qui s’écoulent depuis le haut des montagnes. Seules deux d’entre elles sont permanentes. Les autres sont créées par l’abondance de pluie. Certaines chutes d’eau se fracassent sur un rebord et tombent d’étage mousseux en étage mousseux tandis que d’autres dévalent le relief en rivière. En fine brume ou en rage torrentielle, sous un voilage en diagonal ou à la verticale, le spectacle est sensationnel. Caressé par les rares rayons de soleil, le paysage prend soudainement vie dans un éclat d’arc en ciel et de couleurs. Lorsque notre capitaine coupe les moteurs, l’expérience est totale. Appelé le « Sound of Silence », nous vivons un silence profond répercuté le long des parois.

 

 

Publié dans extraits

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Coraline Buchet nous propose deux nouveaux extraits de son ouvrage "Une petite Belge en Aotearoa Nouvelle-Zélande"

Publié le par christine brunet /aloys

Alors que les autres s‘éloignent et que le calme fait place aux rires et au bruit, mes pensées s’apaisent. J’écoute le son de nos pas au même rythme et je trouve une symbiose à marcher avec Morgan. Mon esprit trouve la paix dont il a besoin pour que je me sente à ma place. Il n’y a aucune raison d’être rapide. Il y a tout un paysage à observer. J’aime être en montagne. Les paysages sont sensationnels et dramatiques, l’air y est frais, l’impression d’être à la maison me touche. Les paysages de montagne me rappellent mon enfance et ces étés heureux en famille, ils me connectent avec mon frère, créent cette bulle de confort qui nous réunit. L’impression d’une mouvance immobile m’ancre à l’intérieur de moi-même face à ces reliefs sans âge. Il me suffit d‘être entourée de sommets pour que mon cœur s’apaise, mon corps se détende et mon regard se mette à pétiller. Grâce à Morgan et au club, j’étends mes possibilités en montagne. Ma zone de confort s’élargit. Je découvre de nouveaux terrains.

---------

Pour profiter des derniers rayons du soleil, nous allons nous balader, pieds nus sur le sable. La lumière se reflète sur le sable mouillé dans un éclat doré qui se réverbère au large. Nous jouons aux silhouettes : ballerine, une jambe en l’air, en super-héros. L’effet est génial. Avec le minuteur en place, nous prenons la pose ensemble. « Ça a fonctionné tu crois ? ». Nous sommes en équilibre précaire, bras tendus l’une vers l’autre, jambe élevée. En vérifiant, j’éclate de rire. La photo s’est prise alors que je courais encore.

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Coraline Buchet nous propose un premier extrait de son ouvrage "Une petite Belge en Aotearoa Nouvelle-Zélande"

Publié le par christine brunet /aloys

 

Nous entrons dans le sérieux du sujet par la lente montée à travers la gorge d’Harman. Pas de sentier. Morgan et Rob nous guident dans un zigzag entre les rochers. Nous devons traverser le torrent plusieurs fois. Bras dessus, bras dessous, je m’accroche à Morgan et plonge jusqu’à la taille dans une eau glaciale. Elle s’immisce dans mon legging, coule dans mes guêtres et finit en flaque dans mes bottines. Les pans de roche en surplomb font se réverbérer le son rugissant de l’eau. Le noir de la nuit amplifie les ombres. Je perds toute notion de la réalité, abrutie par le vacarme et par l’impression d’enfermement. Mon cœur s’emballe. Mes jambes brûlent tandis que mon corps a froid. Devant parfois sauter d’un rocher à l’autre, avec le sac à dos qui n’aide en rien, mon équilibre est mis à l’épreuve. J’hésite, maladroite, mon oreille interne perturbée par le son trop fort. Je fonds en larme plusieurs fois dans l’anonymat de la nuit. Ma fierté pourtant, me fait serrer les dents. Abby me serre contre elle à un moment donné et m’encourage. Notre progression est lente mais certaine. Lorsqu’enfin nous quittons la rivière pour marcher le long d’un sentier entouré d’herbe, les lumières du jour nous saluent. Quel soulagement ! Nous arrivons à Harman Saddle où nous faisons le plein d’eau et mangeons un bout. Le brouillard se lève lentement pour dévoiler le ciel bleu. Le soleil illumine alors les sommets nouvellement couverts d’une poudre blanche. L’atmosphère est immobile. Pas de neige. L’hiver est vraiment tardif. Les hommes s’inquiètent d’en avoir assez de l’autre côté de Whitehorn Pass. Mais il n’y a qu’en allant voir que nous le saurons. Leur regard se veut rassurant. Nous avons fait le plus difficile. Je reprends courage. Trempés, nous ne nous attardons pas.

