François Iulini présente son recueil de poèmes "L'ombre du reflet"
François Lulini
François Lulini use d’un pseudo. Son pseudo est son vrai nom. Son vrai nom lui a été donné par une rature. Le poète se cache en se montrant au grand jour. Il a soixante ans. Il n’aurait jamais cru pouvoir écrire cela. Il n’aurait jamais imaginé écrire de la poésie non-plu. En e qui concerne ses quarante-cinq ans de travail, on pourrait écrire ce que le conseil de classe de sa fin de troisième écrivait sur lui « élève doué, peut mieux faire ». Il n’a pas gagné d’argent, ne roule pas au volant d’une grosse voiture, il loue un logement modeste. Il n’était pas aussi doué que ses professeurs voulaient bien l’affirmer. Le 16 janvier 2011 entre chien et loup, désœuvré, il consulte le site informatique d’une amie peintre. Le titre d’une toile attire particulièrement son attention « septembre déjà ». Ah bon, il aurait dit moins. A l’instant précis où il découvrait cette œuvre, il se mit à écrire. A l’instant précis où il commença à écrire, il commença à rimer. A l’instant précis où il commençait à rimer, une lourdeur dans la poitrine lui laissant depuis l’adolescence le cœur lourd sembla s’estomper un peu. Le poète s’est perdu il y dix ans sur une île perdue au milieu de la mer. Il entrera dans sa froide cité que deux fleuves arrosent l’été prochain. Il rime et son cœur accepte de battre encore un peu. Il a découvert à cinquante ans passés que la vie est un amour de vacance. On décide de l’embrasser le dernier jour.
L’ombre du reflet
Ce recueil de poèmes est le premier publié de François Iulini. Il n’écrira pas de roman. Chacun de ses recueils en contient plus de cinquante. Puisqu’il n’a pas d’imagination romanesque, il puise dans les histoires de sa vie dont il extrait quelques images que ses rimes illustrent. (Soir de tourmente dans un verre d’eau, O grandes mains, Cinq heures, Le lundi au soleil, Couleurs d’un ciel (Bi) Polaire, Ombre blanche…). Il a eu ici, perdu au milieu de son île perdue (Voyage), la chance de posséder une petite maison et un jardin plus petit encore. La poésie n’est pas difficile à écrire lorsqu’on possède un jardin. Le jardin est le giron où la poésie gazouille, glousse ou babille. Assis sur une marche d’escalier, il a vu deux-mille quatre-cent soixante-six jours se lever et autant de fois la pénombre envahir son espace. Parfois, le soleil y frappait si fort que le jardin semblait flotter (Dérive). Dans les instants où les oiseaux cessent ou entonnent leurs chants. Dans ces instants où les hommes doués s’apprêtent à mieux faire, il a puisé dans la seule chose qu’il n’ait jamais possédée, sa mémoire. La vie compliquée de cet homme simple contient autant de pages que de pages cornées. On ne se prête jamais suffisamment attention aux notes de bas de page. Le titre du recueil « l’ombre du reflet »emprunte à Theodor Amadeus Hoffmann pour qui rien n'est plus fantastique et plus flou que la vie réelle, le poète se bornant à en recueillir un reflet confus, comme dans un miroir mal poli. Cette image déjà surréaliste nous affirme prémonitoire qu’il n’y a que le merveilleux qui soit beau. Tous les reflets et les ombres de ce recueil ont pour origine une histoire vécue ou des histoires vivables. Cette poésie s’amuse des mots, de leur ambiguïté, de leur double sens. Elle les entremêle, les brasse, les associe dans une confrontation brouillonne et affamée de nichée à l’heure de la tétée. Comme si la flopée de dictionnaires ne suffisait pas, le poète invente d’autres mots ou en réhabilite certains qui comme lui ont passé les plus belles années de leurs vies dans un purgatoire charmant d’où on voit les oiseaux construire leur nid (Construction, déconstruction). Lecteur, puisqu’on peut aimer les jardins sans être botaniste, oublie un peu le sens et regarde les mélodies et les images envahir mon jardin. Et n’oublie pas, c’est vite lu soixante ans.