"Le pactole", un texte poétique de Thierry-Marie Delaunois

Oh misère! Là retenez-moi! Sinon je décolle
car mon imagination ne peut que me rendre folle!
Si, si, croyez-moi: si je devais gagner le pactole,
il vous faudra sans doute me passer la camisole!
Pourquoi? Mais je me mettrais à danser la farandole,
espérant que l’on ne me prenne pas pour une frivole
mais prête à détaler pour aller pêcher des soles
surtout si devait brutalement surgir Anatole!
Allons donc, que ferais-je avec la somme gagnée?
Je foncerais d’abord chez ma coiffeuse, exaltée;
Puis du supermarché je reviendrais les mains chargées;
Ensuite, sans Anatole, ce serait la virée
avec mes copines Christine, Martine et Edmée;
Enfin nous rentrerions chez nous complètement givrées,
mais contentes, ravies, heureuses, surexcitées
d’avoir pu nous défouler autant! La folle échappée!
Anatole, mon mari, est un homme fort surprenant:
très bon, aimable, gentil, attentionné mais détonnant!
Si nous touchions le pactole: “à la banque, tout l’argent
car nul ne peut prédire notre avenir à cent pour cent!”,
tandis que moi, j’aimerais pouvoir profiter du présent,
de l’instant, du monde qui m’entoure, un monde étonnant
mais Anatole s’y opposerait vigoureusement!
Réfléchissons: quels pourraient alors être mes arguments?
“Ecoute-moi, laisse voyager ton imagination!
S’il te plaît, chéri, ne résistons pas à la tentation!
Cette villa en bord de mer serait la consécration:
les volets et portes bleues attireraient l’attention;
le toit rouge et les murs blancs ne seraient pas en option
mais le signe, même le reflet de notre ambition:
vivre en harmonie, en complète intégration
avec la terre, le ciel, la mer et la population.”
Mais je suis en cet instant complètement étourdie,
imaginant le montant de notre économie
si Anatole devait l’emporter sur mes envies!
Pourquoi n’y a-t-il plus entre nous cette alchimie?
D’accord, l’argent ne fait pas le bonheur mais infinie
serait notre joie car cette côte d’Italie,
mon mari, lui aussi, l’aime d’une douce folie
mais, quant à l’avouer, ce ne serait là qu’utopie!
Si je devais gagner le pactole, je le ramasse
comme s’il s’agissait de feuilles d’automne qui s’amassent,
qu’il me faudrait évacuer; ensuite je me casse
pour sans doute laisser Anatole dans la mélasse!
Peut-être s’aviserait-il de me prendre en chasse?
Ce serait un témoignage d’amour, grand bien nous fasse
à moins qu’il veuille me faire la peau avec sa masse?
Le pactole? Pour les oeuvres du père Boniface!
Ah l’argent! Ah l’amour! Ah les hommes!