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Ani Sedent nous propose un second extrait de son T2 des Chroniques de l'Invisible "Le sixième domaine"

Publié le par christine brunet /aloys

 

  Jusilor entraîna Medius et Mâchepierre vers leur bec d’or alors que les nacelles elfiques s’éloignaient déjà de l’îlot.  Ronan, Merlin et Hortie se précipitèrent vers les dragons-papillons.

  Ils rejoignirent rapidement la portion de ciel où Azimuth et son adversaire se livraient à un ballet meurtrier.  Feu contre… contre quoi exactement ? Hortie ne savait comment définir le nuage sombre que crachait le dragon d’ombre.   

  Plus petit qu’Azimuth il n’en paraissait pas moins dangereux.  Impression renforcée par ses écailles d’un violet presque noir, d’une matité étrange, qui semblaient absorber la lumière pour ne restituer qu’un souffle de ténèbres quand la livrée d’Azimuth, d’un beau vert bronze ponctué d’or, reflétait sans complexe – avec ostentation, diraient les plus sévères – l’éclat du soleil.

  La créature maléfique bougeait avec une agilité terrifiante, obligeant le grand dragon à effectuer des acrobaties de l’extrême.  Le pauvre Valerian, agrippé à sa monture, semblait en bien mauvaise posture.  Combien de temps allait-il tenir si Azimuth continuait à tournoyer ainsi ?

  – Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il est fou ! s’écria Merlin en voyant son apprenti préféré ramper entre les crêtes de cou d’Azimuth.

  – Nooon ! s’exclama Hortie alors que le dragon effectuait un looping tout en crachant un geyser de flammes.  La fée cacha son visage entre ses mains, refusant de voir le jeune chevalier s’écraser au sol.

  – Il tient bon, la rassura Ronan avec une admiration certaine pour l’agilité du garçon.

  Les deux mages et la fée, toujours perchés sur le dos des dragons-papillons, s’étaient posés au bord d’une éminence rocheuse en croissant de lune.  Une rivière y finissait sa course, cascadant sur la roche telle une chevelure constellée de diamants dont les mèches blanches et soyeuses glissaient, un îlot plus bas, dans un lac aux reflets turquoise.  Un décor de rêve qu’ils auraient apprécié à sa juste valeur si le combat qui faisait rage juste au-dessus n’avait accaparé leur attention.

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Ani Sedent nous propose un premier extrait de son roman, le T2 des Chroniques de l'Invisible : le sixième domaine

Publié le par christine brunet /aloys

Valerian ouvrit les yeux…

– Je vous l’avais dit ! gronda une voix caverneuse.

…il n’allait pas mourir !

  –  Quelle idée de voler sur le dos de ce vilain poulet mangeur d’or !

  Azimuth se posa tout à côté d’un carré d’épines-rosettes urticantes et le jeune chevalier pensa qu’il n’avait jamais rien vu de plus réjouissant, hormis le dos du dragon s’interposant entre le sol et lui.

  – Eh ! Là-haut, héla Azimuth en roulant des yeux pour apercevoir son passager.

  Son appel demeurant lettre morte, le dragon s’ébroua, délogeant son hôte peu loquace.  Valerian, tiré de son hébétude, se retrouva assis dans l’herbe où il se vautra avec délectation.

  « Dame Hortense ! »

  À ce rappel soudain, le jeune chevalier posa un regard inquiet sur la musette qu’il agrippait toujours d’une main ferme.  Mais c’est dans l’autre main qu’il découvrit le petit paladin.  Il avait dû s’en saisir lorsque le bec d’or s’était dissous dans l’atmosphère, tel un morceau de sucre dans une tasse de thé.

  Horrifié à l’idée d’avoir serré le poing trop fort, Valerian posa doucement la petite créature inerte sur le sol herbeux.

  – Elle va bien ? s’enquit Azimuth.

  N’obtenant pas de réponse, le dragon posa un œil énorme et inquisiteur sur le paladin, tapota le petit corps d’une griffe délicate puis, après un instant de réflexion, il émit un rot sonore aux âcres relents d’ammoniac.

  – Îîîîîk !

  – Elle va bien, décréta-t-il.

  – Que… Que s’est-il passé ? bredouilla Hortie en retrouvant silhouette humaine.

  – Ce que je redoutais ! s’exclama le dragon, cette horrible volaille qui vous servait de monture s’est lâchement enfuie.

  En quête d’un avis plus objectif, la fée se tourna vers Valerian.

  – Mon sortilège manquait de puissance apparemment, constata-t-elle lorsque le jeune chevalier eut fini son récit.

  – Heureusement, je suis plus fiable que cette espèce de gallinacé aurivore, assura Azimuth.  Je ne me dissous pas dans l’éther, moi, se plut-il à ajouter.

  – Je dois bien avouer qu’en toute occasion, vous avez prouvé que vous étiez le dragon de la situation, admit volontiers Hortie, c’est pourquoi, je suis certaine que vous vous ferez un plaisir de nous emmener au Mont de la Licorne Noire.

 

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Luce Caron nous propose quelques extraits de son ouvrage...

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

"Un clic pour une claque"

23h57. Dans trois minutes, elle coupera le wifi et entendra des hurlements, des insultes. Petit rituel du soir. 

23h59. L'angoisse monte. Le doigt sur la box, Agnès regarde l'horloge du salon. Crispée, redoutant la bombe prête à exploser, elle fait le décompte 5, 4, 3, 2, 1, elle appuie.

Silence.

Agnès tend l'oreille, mais ne perçoit rien d'autre que la trotteuse qui continue son chemin, imperturbable. 

 

"Dormir"

C'est toujours la même histoire. Je pense toujours que c'est le bon. Stupide. Illusoire. C'est d'ailleurs lui qui a suggéré que j'arrête la pilule.

 

"Une journée de trop"

C'est parti pour quarante-huit heures de débauche. En sortant du supermarché, Caroline écoute Billie Holiday dans la voiture, l'incarnation du génie défoncé. Elle l'adore. Dans le coffre, un paquet de pain de mie, des chips, une bouteille de gin et six bouteilles de vin. Tout doit disparaître. L'assouvissement de son désir approche. Euphorique avant même d'y avoir trempé les lèvres, elle pense au gin tonic qu'elle va concocter en arrivant chez elle et se demande s'il y a encore des glaçons dans le congélateur. [...]

Depuis quelques mois, elle ne sort plus. Elle n'a plus le courage d'attendre que ses copines aient fini leur verre pour en commander un nouveau. Ce soir, elle va continuer le livre qu'elle a commencé le week-end précédent, elle a bien l'intention de le finir avant que sa vue se trouble. 


"À poings fermés"

Durant les rares moment d'accalmie, elle se fait couler un bain et quand les pleurs reprennent, elle plonge la tête sous l'eau, éloignant l'écho insupportable de son impuissance. Elle se dit qu'il serait mieux sans elle. À quoi bon tant d'efforts pour maintenir la tête hors de l'eau...

 

LUCE CARON

 fcb (Luce Caron - Auteure) et insta (@luce.caron.auteure)

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En avant-première, un extrait de Meurtres Surnaturels, volume III : Le Triomphe de Julian Kolovos Par Joe Valeska

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

– Ah ! s’exclama le shérif. Vous êtes là, Pendragon ! Saint-Amant, Camardon, je vous présente Phileas Pendragon. Il nous arrive tout droit du Royaume-Uni et il serait le meilleur enquêteur de son pays. Il va bosser avec nous quelque temps. Désolé de vous avoir demandé de nous rejoindre ici, Pendragon. Quand vous m’avez téléphoné, j’étais déjà en route. Vous avez trouvé facilement ?

Pendragon se contenta d’un : « Hum ! », puis il se dirigea vers la botte de celui qui serait identifié, plus tard, comme étant Nick Mann. Il inspecta la chaussure du mort quelques secondes, sans la toucher, puis, à son grand regret, il déclara d’une voix nette :

– La victime a été dévorée par un alligator de sept mètres. Peut-être huit. Bordel ! Vingt-trois pieds de longueur minimum.

– Mais non, c’est absurde… objecta Camardon. Ces affreux reptiles ne peuvent pas atteindre une taille pareille, voyons ! Jamais ! Sauf, peut-être, dans les films d’épouvante. Beau, oui, mais pas très réaliste !

Pendragon extirpa alors quelque chose de la botte. Une dent.

– Jamais ? Ça, c’est ce que vous croyez, répondit l’enquêteur. C’est très rare, mais on a déjà vu des spécimens de six mètres, et ceci, dit-il en montrant la dent de 2,36 pouces, c’est la dent d’un animal incroyable. Notre ami doit peser plus d’une tonne. Il est certainement plus grand que le Crocodylus anthropophagus, le plus grand prédateur rencontré par les premiers hommes.

– Est-ce que vous nous parlez d’un dinosaure, détective Pendragon ? hésita Saint-Amant. Encore un hurluberlu. Vous arrivez d’où, l’ami ? De Jurassic Park ?

– Je n’ai rien dit de tel, l’ami, mais je dis que la nature est pleine de surprises, bonnes ou mauvaises. Si un alligator géant se promène dans le Mississippi, ça va être l’hécatombe. Plus ils sont gros – il faut le savoir –, plus ils sont intolérants. Et notre Wally Gator, son territoire, il va le défendre. Mais ne vous inquiétez pas, je suis là. Les monstres, ça me connaît… Au fait, vous pouvez m’appeler Phil. Shérif Lafourche, une dernière petite chose, enchaîna-t-il. Je suis le meilleur enquêteur de mon pays. Vous avez utilisé le conditionnel…

 

Novembre 2018

 

Dans le petit salon, tassé dans un fauteuil en velours rouge, Adam sursauta quand il entendit la voix de Julian dans son dos. Il éteignit rapidement le poste de télévision, assez embarrassé, et se leva tout aussi vite, serrant la télécommande dans sa main droite, afin de faire face à son ami.

On aurait dit un adolescent surpris par ses parents au milieu d’ébats amoureux.

Julian, coiffé comme l’as de pique et mal rasé – il n’avait pas dû utiliser son rasoir depuis au moins une bonne douzaine de jours –, l’observa un moment avant de consentir à desserrer les dents. Il le fit précisément quand Adam, agacé par ce silence, allait lui-même ouvrir la bouche.

– Tu faisais quoi, petit frère ? lui demanda alors l’acteur, coupant son jeune ami dans son élan.

– Moi ? Rien de spécial… Je regardais… American Horror Story. Alors, comment tu te sens ? Ça me fait plaisir de te voir ailleurs que terré dans ta chambre. Ça te dirait d’aller faire un p’tit tour ? Je t’emmène où tu veux. On prend ma Corvette. Où voudrais-tu aller ? On fait c’que tu veux.

– Tu regardais Meurtres Surnaturels, menteur, répondit Julian sans émotion. L’épisode où je suis apparu, n’est-ce pas ? Tu fais ce que tu veux, tu sais… Tu n’as pas besoin de me ménager comme tu le fais. Je ne suis pas en sucre.

– Non, je le sais bien, d’Ju’. C’est que… j’aimerais tellement te revoir au sommet de ta forme. Tu me manques, mon frère. D’autre part, j’ai peut-être une piste.

– Je sais, Adam. Quant à ma carrière, elle ne m’intéresse plus. Tu parlais bien de cela, non ? Je suis mort, artistiquement. Mon retour dans Meurtres Surnaturels signifierait le boycott de la série. Ils n’ont qu’à rappeler cet empafé de Wolf et ressusciter Nick Mann. Je m’en moque. J’en ai fini avec le cinéma et la télévision.

– Arrête de dire que ta carrière ne t’intéresse plus, s’il te plaît. C’est un mensonge. Les choses vont finir par s’arranger, je te le promets. Va te raser, maintenant. On va aller faire un tour. Cela te fera le plus grand bien. Et à moi aussi…

Julian haussa les épaules et tourna les talons, bien décidé à retourner s’enfermer dans son antre.

– D’Ju’ ? Mais où est-ce que tu vas ? Mais réponds-moi, putain ! Et merde !

Furieux, le jeune homme le rattrapa et l’obligea à affronter son regard. Il hésita, mais il le fustigea. Comme Julian l’avait souligné, il n’avait pas besoin d’être ménagé.

– Tu veux que je te dise ? Tu commences vraiment à me casser les couilles, d’Ju’ ! (Julian se tint coi.) Oui, tu t’en prends plein la gueule sur Internet, c’est vrai… Mais tu as connu pire ! On a connu pire… Alors…

– Arrête, s’il te plaît, petit frère, s’impatienta Julian. Je ne suis pas d’humeur à écouter un sermon.

– Tu la fermes, maintenant, Julian ! s’énerva Adam. Tu vas monter te raser et prendre une putain de douche ! Parce que je te le jure, tu chlingues.

Prenant brutalement conscience qu’il commençait à déconner grave, mais blessé dans son amour-propre, Julian abandonna son ami sur un : « Je t’emmerde » tremblotant.    

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Micheline Boland nous propose un extrait du dernier recueil signé Louis Delville "La vraie vérité"

Publié le par christine brunet /aloys

 

 

Une seconde, une minute, une heure

 

Une seconde ! Voilà bien une expression galvaudée le commerçant pressé qui vous dit : "Je suis à vous dans une seconde" ou "Une seconde, j'arrive" et cela dure des heures…

Une minute, une belle unité de mesure pour les sociétés de téléphonie.

Taxation à la minute, dit-on. Taxation à la seconde, réclament les consommateurs  

Une minute pour dire tant de choses à l'être aimé ou une minute de silence, le onze novembre…

Une heure pour le repas de midi, une heure de sommeil, une heure d'attente à l'hôpital. Je me demande toujours si toutes ces heures sont identiques.  À l'école, il existe même des heures de cinquante minutes, c'est vous dire…

Une seconde, une minute, une heure ? Qu'importe, j'ai tout mon temps !

 

Louis Delville 

 

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Un quatrième extrait de Meurtres Surnaturels, volume II : La Chute de Julian Kolovos Par Joe Valeska

Publié le par christine brunet /aloys

 



 

Julian sortit de son Austin Martin V8 et Adam, de la Bentley de Francesco qu’il avait empruntée pour suivre son ami jusqu’au vieux cimetière de Barnes. Son propre véhicule avait catégoriquement refusé de démarrer. Peut-être aurait-il dû savoir interpréter ce « signe » ?

Les deux hommes, troublés par les événements qui venaient de se produire, se jetèrent des regards furtifs le temps de quelques secondes. Mais c’est Julian qui brisa le lourd silence gênant.

– Tu veux parler maintenant ou ça peut attendre qu’il fasse jour ? demanda ce dernier. Je suis prêt à tout te raconter.

– En réalité, je suis claqué, d’Ju’. Je crois que je vais aller me coucher sans même me déshabiller. Je n’en ai pas la force. J’ai réussi à conduire jusqu’au château, je ne sais par quel miracle, pour tout te dire. J’espère que Francesco ne m’en voudra pas trop d’avoir emprunté son bébé.

– C’est comme tu veux, soupira Julian. Dans ce cas, je vais vérifier que mon père va bien et je… Non… Je ne crois pas que je vais pouvoir dormir, cette nuit, non. Enfin, les quelques heures qu’il reste avant le lever du Soleil.

– Tu me raconteras tout, et je dis bien « tout », dans les moindres détails, plus tard, d’accord ? le pria Adam. Plus de secrets entre nous…

– Plus de secrets, non, lui promit Julian. Maintenant, va dormir un petit peu. Tu en as cruellement besoin.

Le jeune impresario hocha la tête et tourna les talons, prit le chemin en gravier. Bien malgré lui, il venait de se mettre à pleurer.

– Petit frère… murmura Julian.

– Quoi ? fit le jeune homme, s’immobilisant, ne se retournant pas.

– Je te demande pardon. Pour tout. Je n’ai jamais voulu te blesser.

À l’intérieur du château, l’un à la suite de l’autre, Julian et Adam montèrent le grand escalier en marbre de Carrare qui conduisait aux chambres. Avant de regagner la sienne, Julian pénétra dans la chambre spacieuse de son père et s’approcha de son lit en bois massif à pas de loup. Le paternel ronflait bruyamment. Julian sourit et quitta la pièce, rassuré.

Dans sa chambre, après avoir ôté ses chaussures et s’être déshabillé, avoir soigneusement rangé ses affaires, il vérifia, par habitude, sa messagerie. Plusieurs fois, sa sœur avait tenté de le joindre. Il s’allongea et écouta les messages. Le premier n’était qu’un simple : « Julian, tu es là ? » Même chose, à peu près, pour le second. Mais, dans le troisième, Ivana expliquait à son frère qu’elle serait de retour à Gillingham lundi, dans la journée.

Julian ne put s’empêcher de pester contre sa sœur… C’était précisément le jour où Lénora allait revenir au château dans l’espoir d’obtenir de l’acteur qu’il la suive loin de tout.

À Los Angeles, il devait être un peu plus de vingt heures. Il décida de l’appeler sans attendre…

Julian ? sembla s’étonner Ivana.

– Bonsoir, sœurette.

Je t’ai appelé plusieurs fois, mon frère. Tu as eu mes messages ?

– Évidemment… Pourquoi t’appellerais-je du Kent à plus de quatre heures du matin, sinon ? s’agaça Julian. Le tournage de ton nouveau film n’est pas achevé, si ? Que se passe-t-il ? Pourquoi rentrer si tôt à la maison ? Tu n’as pas rompu ton contrat, j’espère !?!

Mais pas du tout ! s’offusqua Ivana. (Et elle se mit à sangloter, exaspérant son frère encore un peu plus.) Je n’ai vraiment pas de chance, grand frère… Deux échecs consécutifs et ça, maintenant ! Ce n’est pas possible !

– Ça, quoi ? lui demanda alors Julian. Ivana, dis-moi ce qu’il s’est passé, à la fin !

Eh bien !!! Figure-toi que le tournage de Trapped a été mis en attente pour une durée indéterminée ! Esteban, c’est le réalisateur, tu sais, nous a dit de tous rentrer chez nous en attendant qu’on retrouve cet imbécile de Jerome. C’est Esteban qui l’a traité d’imbécile, hein ? Ce n’est pas moi.

– Attends… dit Julian en fronçant les sourcils. Est-ce que tu me dis que Jerome Wild a disparu ? On parle bien de la star masculine du film, n’est-ce pas, sœurette ?

Oui. On s’apprêtait tous à tourner une scène très importante, mais plus de Jerome… Disparu ! Andrew l’a cherché partout, Esteban aussi, mais non… Il n’était nulle part. Ni dans les studios de la Paramount ni à son hôtel. Volatilisé ! Comme s’il avait été enlevé par des aliens… Mon Dieu !!! s’écria-t-elle soudain. Tu crois que c’est ça, Julian ? Pauvre Jerome… Enlevé par des extraterrestres qui vont lui introduire des sondes partout dans le corps…

– Mais qu’est-ce que tu me racontes ? déplora Julian. Elle est encore dans ses délires à la con… Et la police de Los Angeles, qu’est-ce qu’elle en pense ?

La police ? Ah oui ! La police. Ils ont mis tout en œuvre pour le retrouver, bien sûr. Mais… Attention, c’est un secret ! Selon l’inspecteur chargé de l’enquête, Jerome a un passé de drogué… chuchota-t-elle. Il aurait déjà disparu des mois entiers sans donner la moindre nouvelle ni à sa famille, ni à ses amis, ni à son agent artistique. L’inspecteur prétend qu’on le retrouvera mort dans une ruelle sombre, cette fois.

– Mais c’est scandaleux de dire des choses pareilles ! Que ce soit vrai ou pas, d’ailleurs. Elle est en train de me raconter des conneries… Y a quelque chose qui sonne faux, dans sa voix… Et la police laisserait partir tout le monde ? Mais bien sûr… Je parie qu’elle a fait un caprice de diva et qu’elle m’invente une belle histoire pour que je ne m’énerve pas !

Parfaitement scandaleux, je suis d’accord ! Ce pauvre, pauvre Jerome… J’espère qu’il réapparaîtra vite. Mais je n’ai plus rien à faire à Hollywood, pour l’instant, moi, du coup. Papounet avait peut-être raison… Je n’aurais jamais dû accepter ce film.

– Et tu reviens lundi, donc. Hum… Si j’étais toi, je resterais à Los Angeles, Ivana. On ne sait jamais. Wild pourrait revenir d’ici deux ou trois jours, je veux dire. Il est peut-être au lit en compagnie d’une admiratrice, dans un hôtel quelconque. Ça m’est arrivé à moi aussi, tu sais, avant de rencontrer Ningsih…

Eh bien ! Je repartirai, ce n’est pas compliqué… C’est bien pour ça que les avions existent, non ? On dirait que tu n’as pas envie que je revienne, mon frère ? Tu as envie que je revienne, pas vrai ?

La petite maline… C’est l’évidence même, Ivana. Papa sera ravi, qui plus est. Tu lui manques tellement.

Oui, c’est ce que je pense, moi aussi. Je suis réellement impatiente d’être de retour à la maison. J’en ai soupé d’Hollywood !

– Moi de même, sœurette. Et merde !!! Sur ce, je vais te laisser… Il est vraiment tard, ici, ou tôt, et j’ai besoin de dormir un peu. Les dernières heures ont été éprouvantes.

Dans ce cas, repose-toi bien, grand frère. Et l’on se revoit d’ici peu. Je t’aime fort, fort, fort !

– Moi aussi je t’aime. À très vite. C’est bizarre… Elle ne m’a pas demandé des nouvelles d’Adam. Vraiment bizarre…




 

7



 

Julian se leva. Il enfila son pantalon de survêtement noir et alla retrouver Adam dans sa chambre.

– Nous avons un problème, lui dit-il.

Deux heures après les premières lueurs de l’aube, les deux comparses se retrouvèrent à l’orée de la forêt de sapins et de cèdres, derrière le château Kolovos. Julian portait son pantalon de survêtement et un débardeur d’une blancheur des plus éclatantes, et Adam, juste un pantalon de survêtement gris. Il préférait courir torse nu.

Ils commencèrent leur jogging au milieu des arbres majestueux.

– Donc, Ivana revient lundi ? On n’est pas dans la merde, d’Ju’, soupira Adam. Comment va-t-on faire ?

– Comme tu dis… Et, je ne sais pas, elle était vraiment bizarre au téléphone. Je crois que ma sœur me cache quelque chose, si tu veux mon avis.

– Tiens donc ! persifla Adam. Quelle surprise ! Un autre membre de la famille Kolovos qui aurait des secrets ? C’est on ne peut plus bizarre, effectivement.

– Te cacher ma véritable nature n’était en aucune façon un manque de confiance en toi, Adam. J’avais… (Il marqua une petite pause, baissa les yeux sur la litière forestière odorante.) J’avais peur.

– Et peur de quoi ? Que je te considère comme un monstre ? Que je mette un terme à notre amitié ? Oui, j’aurais eu peur. Oui, je me serais peut-être enfui. Mais j’aurais fini par réfléchir et par revenir, d’Ju’. Ce ne sont pas que des mots. Tu es ma famille. Francesco est ma famille. Ivana aussi est ma famille. Je te l’ai dit je ne sais combien de fois et j’aime à le répéter peut-être parce que je suis enfant unique… Tu es mon grand frère. Je t’aime.

– Tu vas finir par me faire pleurer, murmura Julian. On devient beaucoup plus sensible, avec les années, ne le sais-tu donc pas ? Si tu n’étais pas torse nu, mais surtout tout en sueur, je te serrerais dans mes bras. Moi aussi, je t’aime. Il n’y a aucune différence entre ma sœur et toi, Adam. Mais… qu’est-ce qui te fait rire ?

– Oh ! Mais rien… Rien du tout. Aucune différence entre ta sœur et moi, hein ? Tu me parles bien de la même fille qui se demandait pourquoi il n’y avait pas eu douze autres films avant Apollo 13 ? La même fille qui a crié au scandale quand est directement sorti Apollo 18 ?

Julian se mit à glousser, puis à rire de bon cœur. Heureusement que ce bon vieux Francesco ne se trouvait pas là !

– Ce n’est vraiment pas cool de se moquer d’Ivana de cette façon, Adam, tenta d’articuler Julian, les yeux plein de larmes. C’est ma sœur, tout de même !

– Non, c’est certain… Mais c’est un petit peu de ta faute, espèce d’hypocrite ! répondit le jeune homme qui peinait à reprendre son souffle. « Et que s’est-il passé entre Apollo 13 et Apollo 18, hein !?! Pff ! Y a même plus Tom Hanks ! », rappela-t-il, hilare, essayant d’imiter la voix d’Ivana.

– Mais tu vas t’arrêter, oui ? le réprimanda Julian. Allez, rentrons, maintenant… Une bonne douche, un bon petit-déjeuner copieux, puis je te raconterai toute mon histoire depuis le jour où Lénora m’a mordu…

 

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